Mon corps se plie, évite le coup. Danse ritournelle, habitude macabre, danse funeste. Il frappe, il ne retient pas ses coups, comme un besoin de montrer qui domine, qui joue les manipulateurs. Pas moi, mon frère jumeau a toujours été le plus compétent en la matière. Il sourit en coin alors que les goutes de sueurs viennent caresser notre épiderme. Plus de trois heures que nous bougeons, que nous laissons nos êtres s’entraîner à ce pourquoi nous sommes nés. Les sourires n’existent plus, pas chez moi, plus depuis que je suis revenu des enfers. Je me contente de riposter, je le touche, sûrement un coup de chance. Il grimace, colérique, il refuse de plier. Sa rancœur fait des ravages, mais je ne plie pas, oh que non, je continue à l’éviter, à charger. Je ne sais plus vraiment si il s’agit d’un entraînement ou de la réalité, Maximus semblait si convainquant, sûrement heurté par mon coup. J’ai appris depuis bien des années à vivre avec, à savoir gérer ses frasques, ça ne durera pas. L’entraînement continue jusqu’à ce que nos membres tremblent, jusqu’à ce que nos cœurs semblent vouloir quitter notre poitrine. Instinctivement, je me dirige vers ma chambre, cherchant un peu de quiétude, un besoin d’isolement trop oppressant. Elle est là, Anastasia, ma future épouse. Je l’évite. Je la contourne en lui faisant signe de me laisser, que ce soir, je ne suis pas là, ni pour elle, ni pour personne. Non, là, j’ai besoin d’une bonne douche et de quitté ce lieu maudit. Sous-sol qui a vu naître ma jeunesse, qui m’a vu grandi, exister entre ses murs de roches. L’eau a la possibilité de me détendre mais pas d’effacer mes blessures, ces cicatrices qui ont finies par s’ancrer dans ma peau. Souvenirs de ces quelques semaines passées, enfermé dans une cellule, comme seul réconfort la douleur de ce qu’ils m’infligeaient. Une fois lavé et séché, je laisse ma peau se couvrir de quelques vêtements légers et sombres. Le noir, couleur de ceux de mon espèce, de ces chasseurs d’ombres qui luttent pour exister mais également, pour protéger ce monde qui ne veut plus de nous. Soupire léger qui vient traverser mes lippes alors que je sors de ce qui me sert de chambre, laissant derrière moi mes rancœurs et mon amertume. Ce soir, j’ai décidé de quitter ces sous-terrain pour l’air frais de cette soirée d’Aout. J’ai besoin de quitter le Colisée, de m’échapper pour ne pas devenir fou. Je prends mon téléphone portable pour envoyer un message au propriétaire du Rione XIV, bistrot faisant partie des rares endroits où les néphilims n’ont rien à craindre. Réponse qui arrive quelques secondes plus tard, le portail apparaît sans souci. Je m’y faufile pour atterrir gracieusement dans l’arrière-boutique du bistrot. Le patron me sourit poliment, je fais de même. Il le sait, je suis un Grimaldi, les créatures obscures ne sont pas cher à mon cœur. Je trace ma route, je m’égare dans les lieux pour me poser à une table de libre, un peu à l’écart. Ma veste cache la plupart de mes tatouages, néanmoins, certains sont visibles au niveau de mon cou. Un whisky…Voilà ce que je commande. Pas une bière, pas un truc soft. Non, ce soir, j’ai besoin de boire un verre et un vrai. Lorsque ma commande vient se glisser entre mes doigts, je remercie vaguement la serveuse qui n’est autre qu’un vampire si je ne me trompe pas. Je frémi à cette pensée, laissant mon regard s’évader vers Paolo. Non, je ne dois pas y penser, je dois cesser de songer à l’homme que j’ai tant aimé. Portant mon verre à mes lèvres, je laisse l’alcool venir brûler ma gorge. Je n’avais pas l’habitude de boire, mais ça, c’était avant…Avant ma rupture avec Paolo, avant ma captivité dans les locaux de la brigade nocturne, avant que cette merde m’empoisonne l’esprit. Déposant le verre à moitié vide sur la table, je laisse mon regard caresser l’horizon et les clients de diverses espèces ici et là. Néanmoins, mon regard se stoppe sur un visage que je connais que trop bien, que je déteste autant que je désir. Ezekiel Lightwood-Bane, ayant décidé de combattre auprès de ceux que j’ai appris à détester. Mon esprit provocateur me dicte d’aller l’emmerder, je refuse, je suis sur un lieu neutre et je respecte ces règles…j’ai besoin de ce genre d’endroit, de pouvoir m’échapper sans craindre pour ma vie. Je serre les dents, je détourne les yeux pour éviter d’attirer son attention. Portant de nouveau mon verre à mes lèvres, je me tasse davantage sur ma chaise, cherchant probablement à passer inaperçu. Chose que je sais déjà perdue, parce que déjà, je vois une silhouette s’avancer vers moi. « Dégage Lightwood. » Grognais-je sans retenue, ne faignant pas regarder le beau basané.

Sa silhouette approche lentement mais sûrement de moi. Je peux voir son ombre s’étendre contre la mienne, comme une douce menace que moi seul peut comprendre. Rien qu’à cette foutue proximité, mon palpitant semble légèrement s’accélérer, me disant que clairement, je suis dans la merde. J’aimerais qu’il se barre, qu’il me laisse tranquille moi et mes propres émotions, mes propres envies. Quelle idée d’être attiré par un tel homme ? L’ennemi ne peut faire palpiter le cœur, non, il ne peut que rester à l’extérieur de mes émotions. Mais les choses ne semblent pas véritablement ainsi, pas quand il s’agit d’Ezekiel. Mes doigts serrent davantage mon verre, comme pour tenter de m’y accrocher, comme si dans ce verre je pouvais trouver une quelconque bouée de sauvetage. Dès qu’il est assez proche, je ne me gêne pas pour l’envoyer chier. C’est plus facile ainsi, oui, c’est plus facile d’être agressif que d’accepter ce qui me tourmente. J’ai assez souffert, j’ai le cœur en vrac, massacré, piétiné. Inutile d’avoir une attirance pour lui, lui qui, j’en suis sûr, ne fera que me détruire dès qu’il en aura l’occasion. Heureusement, ce lieu est censé être neutre et, ni lui, ni moi, ne souhaitons briser cette promesse. Nous ne sommes pas assez stupides pour ça. Face à ses paroles, je roule doucement des yeux et tourne enfin mon regard vers lui. Mes traits sont durs, mon regard est froid et je ne laisse absolument rien transparaître de ce qui se passe en moi. « Magnus…laisse moi réfléchir…ce sorcier, mort il me semble ? Tu es en Italie ici, Magnus n’a guère plus d’importance qu’Olympia. » Sourire mauvais qui s’étend sur mes lèvres alors que je repose mon regard sur mon verre, comme si il ne méritait guerre plus d’attention. Bien sûr, je cherche à titiller le beau brun, à le faire rage, le pousser dans ses retranchements. Je ne suis pas un Grimaldi pour rien, à ce jeu, je suis assez doué. Je suis assez grognon ce soir…Je me retiens de lui dire que, si il avait été à ma place, ça aurait été pareil. Oui, si il avait été massacré par des personnes peux scrupuleuses, à sentir les émotions de son parabataï mort de peur pour moi, il ne s’en serait pas remis d’aussitôt. Du moins, c’est ce que je me dis. Au fond, peut-être que je suis trop faible, trop sensible par instant…Je regarde de nouveau sur le côté alors qu’il prend ses aises en face de moi, me faisant soupirer. « Toujours quand c’est toi que j’ai près de moi, tu bouffes mon espace vitale. » J’essaye de me montrer indifférent, froid, presque méchant, pourtant, au fond, l’envie de le regarder est foutrement intense. Je résiste à ses yeux océans, oui, je résiste à cette attraction qui me bouffe de l’intérieur. Ezekiel, il n’est pas comme moi…Non, bien plus joueur, bien plus provocant, personnellement, je joue plus dans la sournoiserie et les émotions fortes. La preuve en est, il recommence, me demande pourquoi je ne le regarde pas, si il me fait autant d’effet que ça. Mes muscles se crispent face à cette triste réalité…Depuis quand je m’éprends des cas sociaux ? Depuis quand un ennemi me plait ? Je n’ai pas été élevé dans cette optique, la preuve en est, j’ai quitté l’homme que j’aimais simplement parce qu’il était devenu un vampire…alors, un Lightwood-Bane, c’est carrément le sommet de la connerie ! Poussant un long soupire comme si sa présence m’exaspérait, je tourne les yeux vers lui pour plonger mes iris dans les siennes…Ce regard…c’est ce qui m’a directement frappé chez lui, ce qui m’a véritablement charmé. Ça et ses conneries récurrentes, mais ça, je ne compte pas l’avouer de sitôt. « C’est beau de rêver…Je suis désolé, je ne suis pas intéressé par quelqu’un comme toi, tu es loin d’être à la hauteur de mes attentes petites. » Petit…Il n’a qu’un an de moins que moi, mais qu’importe, je joue là-dessus également. Les Chasseurs d’Ombres sont extrêmement piquant quand il s’agit de l’expérience, c’est bien connu, moi y compris. « Maintenant, va jouer avec quelqu’un de ta carrure et laisse-moi boire mon verre en paix…tu seras mignon mon chou. » Sourire mesquin, je porte mon verre à mes lèvres pour en boire une gorgée avant de reposer celui-ci sur la table, ne quittant pas les yeux océans du jeune homme.

Je ne peux pas m’empêcher de ricaner face à ses paroles, me contentant de l’observer. Ce mec me tape déjà sur les nerfs, ce mec me rend déjà cinglé. Comment parvient-il à m’attirer autant qu’il peut m’exaspérer ?  Il a vraiment un don pour ça, néanmoins, je ne compte pas me laisser faire. Non. Ce n’est pas avec sa belle gueule qu’il va m’avoir, qu’il va pouvoir me voir ramper à ses pieds. Si il n’avait pas été un Lightwood, peut-être que les choses auraient pu être autrement. Oui, très certainement. Ezekiel est le genre de mec qui peut me faire sombrer, succomber. Une belle gueule, des yeux océans, un genre de mauvais garçon. C’est clairement mon type, pourtant, nos rôles, nos familles ne peuvent pas cohabiter alors nous, c’est encore pire. Il défend les siens, ses origines et je défends les miennes. « Pour un traître, tu parles beaucoup pour ne rien dire… » Dis-je froidement, sans émotions. J’ai grandi en ayant en tête que sa famille sont des traîtres, qu’ils ne méritent plus l’attention des Néphilims de la rébellion, ceux qui ont décidés de se battre pour récupérer ce qui est leur ! Mais voilà…Nous sommes dans ce bar tout les deux. Il s’impose, prend place en face de moi. Je déteste être dans cette position…j’ai beau ne rien montrer, Ezekiel est comme un putain de bonbon qu’on m’agite sous le nez. Je sors d’une histoire douloureuse, je n’ai pas envie de jouer avec le feu une fois de plus. Je lui annonce qu’il ne m’intéresse pas, qu’il n’est pas à la hauteur. Je mens, mais je mens bien. Mon visage est impassible, mon regard glacial. Je ne veux pas qu’il voit ce qu’il provoque en moi et ses paroles me font directement réagir quand il parle de vampires. « Ne t’aventure pas sur ce chemin…Tu risquerais de t’en mordre les doigts et sévèrement. » Une menace. Ezekiel sait que je ne parle jamais sans retour, il sait que je ne mens pas, que je peux aisément lui en coller une si il commence à parler de l’homme que j’avais cruellement perdu. Un vampire…Je sais que ce n’est pas anodin, qu’il a soigneusement choisi ses mots. « Si je ne couche pas avec les vampires, je coucherais encore moins avec la vermine que tu es. » Je finis par lui demander de partir, de me laisser boire mon verre tranquillement. Je sens que cette discussion va mal tourner, que ce face à face ne mènera à rien de bon et j’aimerais l’écourter le plus vite possible. Malheureusement, Ezekiel ne voit pas les choses ainsi et me lance encore une connerie qui me fait rouler des yeux. « C’est con, tu vas devoir te branler ou aller te faire sucer par quelqu’un qui a mauvais gout ! » D’accord, je deviens littéralement vulgaire mais il a cet effet là sur moi ! Bordel, comme je le déteste ! Je sens son regard sur moi et ça me plait beaucoup, aussi étonnant que celui puisse paraître. Cette façon qu’il a de me regarder est juste…excitante. Je me fou une baffe mentalement tout en jouant avec mon verre, tournant les yeux vers lui alors qu’il reprend la parole. Il ne me plait pas de répondre…Je ne veux pas qu’il m’écoute, il est l’ennemi, point final. Comment un mec aussi séduisant peut-être aussi con ? La est toute la question ! Il n’aurait pas pu naître Toscane non ou encore Herondale ou autre. Non, il a fallu que ce soit dans sa putain de famille. C’est alors que je sens sa main se poser sur la mienne et je me crispe, me foutant en apnée durant deux secondes. Je lève les yeux très lentement vers lui. Mon premier réflexe aurait dû de dégager ma main, pourtant, je me contente de le regarder durant quelques secondes avant de réaliser ce que je fais. « Enlèves-ta main, je t’ai déjà dit que je n’étais pas intéressé Ezekiel.. » Mais ma main ne bouge pas, elle reste contre la sienne, elle ne se dégage pas. Des frissons me parcourent, frissons que je tente désespérément de contrôler. « Si tu ne veux pas que je te la coupe, dégages ! » Grognais-je légèrement tremblant. Il faut que je me reprenne…Putain, je dois détourner les yeux, je dois me défaire de son emprise. Ma respiration est lourde, lente et finalement je décide de dégager ma main très lentement avant de finir mon verre cul sec et de me lever. « Si tu ne bouges pas, ça sera moi ! » Ouai bon, je me dirige surtout vers la ruelle par la porte de service. J’ai besoin de prendre l’air, de respirer et je m’appuie lourdement contre le mur en soupirant, passant une main sur mon visage. « Putain…fais chier ! »

« Moins bien placé que toi Lightwood » Dis-je en l’observant en biais, sans laisser paraître mon énervement, cette boule qui grimpe et que pourtant, je ne laisse pas exploser. J’aimerais m’enfuir, lui dire de s’en aller, que l’avoir dans mon champ de vision est une torture continuelle. Mais je me tais, je ne laisse rien passer entre mes lèvres. Les piques, elles s’enchaînent et Ezekiel arrive dans un sujet houleux. Une menace clair claque dans les airs. Parler de Paolo est bien trop douloureux, bien trop virulent en moi. Sait-il seulement ce que c’est que d’aimer un homme qu’on aura jamais ? Je n’en suis pas certain, après tout, Ezekiel est assez beau et charmant pour que quiconque lui tomber dans les bras. Je n’ai jamais eu l’impression d’être plus exceptionnel que ça, bien que je sois conscient de mes propres charmes. Mais parler de cet homme devenu vampire, j’en suis incapable. Mon cœur a été brisé à deux reprises, deux reprises bien trop virulentes. Une ne m’aimait plus, l’autre est devenu le genre de monstre que je tue tous les jours. Ma gorge se noue, mon cœur se serre. Je tente de lutter contre la douleur, contre les souvenirs qui me reviennent. Sa peau contre la mienne, ses lèvres parcourant ma gorge. Aujourd’hui, tout ça n’est plus possible et Ezekiel touche un point sensible. Je tente de me reprendre, de refermer mon visage, masquer mes émotions. Ses paroles prochaines me font ricaner froidement. « Un lapsus révélateur ? Non, je souligne juste que tu peux aller te faire sucer ailleurs, au lieu de me casser les pieds. » Bordel, si nous n’avions pas été dans un lieu neutre, j’aurais vite fait de lui abattre mon poing dans la gueule…Malheureusement, un Grimaldi se doit de respecter les règles, de rester digne et de ne jamais fraichir. Cette idée me fait soupirer, du moins, je manque brusquement de souffle lorsque sa main se pose sur la mienne. Je sens mes muscles se crisper, mon cœur cesser de battre l’espace d’une seconde. Ce contact, je ne m’y attendais pas et pourtant, secrètement, j’en ai souvent rêvé. Cet interdit, ce jamais, ce contact qui ne se reproduira sûrement plus…Au fond, je sais que je devrais me dégager, lui dire d’aller se faire foutre. J’hésite. Elle est là ma faiblesse, mon erreur. Je viens clairement de me montrer faible et c’est pour cette raison que je fuis. Me levant brusquement, je prends mes jambes à mon cou, la tête en vrac. J’ai la nausée. Pas parce qu’il me dégoute, non, à cause de ce que moi j’ai pu éprouver lorsque nos peaux se sont touchées. Posant mon front contre le mur, je tente de reprendre ma respiration. L’espace de quelques seconde je reste seul et ça me fait du bien, sauf qu’il revient…Dos contre le mur, je l’entends me parler et soupire sans le regarder. « Tu sais… » je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’un bruit résonne et qu’une personne approche. Un loup, sans aucun doute. Me redressant, j’ai comme réflexe de prendre mes armes et pestes en me rappelant que j’avais tout laissé dans les sous-terrain. Etrangement, Ezekiel lui ordonne de reculer et je fronce les sourcils, surpris par le comportement du mate. Prêt à me battre, je regarde froidement le loup « Tu veux un os le chiot ? » Dis-je en ricanant alors que je fais également un pas en avant. Sauf qu’avant que j’ailles pu faire quoi que ce soit, voilà Ezekiel qui se fou devant moi. « T’es sérieux là ?! » Marmonnais-je en reculant légèrement pour pas me coller au jeune homme, sans pour autant quitter des yeux le loup. « Tu vois, j’ai un garde du corps, si ce n’est pas beau ça… » dis-je avec ironie alors que mon regard passe entre Ezekiel et le loup. Et là, une pique de folie me prend et j’approche de Ezekiel, ma main se posant à la limite de ses reins et de ses fesses. « Te voilà bien protecteur bébé, il va bientôt falloir nous marier. » Pourquoi faire ça ? Peut-être pour faire croire au loup que Ezekiel est avec moi, qu’il est un traitre et qu’il pourrait probablement avec des emmerdes…