La vie n'est pas un long fleuve tranquille, loin de là, et je peux en attester soyez en sûr. On ne dirait pas comme ça à première vue mais en réalité, je ne suis pas aussi jeune que j'en ai l'air, vous en seriez peut-être même surpris si je vous disais mon âge, mais cela reste un secret. Et non je ne suis pas un de ces fichus suceurs de sang, ils sont tellement sauvages, ça ne me ressemble pas voyons. Non, je suis ce qu'on appelle communément un sorcier. Notre communauté est discrète, et elle l'a toujours été, dès ma naissance à vrai dire. Vous le savez déjà, mon père est un démon. Bon à sa décharge ma mère l'ignorait, elle a été bernée par lui et il a profité de son charme pour planter la graine. Et vous avez devant vous le magnifique fruit qui en est né. Mon père était plutôt beau,à ce qu'on dit. D'après ma mère, il s'agissait de Bélial, le seigneur du Vent, patron des incubes. Mais à vrai dire, ce sont les derniers mots qu'elle me glissait, avant qu'elle ne devienne folle lors des premières manifestations de mes pouvoirs.Alors je l'ai laissé, seule, dans un couvent où on s'occuperait d'elle, et à peine adolescent je me suis mis à vagabonder dans toute l'Italie. Là, mon physique fit se retourner certains artistes, des plus ou moins connus, pour qui je posais, afin qu'il donne vie à leurs sculptures. Dire que je n'en ai retiré aucun argent serait mentir, il fallait bien que j'apprenne à vivre non ? Mais rapidement, je sus devenu indépendant, une fois devenu adulte, une fois que j'avais arrêté de vieillir. Je demeurais alors à Florence, et restais sous la protection du grand sorcier de la ville, un homme charmant, vous l'auriez adoré. Bon, il était quelque peu libertin, même pour l'époque, mais quelle importance ? C'est sous son influence et sous son aile protectrice que je devins celui que je suis désormais, un sorcier habile, doué avec les illusions, et surtout stratège. Je n'étais pas de la trempe d'un machiavel, mais je savais utiliser mon air doux, adorable et tendre, pour obtenir des informations, et les revendre à prix d'or à qui en voulait bien. J'utilisais mes dons pour servir mes intérêts car il n'y avait que comme cela que les sorciers savaient vivre. Seul, à l'écart du monde, ne prenant jamais partie, et ne servant que leurs intérêts. C'est ce que je fis, et une fois que je me sentis prêt je fis le tour de l'Europe. J'eus le plaisir de découvrir l'Europe de la Renaissance, les avancées de l'art et des sciences un peu partout, mais ces voyages ne furent pas tous des plus joyeux. Je me souviens encore cette fin de 18ème siècle, je me trouvais alors en France, dans une vraie poudrière. Nous, créatures de l'ombre, n'étions pas à l'abri, les humains étaient déchaînés par la violence de la Terreur.

Je ne le savais alors pas, mais c'est ce genre de révolution que le monde obscur allait connaître plus de 200 ans plus tard. Une révolution violente, où le sang allait couler. J'étais alors à Rome, la ville où se déroulait le soulèvement des créatures de l'ombre unifiées pour prendre le pouvoir. Le coup d'Etat des Créatures obscures signa la fin des Fairchild, une famille de nephilims respectable, et pourtant de nombreux morts furent à déplorer. Je n'aimais pas la violence. J'avais vu les résultats des révolutions et des coups d'Etat en Europe ces derniers siècles, trop de sang versé pour au final n'aboutir qu'à l'instabilité, à une société déracinée de ses origines et de son histoire. Et les Créatures obscures étaient en train de suivre le même chemin. Pauvres de nous... Les Sorciers avaient toujours veillé à rester loin des affaires mortelles, et je restais fidèle à ma philosophie, mais quand je vis que nous prenions l'avantage, je n'avais pu faire autrement que m'en mêler, et soutenir mon sang, ma race, mon espèce. La stratégie des Créatures Obscures avait été la bonne, se montrer sous son plus beau jour et faire passer l'ennemi, les Shadowhunters, pour les méchants, afin de s'attirer la sympathie des humains, car un être qui vous apprécie ne se méfie pas de vous. Et nous pouvions ainsi prendre le pouvoir. Ma première bataille ? Alicante, après une alliance avec les fées pour combattre les shadowhunters. J'avais du mal, je devais l'avouer, à me battre contre eux, après tout, ils avaient du sang angélique dans les veines, nous n'étions pas si éloignés. A moins que cela soit une vieille relation interdire avec une shadowhunter qui biaisait mon opinion... Mais je ne me battais qu'à regret, niant ce que mon âme me criait pour n'écouter que ma raison : seul comptait mon intérêt, notre intérêt. Et puis c'était lors de cette fameuse bataille que je rencontrai Donova, cette fée avec qui je partagerai de délicieux moments. Lui était intimement convaincu que le temps de se cacher était révolu et que nous devions nous imposer à la tête du pouvoir. Pour un être pacifique, je le trouvais vraiment combatif et passionné. Pourtant, cette bataille avait été sale, et quand les deux familles de shadowhunters avaient été exécutés en public, j'avais détourné les yeux. Trop de violence, trop de sang déversé inutilement là où nous aurions peut-être pu tous nous entendre. Je ne pouvais montrer mon désaccord, je tenais trop à ma vie, mais je n'étais pas d'accord avec cette prise de pouvoir. Je ne voulais pas de tout ce sang sur mes mains. L'appui de l'Eglise fut notre coup d'éclat le plus grand, un appui primordial pour notre future domination. Mais cette violence comme d'ordinaire n'avait pu s'éteindre d'elle-même, et alors même que le régime se radicalisait, nos peuples étaient débordés par leur vengeance dévorante, tel un feu se nourrissant de tant de rancoeur accumulée. Les conflits désormais éclataient entre les créatures obscures elles-mêmes, les fées et les vampires étaient en conflit ouvert, là où nous sorciers nous sommes alliés avec les loups-garous, bien qu'il fallait l'avouer, bon nombre d'entre nous utilisé ces derniers comme de vulgaires chiens de garde. Il fallait avouer qu'ils étaient plutôt efficaces, mais je ne souhaitais pas rentrer dans cette logique, cela ne pouvait m'attirer que des ennuis, et je refusais de finir en os à ronger pour un de ces loups.

L'équilibre était instable, et l'épidémie vint tout bouleverser. Bien entendu, les plus revanchards d'entre nous désignaient les néphilims comme seuls coupables de cette maladie de la mort, étant les seuls à ne pas être touchés. Même moi je ne parvenais pas à savoir si cette rumeur était vraie ou non, et pourtant, j'étais des plus doués pour connaître ce genre d'informations croustillantes. Mais non, il aurait fallu pour cela que je sois plus proche des nephilims et la situation actuelle ne le permettait pas. Cette maladie fut une vraie malédiction. Face à la multiplication des victimes, je m'étais caché, très loin, sans aucun contact avec le monde extérieur. Non, une telle maladie était bien trop dangereuse. Alors j'avais disparu de la surface de la terre jusqu'à ce que la maladie disparaisse. Ainsi j'étais sauvé. Mais Donovan lui ne fut pas sauvé... Il fut atteint, et par son intermédiaire c'est mon âme qui fut atteinte. Le pauvre mourut à petit feu... Lui qui avait déjà vécu tant d'années se mit à vieillir lentement, perdant son immortalité... On ne trouva aucun remède, même ma magie était impuissante. Il s'est éteint dans mes bras, et je l'avais pleuré, lui celui qui était censé partager mon existence, le seul capable de comprendre le poids de l'immortalité. On me l'avait arraché. Alors j'étais déterminé à savoir d'où venait cette maladie. Le monde était devenu instable. Certes, un semblant d'équilibre semblait régner à Rome, avec le Consul, réunissant un membre de chaque espèce, en excluant les nephilims. Pour moi, c'était la Terreur. Alors certes, aux yeux de tous, j'étais un soutien du régime, mais secrètement, dans ma conviction la plus profonde, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'un autre système était possible. L'Angleterre avait réussi cette révolution intelligente en 1689, la France avait échoué un siècle plus tard, désormais Rome devait faire face à ce défi, plus de 300 ans plus tard... Alors j'avais repris une vie « normale », ne m'occupant que de mes intérêts, que de mes passions, la beauté, le plaisir, la gourmandise... Et je portais sur mes épaules la mort de Donovan, cette révolution terrible et désormais des tensions existaient entre nous et les fées et les vampires, alliés contre nous. Mais j'étais immortel, alors je n'avais qu'une possibilité : survivre, et aller au-delà. J'étais doux, adorable, tendre, mais pourtant je fouinais, je récoltais les informations, dans un seul but : servir mes intérêts.