Extraits du journal de Nathanaël

7 Juin 2015 - Cette idée s’empare mon esprit depuis quelque temps déjà et j’en suis venu, enfin, à la conclusion qu’il était temps de m’y adonner. Résister serait aussi utile qu’un coup d’épée dans l’eau. Il semblerait que cela pourrait m’aider à dompter ce démon qui croit au creux de mes entrailles et qu’on appelle plus communément impulsivité. Peut-être qu’un changement s’opérera suite à la rédaction de ce journal. Peut-être même que Louise le remarquera. Ou pas du tout. À vrai dire, je ne sais pas par quoi commencer. Aussi bien débuter par le tout début. Je suis né au sein de la famille De Santi le 7 juin 1995, et j’ai le merveilleux honneur - ou pas - d’être le deuxième enfant de ma fratrie. Donner l’exemple aux plus jeunes n’a jamais été ma tasse de thé et je doute que ce soit le cas un jour. La fuite fut une notion que j’appris à la dure dès mon plus jeune âge. Je n’avais pas encore atteint ma cinquième année de vie lorsque notre univers s’écroula. Dès que je fus en âge de comprendre, ma famille prit le soin de m’expliquer les raisons qui nous menèrent à quitter notre demeure afin de vivre comme de pauvres vermines dans des souterrains humides et parfois malodorants. Dès que je devins assez robuste pour pouvoir encaisser des coups et à riposter, on m’apprit à combattre et c’est depuis mon quotidien, ma réalité. Je remercie mes parents de m’avoir initiés à l’art de la guerre le plus tôt qu’il fut possible. Cependant, je n’étais qu’un gamin et je dois avouer qu’il m’est arrivé de les maudir, de vouloir que la dureté dont ils ont fait preuve pendant cette période cesse. Je souhaitais être né quelques décennies plus tôt afin d’avoir une vraie enfance et non celle d’un soldat en formation. J’ai parfois la sensation qu’on m’ait arraché une partie de ma jeunesse. C’était, néanmoins, un mal nécessaire. C’est ce dont je tente parfois de me convaincre. Ils n’avaient pas le choix de me former aux combat. Notre espèce a perdu bien des ailes depuis le coup d’État des créatures obscures et tous les effectifs nécessaires pour se rapprocher davantage de la victoire se devaient d’être bien entraînés Je crois qu’un jour, nous les Néphilims parviendront à ramener notre gloire d’antan. Les Monstres vivent la leur, mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne retournent crépir au creux des ténèbres. Je me ferai un plaisir de les y renvoyer. Ceux qui s’y opposent finiront leurs jours sous ma lame. Je suis épuisé de devoir surveiller chacun de mes pas lorsque je quitte les souterrains. Je ne l’ai jamais dit à personne, mais ça m’horripile que d’avoir cette peur qui me tord les entrailles dès que je mets le nez dehors. Qui voudrait vivre ainsi? Qui accepterait de n’être qu’un simple rat croupissant au fond des rebus? CETTE VIE D’CHIEN M’ENRAGE, PUTAIN D’MERDE.

Nate redressa aussitôt sa tête en lâchant brusquement son crayon tout en repoussant le journal dont il venait de noircir quelques unes de ses pages pour la toute première fois. Sa mâchoire était crispée sous l’effet de la contrariété. Cette première journée en tant que vingtenaire s’achevait sur une note plutôt négative, mais le De Santi avait un besoin de se libérer l’esprit. Écrire, c’était faire face à se propres failles. Écrire, c’était apprendre à les accepter. Écrire, c’était se libérer. Le néphilim se leva finalement après avoir prit soin de bien sceller le carnet. Il ne tenait pas à ce qu’une paire d’yeux indiscrets parcoure les pages de long en large.

24 Novembre 2017 -  Je croyais que les hostilités de cette guerre avaient atteints leur paroxysme. Quelle naïve connerie! Une épidémie fait rage depuis quelques temps déjà. Les Monstres ont choisis de faire de nous les boucs émissaires de ce mal qui les affligent. Je n’aurais jamais pensé à créer pareil mal, mais l’idée est formidable. Je pourrais presque me réjouir de cette maladie. Presque. Si les Terrestres qui n’avaient rien demandés n’en étaient pas atteints. Si un bon nombre de néphilims n’avaient pas étés capturés par les bêtes de la Nuit. J’ai essayé de retrouver les disparus tant bien que mal, mais je n’ai rencontré que l’échec. Peut-être ai-je foutu mon nez où il ne fallait pas. Honnêtement, je me suis probablement foutu dans la merde en fouinant à leur sujet. Il ne reste plus qu’à espérer que je ne subisse pas le même sort que mes camarades. Quoi que… Elle est peut-être là, la manière de les retrouver. Les rejoindre en me faisant prendre. Je n’ai pas la moindre idée comment procéder et c’est sans doute un plan un peu trop fou et risqué, mais lorsqu’on y pense, c’est terriblement logique. Il n’y a pas meilleur façon de les retrouver que de se faire emmener à eux. Mais si les Monstres ont eu la brillante idée de ne pas emmenés tous les néphilims kidnappés au même endroit, je ne serai pas plus avancé. Je tiens tellement à ramener le plus de mes semblables possible que j’en oublie parfois les risques de mes actes. Je ne peux me faire à l’idée de les savoir emprisonnés, torturés, tués. C’est un sort qu’aucun d’eux ne mérite. Je dois trouver une manière plus efficace de les ramener. J’ai l’impression de me trouver face à un objectif hors d’atteinte et j’ai horreur de ça. Si je ne parviens pas à trouver au plus vite une idée plus élaborée et comportant moins de risques, je n’aurai pas le choix d’orchestrer mon propre kidnapping.

Peut-être n’aurait-il pas dû informer Louise de ses intentions. Nate se doutait bien en lui partageant son fameux plan où il se ferait prendre qu’elle ne serait pas en faveur d’une telle mission suicide. C’est pour éviter qu’elle s’inquiète qu’il a renoncé à l’idée. Et puis, elle l’avait assez engueulée comme ça. Il n’avait pas besoin d’en rajouter une couche.

3 décembre 2017 - Elle a refusé. J’ai encore du mal à me faire à cette idée. Après tout ce que nous avons vécus ensemble, cela relevait de l’évidence que nous étions destinés à être des parabataï. Son refus me blesse et je ne peux m’empêcher que de me sentir trahit en quelque sorte. Mademoiselle refuse d’être un poids, qu’elle dit. N’as-t-elle pas encore comprit que je ne l’ai jamais perçu comme tel? C’est pour éviter qu’elle se sente ainsi que je l’ai entraîné à tout les jours pendant des années afin qu’elle puisse devenir un chasseur d’ombre. Je n’ai peut-être pas eu la meilleure des réactions à son égard lorsque j’ai appris son refus, mais je n’ai pas pu m’en empêcher. J’étais si déçu, si blessé par sa décision. N’as-t-elle pas encore compris que c’est dans l’unité qu’on gagne en puissance plutôt que tout seul. C’est purement égoïste de sa part et j’en viens à me dire qu’au fond, peut-être m’aie-je trompé à son sujet et ça me tord les tripes d’en venir à cette conclusion. Je lui ai dit le fond de ma pensée et elle persiste à m’éviter. Son absence laisse un vide qui fait naître en moi la crainte de ne pas parvenir à le combler. Bordel, Louise! Peux-tu me dire ce que j’ai fais pour que tu décides de tout foutre en l’air? J’aurais simplement voulu apprendre… Autrement que t’en avais rien à foutre de nous.

Les dernières phrases de ce paragraphe devenaient de plus en plus illisibles alors que le trouble croissait violemment à travers son esprit. Ses prunelles avaient commencées à s'inonder sans que les larmes ne les quittent. Le néphilim les retenait farouchement. Il était hors de question qu’il chiale. Le faire, c'était admettre que Louise avait gagné dans doute cette histoire. Il ne devait pas lui offrir le luxe de le briser davantage. Ah, cet orgueil mal placé! Elle voulait s’éloigner, il lui donnerait donc toutes les raisons de le faire. À mesure qu’il y songeait, son estomac se nouait. Il n’avait jamais voulu en arriver là, mais tel se produirait selon les désirs de madame.

J’aurais jamais pensé que ce serait toi qui trahirait ma confiance, Louise. Et ça me détruit. Je crois qu’il est maintenant temps que l’on passe à autre chose, toi et moi. Ça me blesse profondément d’en venir là, mais je crois que c’est pour le mieux. Donne-moi un signe, une raison de ne pas en venir jusque-là, s’il-te-plait.

Il devait arrêter de songer à elle, à eux. C’était un luxe qu’il ne pouvait se permettre. Eh puis bon, cette Terre ne manquait pas de charmantes jeunes femmes. Louise n’était pas faite pour lui et inversement. Il la briserait et vice versa. De toute façon, on ne pouvait parler d’amour. Nathanaël n’était pas amoureux, non? La Lovelace avait fait partit de sa vie depuis si longtemps qu’il était difficile pour lui de la laisser filer. C’était la seule explication. Eh puis, un ami pouvait très bien vous briser le coeur autant que la personne à qui vous avez donné votre coeur. L’amitié, c’était d’offrir une différente part de son palpitant. Le hic, c’est que Nate n’a jamais été complètement à l’aise avec les sentiments. C’est plus facile de s’en foutre ou du moins, le laisser prétendre. C’est pourquoi depuis cette journée de décembre, Nathanaël De Santi a prit l'une des plus importantes et déchirantes décisions de sa vie. La laisser tomber. Il ne pouvait se permettre d’être discret ou bien détourné de ses objectifs auprès de la rébellion. Il devait s’y adonner corps et âme. C’était son moyen de purger sa peine. Ça et le sexe.