Quand Lena a eu le besoin de lui dire qui était venu la rencontrer à l’ambassade, Olympe n’avait pas cherché plus loin. Elle savait parfaitement qui était Nate Gallagher, malgré les messages de feu ou bien les rencontres, elle savait que son ami sorcier, demeurant en Irlande dans l’espoir d’y préserver un semblant de paix, avait cet homme dans sa poche. C’était une sorte de soldat de la paix. Mais à Rome, la paix n’arriverait sans doute jamais. Depuis 2003, la blonde tentait en vain de protéger sa famille, sa congrégation et ses paires. Mais elle n’y était pas parvenue durant l’épidémie, ni même durant le bal du renouvellement. Octobre s’annonçait maussade, il ne manquerait plus que le Pape ne meure et ça soit vraiment compliqué par la suite à Rome. Mais ce qu’elle savait, la blonde le gardait pour elle, elle l’avait toujours gardé pour elle. Ses secrets, ceux des autres, les enseignements de Ruben, de Caïus et d’autres Grands Sorciers. Même l’irlandais était l’un de ceux qui lui avait permis de grandir dans les sphères sorcières mondiales. Aujourd’hui, elle était respectée et parfois prise en exemple par certains sorciers. C’était tout le manège qu’elle voulait montrer. Si beaucoup voulait être comme elle, à Rome les sorciers seraient de plus en plus neutres face aux conflits et ils pourraient demeurer en vie et surtout en paix dans leur coin. Ce n’était qu’une mauvaise idée de Caïus que de prendre les loups-garous en ami. Et voilà que désormais, ils étaient contre eux à cause de mauvais traitements de la part de certains fous furieux. Elle soupire en rangeant ses affaires d’un claquement de doigts. Depuis plusieurs jours, elle attendait à la visite de Gallagher au QG des sorciers, ou bien quelque part où elle se trouvait souvent, un homme en quête de réponse ne prendrait pas son temps à venir la trouver. C’était sans doute pour cela qu’Olympe se comportait comme une terrestre ses derniers temps. Prendre le métro, le bus, un taxi pour rentrer chez elle. Mais rien n’y faisait.

Elle sort du métro, l’arrêt du Colisée et prend encore le temps d’admirer ce que le passé avait pu laisser aux terrestres. Marchant dans les rues, ne se mélangeant pas trop, alors que son sac à main tape contre sa hanche et que ses yeux ont cette déclinaison vairon qui la caractérise vraiment. Violet et vert. La marque qui la rattachait plus au Diable. Les écailles de ses mains ? La blonde les cachait. Elle avait si souvent tenté de ne plus les voir que les camoufler était le plus facile. Elle est vêtue d’une robe fourreau bordeaux, qui n’est pas réellement dissimulée par ce trench noir, ses talons hauts claquent sur les pavés au rythme de ses pas, tout comme ses boucles blondes ondulent sur ses épaules. Pourtant, il ne lui faut pas si longtemps pour capter la présence qui vient de se faire dans son dos. Si bien que la blonde s’arrête sur le trottoir à quelques mètres de son appartement. « Olympe De Briant ? » Elle a un sourire en coin, et laisse passer quelques secondes avant de se retourner sur la voix qui venait de la nommer. « Tout dépend de qui la demande. » Évidemment qu’elle savait qui la demandait. Elle l’attendait depuis qu’elle le savait présent à Rome.

Évidemment, il a l’apparence que Lena lui a vaguement décrite, un jeune homme qui semble être une droguée, peut-être même un sans domicile fixe pour les terrestres. Mais il n’en reste pas moins un vampire d’une centaine d’années. Elle ne perd pas son sourire, mais laisse une main sur la bandoulière de son sac à main, l’autre dans sa poche alors qu’elle l’observe de haut en bas, découvrant le symbole qu’il porte autour du cou, son sourire s’accentue. « Gallagher je présume. » Dit-elle dans un murmure parfaitement audible pour l’enfant de la nuit. Finalement, c’est elle qui s’avance d’un pas vers le vampire, qui ne paraissait pas recommandable, mais dont les louanges avaient déjà rempli son appartement lorsque son Guide était chez elle pour quelques jours. « Ou bien dois-je dire Nate ? Après tout, j’ai déjà entendu parler de vous, de nombreuses fois. Si vous voulez bien vous donner la peine. » Fait-elle en claquant des doigts en ouvrant un portail à leur droite. Allez à l’appartement à pied serait une bonne idée, mais Olympe souhaitait passer la case Helen et arriver directement dans son bureau. Pas que sa gouvernante, femme de ménage et cuisinière, soit des plus curieuses, mais si Olympe pouvait la préserver des petits secrets qu’elle gardait, elle le faisait. Tel était le contrat qu’elle avait noué avec la femme d’Helen il y a trois siècles. Finalement, elle passe la dernière et referme le portail d’un autre claquement de doigts après une série de gestes méthodiques, ceux qu’Onyx lui avait appris à l’époque de Saint-Germain-En-Laye. La pièce n’est pas froide, tapissée de bibliothèque, d’un plan de travail où bouillait une ou deux malédictions, des bougies à chaque coin de meubles, de vieux meubles qu’elle avait ramenés ci et là au cours de ses cinq cents ans de vie sur terre. Elle dépose son manteau et se penche au-dessus des chaudrons, avant de prendre place sur un fauteuil Voltaire, le regardant. « Je voudrais bien être celle qui pose les questions, puisque vous débarquez dans ma ville sans que je n’en aie été informée. Cependant, je crois savoir pourquoi, du moins… pour qui vous êtes ici, alors je vous en prie, parlez dont. » Elle était à l’écoute, c’était certain, mais rien ne disait qu’elle répondrait à ses interrogations.

Le refuge, le maître, cette idée de croire que le monde pouvait être utopiste ? Olympe y croyait dans le fond, elle avait été capable d’écouter un ami. Même si le pouvoir lui brûlait les ailes. Elle n’était pas bête. Chacun avait sa place dans le monde. Les Nephilims avec les démons, les créatures pour aider à tout ça et les humains à protéger. Sortir de l’ombre en 2000 était un coup d’éclat, un coup de génie pour les anarchistes créatures. Mais l’équilibre et les attaques de démons avaient redoublé depuis ce temps-là. Même si certains Nephilims étaient certes abusifs en ce qui concernait certaines créatures, l’inverse était désormais vrai. Les retours de bâtons avaient été pris et dans certains pays du monde, tout allait mieux, et dans certains pays tout allait bien plus mal. Et c’est sans doute dans l’espoir de conserver ton petit écosystème que Nate était là devant elle. Elle savait ce qui était arrivé au Guide. Le fait qu’il voulait disparaître un temps pour des raisons qu’elle ignorait, même si elle pensait que c’était avant tout pour rétablir la paix ailleurs qu’en Irlande. Et c’était un but louable, là où Olympe cherchait avant tout à protéger les sorciers présents dans la ville éternelle. Elle verrait pour le monde si elle avait le temps. Mais vu tout ce qui se passait à Rome, elle n’aurait jamais le temps. Même si parfois cette impuissance face aux événements lui donnait envie de tout lâcher et de retourner à Saint-Malo, de retrouver sa maison, de vivre comme tout le monde, dans une congrégation bretonne, sous la protection de quelqu’un d’autre. Au pire, être l’assistante, mais lâcher ce pouvoir. Mais le pouvoir, ça vous dévore, ça vous consume, finalement, elle était bien partie pour mourir à sa place, comme Caïus avant elle. Comme beaucoup le faisait en général. L’immortalité vous donne de la légitimité et sa génétique lui donnait quelque chose en plus, du moins, elle voulait le croire.

Néanmoins, le vampire face à la blonde ne semble pas très bavard. Mais le menton dans la paume de sa main, Olympe attends une réponse. Une histoire, un passif, un contexte. « Pourquoi j’parlerais ? Vous semblez déjà savoir ce qu’il y a à savoir sur moi nan ? Après tout, vous connaissez mon nom et vous avez entendu parler de moi de nombreuses fois pas vrai ? D’ailleurs, vous avez même deviné que j’étais là pour quelqu’un donc… Crachez l’morceau ! Où est-il... ? » Et elle sourit narquoisement. Intelligent de surcroit. Dommage que son allure ne le fasse passer pour une personne des bas fonds. Elle avance la main et tire une chaise jusque dans les genoux du vampire, un regard qui ne laisse pas lieux à négociation.

« Vous êtes bien imprudent. C’est un fait rare et j’apprécie votre détermination et votre honnêteté. » Rares étaient les personnes encore vivantes à lui parler de la sorte. Mais c’était également ça le pouvoir : se faire respecter avant de se faire aimer. Néanmoins, elle était plutôt aimée de sa communauté et les quelques déviants, Olympe leur faisait comprendre qu’il y avait d’autres congrégations dans le monde s’ils voulaient aller à l’encontre de la neutralité qu’elle partageait face au conflit. « Néanmoins, une discussion va dans les deux sens. Vous voulez des informations, je veux la certitude de pouvoir vous faire confiance, même si le symbole à votre cou devrait me suffire. Hélas. » Elle se coupe un instant. « Nous sommes à Rome. Et rien n’est sûr à Rome. » Comme le prouvait la fête, du renouvellement du mois d’août où elle avait perdu beaucoup d’amis sorciers à cause d’une bombe posée par elle ne sait qui.

Elle croise les mains se penche en avant pour l’observer un moment. « Lena n’a pas loupé votre portrait. » Sa sœur ne loupait jamais ce qu’elle faisait quand elle le faisait. « Et c’est bien l’unique personne qui m’a parlé de vous récemment. » Elle mentait. Évidemment. Son Guide ne voulait pas que Nate se mêle de son combat et Olympe était là pour lui servir de couverture le temps qu’il revienne. Puis d’un mouvement de la main, elle vient prendre le pendentif entre ses doigts, le regardant comme on regarde une vieille photo qui vous remplit de nostalgie. Ce fourbe était parti, car il avait remué trop de poussière sur les antiquités romaines. Olympe l’avait pourtant prévenu de nombreuses fois, il devait arrêter de trouver l’apaisement là où ce n’était pas possible pour le moment. Rome était la vielle éternelle, elle renaîtrait de ses cendres et Olympe avait promis qu’elle aiderait cette ville d’adopté à renaître, sans conflit. Mais pour le moment, c’était trop compliqué. La sagesse n’était pas de mise quand la guerre était en marche. Finalement, elle hausse les épaules, se levant pour rendre son médaillon au vampire, alors qu’elle ajoute en quelques mots. « Je ne sais rien, vous avez fait fausse route en venant me trouver. » Ce qu’elle savait c’est qu’il était venu il y a un an. Et c’est tout. C’était le politiquement correct, c’était tout ce qu’elle pouvait dire à Nate. « Néanmoins, je vous conseille de retourner à votre refuge, car le protéger, c’était la mission qui vous était confiée et pas celle de venir à Rome pour chercher votre Guide. » Conclut-elle en omettant de dire qu’elle captait toujours l’énergie magique de cet ami dans la ville. Il était là. Discret voila tout.