Le quartier Monti ne plongeait jamais vraiment dans le silence. Il fallait attendre une heure très avancée dans la nuit afin de prétendre s’y mouvoir sans être aperçu. Louise, elle, n’était pas réellement préparée en cas d’attaque cependant, elle examinait toutes les situations d’un air expert, si bien qu’elle ne se faisait jamais prendre. Au moins, un talent qui lui a servi pendant l’épidémie contrairement à ceux qui passer revenaient le visage toujours couvert de sang, heureux d’avoir été le plus fort. Evidemment, tout le monde avait entendu parlé de la terrible histoire des Toscane. Louise en avait marre de devoir affronter les regards inquiets de ses proches, de ses supérieurs ou de ses professeurs. Elle s’était dit qu’au moins, quelqu’un un peu rejeté comme elle, ne la traiterait pas de cette façon. A ses yeux, l’ancien héritier Toscane était apparu comme une illumination. La jeune nephilim remonta la capuche de son sweat pour cacher les tatouages de son cou. Même dans la nuit sombre, il fallait toujours se méfier de tout le monde, surtout de la brigade, dissimiler partout en ville. Louise avait décidé de n’emprunter que des petites ruelles sombres, éloignées des restaurants et de la vie nocturne. Certes, ce serait là où on l’attendrait le plus mais c’est aussi là où le moins de créatures obscures étaient déployées. Louise aurait tellement aimé raconter tout cela à Nathanaël, mais depuis qu’elle avait refusé d’être son parabataï, leur relation s’était extrêmement compliquée. Elle se sentait seule parfois, face à cette lutte, face à cette guerre. Elle venait chercher du réconfort ailleurs, elle se rendait plus fort. La jeune fille serra ses poignards séraphiques, inquiète de se faire prendre en s’approchant de la tanière du vampire. Son sac pesait lourd de poches de sang. Louise avait promis de revenir, pour montrer qu’elle n’était pas simplement une nephilim curieuse de la bête de foire. Ca craint. Ca l’énervait d’être obligée de faire ça. Putain. Pourquoi elle n’était pas née comme tout le monde ? Intérieurement, elle avait envie de hurler, Louise. Mentalement, elle était fatiguée de combattre sans cesse mais elle continuerait jusqu’à la fin. Son pantalon et ses mini-bottes à talons noires la faisaient paraître plus grande. Dix-neuf c’était jeune, mais lorsqu’on naissait dans son espèce, avec sa condition, on devait murir très rapidement. Ses pas se faisaient plus rapide à mesure du temps qui passait ; plus Louise s’attardait dehors, plus le risque d’être découverte était grand. La dernière fois qu’ils s’étaient séparés, elle lui avait donné rendez-vous dans une arrière cours derrière chez lui, un endroit discret et à l’abris des regards. Parfois, il fallait avancer sans savoir si quelqu’un attendrait au bout. Louise avait préféré se voir en dehors du QG de la rébellion dans les premiers temps, pour éviter de faire circuler toute rumeur inutile. En arrivant sur les lieux, la jeune nephilim enleva sa capuche et elle sortit de son sac les sacs de sang en les déposant sur le sol. Elle savait que le Toscane n’apprécierait pas qu’elle l’approche trop près, lui qui se montrait si solitaire. Louise s’assit par terre, attendant patiemment, espérant que celui avec qui elle voulait devenir ami se montrerait. Sa famille devait dormir profondément à présent, ne se rendant pas compte de son absence. Ce fut un bruissement de papier très léger qu’elle entendit derrière elle, devant qu’on venait d’attraper un sac de sang. Louise se retourna, se relevant rapidement en position de défense avant de réaliser qu’il ne s’agissait seulement de Paolo. Soulagée, elle baissa les armes, observant le jeune homme en faisant quelques pas vers lui. « Je n’étais pas sur que tu viendrais. » Dit-elle simplement. « Tout aurait été plus facile au QG mais il me semble mieux qu’on se rencontre en dehors pour l’instant, autant pour toi que pour moi. » Expliqua-t-elle rapidement, essayant d’esquisser un sourire pour lui montrer qu’il pouvait avoir confiance en elle. Le silence s’installa de nouveau comme lors du premier rendez-vous. Louise décida de le briser afin de ne pas revivre deux fois une rencontre gênante. « Je ne sais pas lequel tu préfères. Alors j’ai apporté différents types de sang. Enfin, tu sais, je ne sais pas trop comment ça marche. » Expliqua-t-elle en espérant ne pas l’avoir blessé en parlant de sa nouvelle condition. Si elle devait ne plus être une nephilim un jour, tout deviendrait un enfer pour elle. Louise, elle admirait Paolo pour son courage et sa volonté de vivre, vraiment.

Louise regardait l'ancien néphilim avec patience. Elle le fixait intensément de ses prunelles bleues azures. Souvent, sa mère lui avait répété de ne pas fixer les gens de cette manière par politesse, pour ne pas les rendre mal à l'aise. Rapidement, Louise détourna les yeux pour ne pas se montrer trop intrusive dans l'espace personnel de Paolo. Il attrapa un sac de sang au hasard et commença à le boire, indifférent aux regards et paroles de Louise. Elle se mouvait, légèrement gênée par ce silence troublant. “Le type n’a pas d’importance… Ils ont un goût assez similaire au final.” Louise arqua un sourcil. C'était la première fois que Paolo lui adressait vraiment la parole. Elle ne pouvait pas imaginer, ce que ça faisait que d'être soudainement arraché à sa vie, son espèce, ses habitudes. Perdre tout. Mais elle pouvait comprendre, Louise. Elle comprenait ce que c'était que d'être observée comme la personne de trop, comme celle qui ne devait pas être présente. Louise se leva pour se positionner en face du jeune homme qui décida étonnamment de vite reprendre la parole. “Ce qui a de l’importance, par contre, c’est la personne qui l’apporte. Quelque chose me dit que tu ne viens pas me porter toutes ces poches par simple plaisir, non?” Louise eut un sourire amusé face au jeune vampire qui se trouvait devant elle. Il connaissait les nephilims, il était né néphilim. Il savait que tous les gestes étaient calculés, en particulier lorsqu'ils s'attardaient la nuit en dehors des souterrains. Louise fit quelques pas, appréciant la brise touchant son visage, ce n'était pas souvent qu'elle avait l'occasion de sentir l'air frais de l'extérieur. C'est alors qu'avec un regard de défi, elle sortit les armes qu'elle avait emprunté pour la nuit de son sac : couteau à lancer, poignard, épée de nephilim, fouet. Si on trouvait Louise en possession de tous ces biens, elle serait immédiatement reconnue, arrêtée et certainement torturée. Si le siens, dans le souterrains, se rendaient compte qu'elle avait piqué des armes, elle aurait de sérieux ennuis. « Entraîne-moi. » Dit Louise, sur d'elle. Le corps droit, prête à commencer l'entraînement, elle se tenait prête à subir la dure labeur qui l'attendait. Elle était prête à devenir l'une des meilleurs malgré son handicap pour aider les siens, vraiment. Elle était prête à se battre pour lui, Nathanaël, ne plus être faible. Ne voyant pas de réaction, elle flancha légèrement, se sentant un peu ridicule soudainement. « Tu étais l'un des meilleurs. Tu l'es toujours, n'est-ce pas ? Ta nouvelle condition ne change pas. » La jeune fille plongea son regard dans celui de son compagnon, soudainement très sérieuse. Elle avait bien conscience que sa demande pouvait paraître présomptueuse mais elle se sentait soudainement proche de l'homme en face d'elle, étrangement plus que toutes ces dernières années. Elle perdit soudainement sa posture de défense, comprenant qu'il ne l'entrainerait peut-être pas ce soir, le temps de décider si elle valait le coup ou pas. Louise, elle savait comment les néphilims pensaient. « S'il te plaît. Tu sais, je m'en fiche complètement de ta situation. Je porte surtout attention aux actes pour juger une personne. Parce que moi aussi, je suis un peu abîmée, alors je sais ce que c'est, de se sentir différent des siens. » Dit-elle, se confiant plus qu'elle ne l'aurait voulu en baissant les yeux. Louise se rendit compte qu'elle eut des paroles légèrement déplacée. Bordel. C'était toujours pareil, trop franche, manque de tact, aucune relation sociale. Elle se reprit paniquée. « C'est pas que je voulais dire que tu es abîmé... Juste à l'intérieur, tes sentiments, j'en comprends une partie. Toi, tu es juste changé, toujours le même mais un peu différent. » Essaya-t-elle d'expliquer regardant ses pieds. Louise frappait ses orteils sur le sol, le talon relevé vers le ciel et le genoux plié, se tenant en équilibre sur une jambe. Elle devait paraître jeune ainsi, persuadée d'avoir détruit toutes ses chances d'entraînement avec l'ancien néphilim. Elle commença à ramasser les armes, jouant avec les mini couteaux, s'imaginent que la discussion de la soirée était déjà terminée.