Cette soirée s’annonçait des plus grandioses. Loué pour l’occasion, le château Saint-Ange resplendissait malgré les bombes qui l’avaient défiguré au mois d’Août. C’est grâce à la magie qu’Olympe avait dépensé qu’elle était là, lors de cette soirée. Elle avait désormais un laissé-passé pour les soirées les plus huppé de Rome à cet endroit précis. Malgré la réputation qui collait à sa peau, sa liaison avec Nathan avait eu le bénéfice de calmer les esprits. Même si le Rome News, cet espèce de torchon avait ruiné quelques efforts quand elle ménageait la chèvre et le choux. Elle n’avait pas eu le loisir d’interroger Nathan au sujet de Chiara, et elle n’avait pas vu Hadrian depuis cette fois-là au QG des sorciers. Cette maudite fois. Elle était toujours hypnotisée malgré elle. Cet homme, elle ne parvenait pas à se le retirer de la tête, hormis quand Nathan était là à ses côtés. C’était mathématiques, elle n’arrivait pas à retirer une personne de son âme, mais laissait de la place à la nouvelle venue. Mais elle connaissait Hadrian mieux qu’elle ne connaissait Nathan… Malheureusement, elle savait que s’il tombait sur ce torchon, il viendrait. Elle le savait plus possessif qui n’y paraissait malheureusement. Enfin, elle garde dans ses mains la coupe de champagne rosé qu’elle n’arrive pas à boire. Mais vêtué de cette robe rouge-rosée faite d’un tissu brillant, elle est mise en valeur. Si bien qu’elle se fait accostée par un vampire du clan d’Adis. Ce clan dont elle connait parfaitement le dirigeant, tout comme les membres. Dans un idéal, elle aimerait que le lorrain prenne son indépendance face à Onyx et qu’il rejoigne Adis, qu’il trouve une nouvelle famille. Tout comme Nathan, du moins, ce qu’elle avait peur vis-à-vis de l’Anglais, c’était qu’il ne lui tourne le dos pour retourner dans le bras de sa créatrice… Est-ce qu’Hadrian lui pardonnerait d’avoir voulu tout donner à quelqu’un d’autres dans ce cas-là. Lors de la discussion, elle se mord la lèvre inférieure, son trouble devenant physique en plus d’être psychique. C’était douloureux de les imaginer s’entre tuer pour elle. C’était pire que douloureux, car même si elle aimait l’un et l’autre, elle ne saurait choisir. Elle ne voulait pas choisir l’égoïste même. Mais hormis rejeter la faute sur d’autres personnes, Olympe ne savait rien faire. Après tout Arthur lui rabâchait les oreilles avec cette histoire de terrestre qu’il aimait et ça lui rappelait le souvenir de cette époque merveilleuse à la Cour de Fontainebleau. Là où elle n’avait pas besoin de soucier d’autres choses que de vivre ou d’aider des gens avec sa magie. Où tout semblait simple dans la vie même si les temps de guerre étaient parfois rudes. Entendre les histoires d’Elena, courir après Alexandre dans les jardins. Rire aux blagues d’Onyx, sourire à Hadrian. Ses nombreux souvenirs qu’elle notait dans ses carnets qui prenaient une pièce complète de son appartement. Pourtant, elle salue calmement son interlocuteur, laissant ses pas la mener non loin de l’extérieur, alors que les videurs tentaient d’empêcher quelqu’un d’entrer, sans qu’elle ne sache qui vraiment.

Costume d'ébène lisse comme les marches qu'il descendait d'un pas royal, veston richement brodé d'ornement argenté enserrant son torse, une rose d'un rouge agressif dans la pochette. Un verre de O négatif dans une main, le journal dans l'autre, Hadrian prenait son temps pour arriver dans le hall d'entrée du manoir. Il paraissait absorbé par la lecture de son papier, et quelle lecture, absolument fascinante. Ses yeux esquivèrent le mot Nathan pour se poser sur celui d'Olympe; son verre lui glissa des mains. “Comment ?” souffla t-il, refusant d'en croire ses yeux. Sa mâchoire se serra. Le journal s'effondra sur la flaque de sang, et la seconde suivante la porte avait déjà claquée.

Il courut sous la pluie, de Trastavere à Via Della Conciliazione dans le vain espoir que cela chasserait ses pensées sombres. Mais Hadrian venait d’engager le catalyseur de sa dépression si familière. L’une après l’autre ses pensées se succédaient, teintant son esprit d’une noirceur froide et blessée qu’il ne prenait même plus le temps de saluer. Ce sentiment, il le reconnaissait, n’ayant vécut avec que depuis bien trop longtemps.
Mais le temps n'était pas aux ruminations, il en avait assez de se lamenter. Maintenant qu'il l'avait retrouvé, il ne la laisserait pas lui filer entre les doigts à nouveau sans avoir obtenu la paix intérieure qui lui manque tant. Hadrian possédait suffisamment d'amour propre pour en avoir assez, il irait voir la sorcière et lui demanderait sous quel prétexte pouvait-elle le torturer ainsi. Puis il la supplierait de le libérer du sort auquel elle l'avait soumit depuis maintenant des siècles. Il ferait n'importe quoi pour s'épargner une éternité de souffrance, il se mettrait à genoux si nécessaire. Il n'avait ni âme, ni vie, ni coeur à lui offrir. Rien qu'elle ne possède déjà. Mais que voulait-elle de plus ? Que Dieu lui vienne en aide.

Arrivé aux portes du château Saint Ange, le vampire tenta - sans grand espoir - de s'inviter à la soirée. On l'arrêta. “Laissez moi rentrer, c'est important” dit-il, agacé. Le vampire ne se sentait pas d'humeur à être patient ce soir-là. Qu'on le laisse entrer où il forcerait son chemin. Hadrian prit une grande inspiration, puis son regard fut attiré par la femme de ses désespoirs passant non loin. “OLYMPE HENRIETTE MARIE-SOPHIE DE BRIANT !! Arrête-toi là !” l'interpella t-il d'un souffle impressionnant. Il avait fait de son mieux pour se rendre impossible à ignorer, la blonde ne lui ferait pas l'affront de prétendre ne pas l'avoir remarqué… si ? Ses yeux océans rencontrèrent la glace des siens. Hadrian ne perdit pas une once de sa fougue, il serra les poings, fit un pas instinctif en sa direction - se percutant au mur érigé par la sécurité. “Oui tu m'as bien entendu, c'est à toi que je m'adresse ! Je te défends de m'ignorer !” Parfois, pour obtenir quelque chose, il fallait se tenir droit et charger. Il fallait se battre dur pour l'avoir. Après tout, il était venu jusqu'ici, autant y aller jusqu'au bout.

La soirée serait rocambolesque. Elle ne l’ignorait pas. Presque unique sorcière au milieu de vampires, elle serait forcément le jeu de certains regards et de propositions indécentes. Être une source de sang ne lui posait pas de problème, plus jeune dans le passé, elle l’avait fait pour s’amuser et ressentir les effets du venin de vampire. Mais ce soir, elle est trop hors du monde pour s’amuser véritablement. Cette histoire du Rome News la troublait plus qu’elle ne voulait véritablement l’admettre et même si elle resplendissait dans sa robe, son regard et son teint n’avaient rien de lumineux, bien au contraire. Elle était légèrement terne dans toute cette mascarade et elle était sur le point de se retirer dans les jardins. Bien au sec grâce à des protections magiques. Une chance de profiter du début du printemps les pieds au sec. Néanmoins, elle relève la tête vers l’entrée et le brouhaha qui s’en dégage. Elle ne voit pas grand-chose au début, trop stupide pour porter attention à un perturbateur qui viendrait déranger cette fête privée. Néanmoins. Olympe se retrouve coupé dans son élan à cause de quelques mots. « OLYMPE HENRIETTE MARIE-SOPHIE DE BRIANT !! Arrête-toi là ! » Elle se fige et son sang se glace, son échine frissonnant à la fois de honte et de plaisir. Elle avait honte d’entendre son patronyme ainsi scandé à travers une foule de vampires qui l’avaient connu plutôt comme étant Olympia et non Olympe. D'ailleurs, certains mettaient du temps à se défaire de son prénom de substitution. Néanmoins, c’est sur un Hadrian, visiblement en colère ou éméché qu’elle fait face. À quelques mètres de distance tout du moins. Deux peut-être trois. Quelle folie lui prenait de venir ici, trempé en plus de cela. C’était ridicule. Mais Olympe n’a qu’une grimace pour répondre au scandale qu’il venait de déclencher. Pour sûr, cette histoire ferait partir du prochain numéro de ce torchon. Ciel, si Nathan, Onyx ou Nocturne l’apprenait… Elle soupire et ré-ancre ses yeux dans les siens quand il ajoute, fougueux. « Oui tu m'as bien entendu, c'est à toi que je m'adresse ! Je te défends de m'ignorer ! » Rien que par esprit de contradiction, elle aurait envie de le faire. Et de tourner les talons pour aller se réfugier dans la végétation des jardins comme elle l’avait fait de nombreuses fois lors de ses instants de méditation à la Cour de France. D’un geste qu’elle veut le plus gracieux possible, elle se donne en spectacle, comédienne à reposer sa coupe de champagne sur un plateau. Et s’avance de quelques pas, juste une trentaine de centimètres qui les sépare. « Inutile de t’égosiller, je t’avais entendu la première fois. » Elle tente d’avoir ce regard froid qui peut tromper l’assemblé, mais pas lui, jamais lui. Hadrian la connaissait, car il était la séparation d’une même âme. Et l’un comme l’autre le savait… Elle pose un bras sur l’un des gros bras de la sécurité en articulant distinctement et avec toute la noblesse dont elle pouvait faire preuve. « Je m’en porte garant. Laissez-le rentrer. » Suite à quoi, les organisateurs pipent quelques mots à la Grande Sorcière qui conclut qu’elle pourrait ôter la magie qui gorge les murs du château pour qu’ils y trouvent une ruine. Elle avait gagné. Le blond lâché, elle agite les mains pour le sécher le rendre présentable. Avant d’agripper son poignet et de le tirer dans sa suite, la démarche mauvaise. Elle ne se dirige pas vers le jardin, non, qui pourrait entendre ce qu’il était venu lui dire ? Tout le monde. Quitte à faire jaser, elle monte à l’étage, où se trouvent des chambres d’appart, comme au temps de la royauté. Une chambre, une anti chambre, un salon. C’est dans ce luxe qu’elle le pousse en fermant la porte magiquement, tout comme elle insonorise les murs. « Par Lucifer, Asmodée, Bélial ou encore Baal ! Qu’est-ce qui te prend de débarquer ici ? » Sorcière, elle citait des noms de démons, ça semblait logique. « JE TE PREVIENS HADRIAN XERXÈS MAURICE THÉODÔRUS DE LACROIX-CHOISEUL ! » Fait-elle en se retournant sur lui, ses yeux ayant leur teinte vert et améthyste, tout comme les écailles qui recouvraient le dos de ses mains. « Si tu es venu ici, juste pour me mettre dans l’embarras et détruire tout ce que j’ai pris du temps à construire, je ne te le pardonnerais jamais ! Alors, parle maintenant, que viens-tu faire ? Qu’ai-je fais ou que n’aies-je pas fait pour mériter si peu de considération de ta part ? ».