Léandro poussa un léger soupir en se laissant aller au fond de sa chaise. Qu'il était bon d'avoir enfin un peu de calme... Aucun client n'était présent en cette chaude après-midi de septembre , Léandro avait donc filé à l'anglaise, faussant compagnie à son patron avec un sourire angélique pour aller profiter des rues de Rome en ce calme mercredi. Un café sous le nez le soleil chauffant agréablement sa peau, l'italien aurait pu s'endormir là sans aucun problème, fatigué comme il était par sa nuit passée à retirer tous les organes en bon état d'un humain ayant eu le malheur de croiser un loup-garou de mauvais poil visiblement. Vêtu d'une chemise blanche et d'un jean, il se maudissait de ne pas avoir pensé à faire tourner une lessive. Il n'avait pas beaucoup de vêtements chez Vaz et il se retrouvait rapidement à court. Enfin, il avait toujours une chemise qui traînait dans l'armoire pour les cas d'urgences, mais il n'aimait pas spécialement en mettre. Décidé à faire de cette après-midi une parenthèse détendue dans son quotidien, il ferma les yeux quelques secondes. Il avait le droit de profiter un peu du calme de la vie non ? C'était assez rare depuis qu'il s'était réveillé, il y avait toujours quelque chose à faire. Il ignorait peut-être tout de son ancienne vie, mais cette dernière devait sans doute être tout aussi sportive car il s'était surpris à tenir la cadence sans trop de problèmes. Néanmoins, ce n'était pas pour cela qu'il ne pouvait pas s'accorder quelques pauses extrêmement bienfaisantes. Et puis vivre avec Vaz n'était pas de tout repos loin de là ! Mais c'était également une vie assez amusante qu'il menait actuellement. D'ailleurs, il ne pensait que rarement à remercier l'homme mais pourtant celui-ci avait déjà fait beaucoup pour lui. Il l'avait soigné, accueilli, hébergé, lui avait offert un travail (illégal certes mais fructifiant et dans lequel il s'était découvert des capacités inattendues). Bon, bien sûr la vie n'étais pas toujours rose, Vaz étant d'un sans -gêne extrême et surtout assez je-m'en-foutiste. Léandro se souvenait sans aucune peine de ce matin maudit où son colocataire l'avait réveillé à coup de Rage Againt the Machine à faire trembler les fondations. Ce jour-là il avait sérieusement pensé à faire passer son patron sur la table d'opération à son tour... Mais il s'était retenu. Il s'était contenté de lui balancer tout ce qui lui passait sous la main à la figure. Il s'était retenu juste à temps de lui balancer également Mandy et Hannibal pour qu'elles le dévorent sur place. Oui des plantes carnivores pour dévorer un humain oui. Bon il était mal réveillé okay ?! Il porta tranquillement sa tasse de café à ses lèvres lorsque ses yeux se posèrent sur une chevelure blonde platine et un visage angélique facilement reconnaissable. C'était le jeune homme de la dernière fois, celui qui l'avait taquiné de façon aussi étrange, comme s'ils se connaissaient. C'était sûrement le cas d'ailleurs. Mais Léandro avait eu beau lui expliquer qu'il ne se souvenait pas de lui, le blond n'avait pas eu l'air de le croire pour un sou. Léandro eut un léger soupir, espérant que le blond ne le verrait pas. Il n'avait pas vraiment envie de subir maintenant d'autres taquineries qu'il ne pouvait comprendre.

Il fallait croire que tes silencieuses prières étaient restées sans réponse étant donné que le blond vint poser son fessier sur la chaise face à toi sans que tu n’ai rien demandé. Mais n’avait-il donc pas d’autres choses à faire, des amis à voir, des chatons à aller égorger si cela lui chantait ! Mais tu n’avais pas envie de rejouer la scène de l’autre jour, surtout pas un jour de repos en plus, repos qui, tu tenais à le souligner, était tout de même mérité d’après toi. Néanmoins, son regard sema les graines de l’incompréhension dans ton esprit. De joueur et cynique, il était devenu mélancolique et habité d’une tristesse que tu percevais sans peine. Mais que c’était-il donc passé en quelques pauvres petites semaines pour que son comportement s’en retrouve ainsi changé ? Et ses paroles, qu’en penser donc ? Elles étaient pires que son visage car avaient totalement changés de registre entre temps ! De quoi te flanquer une bonne vieille méfiance et une prudence sincère, ce même sentiment qui te poussait à rester sur tes gardes face aux clients parfois malintentionnés de la clinique de Vaz. Ses mots semblaient être ceux d’un ami proche ou d’un amant éconduit par le destin. Mais ça n’enlevait rien à la méfiance que provoquait ses doucereuses paroles. Comment pouvait-on passer de l’un à l’autre en quelques semaines ? Soit il se fichait de toi maintenant, soit il s’était fichu de toi avant ! Toujours que ses allusions lors de votre première rencontre n’avaient rien à voir avec les mots qu’il t’adressait aujourd’hui.

Tu te figes tandis que sa main aux doigts de pianistes vient recouvrir la tienne. Tu avais déjà tilté là-dessus lors de votre première rencontre, fasciné en un sens par ces mains volubiles aux longs doigts qui t’avaient immédiatement plus. Elles semblaient précises et sûres d’elles et tu avais songé qu’elles auraient convenus à merveille à un chirurgien. Enfin, c’était la dernière pensée qui t’avait traversé l’esprit avant qu’il ne commence à parler et que ton esprit soit tout entier concentré à comprendre ces paroles au sens obscur (ce qui était normal si elles concernaient ton passé). Bref, tu avais rapidement oublié cette étrange rencontre mais il semblait que quelqu’un là-haut vienne la rappeler à ton bon souvenir. C’est alors qu’un fait te ramena à la réalité. Une goutte cristalline, une seule dévalait désormais sa joue. Tu déglutis avec nervosité. Tu n’aimais pas voir les gens pleurer, c’était quelque chose dont tu t’étais rapidement aperçu lorsque Fenris était venu te voir, de gros sanglots dans sa voix effrayée tandis qu’il réclamait ta présence auprès de sa grande sœur en cuisine. Étrangement, ce n’était pas tellement le fait que voir pleurer quelqu’un te mettait mal à l’aise… Mais plutôt que tu ressentais un petit pincement dont tu ignorais l’origine. La douleur morale de la personne face à toi ne faisait qu’accentuer cette désagréable sensation. Néanmoins, tu t’efforçais de l’ignorer pour retirer doucement ta main de l’étreinte chaude. Tu ne pouvais pas oublier tes soupçons et si la fée en face de toi était en effet animée de pures intentions, il fallait néanmoins qu’il s’explique quelque peu car ton incompréhension t’empêchais d’adhérer à son attitude que tout criait comme empreinte d’une tristesse mêlée à de la détresse. Tu répondis d’une voix calme, le fixant dans les yeux "-Je suis désolé, mais je ne comprends pas ton comportement. Tu dois admettre que ton attitude d'il y a quelques semaines est aux antipodes de celle que tu me montres désormais. Si tu veux que je te crois il va falloir que tu m'expliques ce changement... Mais aussi notre passé commun.".

Spoiler:

La paume du bellâtre délaissa furtivement la tienne, sa pétulance ayant enrobé le bout de tes phalanges se parant d'évanescence. Agréables et fuyards vestiges dont tu te délectais silencieusement tandis que les traits de son faciès furent martyrisés de stupeur entremêlée d'incompréhension. Une denrée visuelle que tu contemplais discrètement avec voracité, le masque d'affliction engorgeant ton propre visage soigneusement maintenu et exhibé pour continuer à lui témoigner ta fallacieuse sincérité et éviter de craqueler ce jeu d'acteur qui te divertissait tant. Il serait bien dommage de faire vriller en éclats tes efforts de remémoration de cette illusoire relation vous ayant autrefois unis, la véridique pourtant bien différente de celle érigée de tes désirs personnels. L'humain ne tarda point à quémander des explications, sans doute désireux de comprendre ce si fervent  renouveau de ton comportement à son égard. Une requête qui t'enflamma les lippes.

Je sais que je suis complètement différent de celui qui t'avait abordé lors de nos premières retrouvailles ... Je pensais véritablement que tu étais en train de me taquiner en essayant de me faire croire que tu étais amnésique. Je me suis alors laissé prendre à ton jeu qui n'en était pas un et je t'ai embêté à mon tour pour nous rapprocher ... Mais j'ai bien vite compris que tu ne faisais pas la comédie ...

Ta voix était écorchée de quelques éraillements affligés tandis qu'un sanglot fut réprimé par tes soins. Tu t'amusais à perfectionner cette comédie dont tu le flagellais indécemment, détournant finalement tes iris de son si affriolant visage pour raviver le dramatisme de l'atmosphère vous embrassant. Tu préservas le silence lové entre vos deux existences le temps de quelques minutes puis ton attention s'enticha à nouveau de Léandro, tes prunelles s'enlisant une énième fois au creux des siennes.  

On s'est connu il y a plusieurs années de ça ... J'étais venu te voir pour me faire soigner de blessures assez graves et depuis ce jour, je suis revenu plusieurs fois pour que tu t'occupes encore et toujours de nouvelles plaies. On a fini par se rapprocher au fur et à mesure avec le temps parce que tu m'intéressais et que c'était visiblement réciproque. On s'est tourné autour pendant des mois avant de naturellement finir ensemble et tout se passait bien entre nous jusqu'à ce que tu finisses par disparaître du jour au lendemain sans me donner de nouvelles. J'ai essayé de te chercher mais je n'avais aucune piste, c'était peine perdue ... Et voilà que je te retrouve par hasard, des années plus tard par ici ... Tu as beaucoup pris en âge mais tu restes toujours aussi séduisant ...

Poussant ta manipulation à l'extrême, tu eus l'audace d'extirper fugacement de ton porte-monnaie une photographie oscillant entre l'immaculé, le cendré et mille et une nuances de grisés pour la faire glisser lascivement le long de la table dans sa direction. Preuve délibérément offerte à sa contemplation pour embraser la véracité de tes dires, l'image exhibant fièrement vos deux silhouettes à proximité d'un verdoyant jardin public. Instant arborant un baiser exsudé de tes lippes qui s'était fracassé contre la pommette de ce jeune Léandro, adroitement immortalisé du photographe autrefois sollicité.  

Tu m'as brisé le coeur tu sais ? Je croyais qu'on ne se reverrait plus jamais ...

Tes badigoinces furent conquises de douloureux frissons tandis que les perles de nacre écumèrent finalement du coin de tes iris, balafrant ton faciès de leur jaillissement. Une lypémanie que tu dissimulas du creux de tes mains qui s'accola vivement contre lui. Et les flots d'affliction ruisselèrent, tempestant incessamment le long de ton visage tandis que tu ne pris point la peine de lui expliquer cette éternelle juvénilité écrouant ton apparence...

@Léandro Alesi

(c) macaron

HRP:

Tes sourcils se fronce tandis que tu l'écoutes avec attention, tentant de jauger de la véracité de ses propos. Il était vrai que tu n'avais encore jamais croisé personne te connaissant dans les rues de Rome, même pas cet homme mystérieux t'ayant amené à la clinique et que Vaz n'avait pu te décrire avec précision. Ainsi, pour la première fois, une nouvelle problématique se présentait devant toi, problématique sans doute commune à tous les amnésiques : à qui pouvais-tu faire confiance ? Qu'est-ce qui te prouvait que l'homme face à toi n'essayait pas juste de te manipuler ? Qui pouvais te garantir que les mots sortant de sa bouche résonnaient en accord avec votre passé commun ? De plus, une question te titillais la gorge, mais tu le laissais finir son explication, curieux malgré ta méfiance. Une nouvelle fois, la gêne te saisis tandis qu'il semblait avoir du mal à maitriser ses émotions, le silence s'éternisant entre vous l'espace de quelques minutes, accentuant ta gêne initiale. Bon sang, tu ne savais pas quoi faire, que ce soit pour le réconforter ou pour poursuivre la discussion. Et ce silence pesant qui n'en finissait pas... Finalement, ses prunelles revinrent s'accrocher aux tiennes tandis que sa voix résonnait à nouveau, chassant ce silence et détendant légèrement tes épaules crispées.

Celui que tu étais avant semblait donc s'être comporté comme un connard. Parfait. Tu t'efforcais d'ignorer sa dernière phrase et tandis qu'il fouillait dans son porte-monnaie tu enchaînais. "-Je suis désolé si je t'ai blessé.". C'était sûrement stupide de s'excuser pour un acte dont tu ne te souvenais pas et dont tu ignorais les motivations. A vrai dire toi-même tu ne savais pas vraiment pourquoi tu avais dit ça. Au fond, est-ce que tu pouvais être considéré comme responsable des actes que tu avais commis par le passé mais dont tu n'avais plus aujourd'hui aucun souvenir ? Est-ce que celui que tu étais désormais était semblable à ton "ancien toi" ? Toute une liste de questions auxquelles tu n'avais pas la réponse et que tu pouvais officiellement ajouter à la pile des questions sans réponses qui te taraudaient l'esprit tard le soir lorsque toute la maisonnée était endormie hormis toi.

Tu finis par saisir le papier glacé qu'il avait fait glisser jusqu'à toi. Tu reconnaissais sans peine la chevelure blanche de l'homme face à toi, emprisonnant sur papier glacé un baiser évanescent déposé sur ta joue plus jeune d'une dizaine d'années, voir plus. Tu ne te souvenais pas de ton visage, mais n'importe qui pouvait affirmer sans peine que c'était toi. Tu n'avais pas énormément changé. Tu redressais la tête tandis qu'il reprenait la parole avant que de nouvelles gouttes cristallines ne dévalent ses joues, te plongeant de nouveau dans un profond malaise. Maladroitement, tu extirpais un mouchoir de ta poche avant de lui tendre, ne faisant aucune remarque. Tu ne savais quoi dire. Si son histoire semblait crédible, si elle semblait le toucher encore profondément... Ce n'était pas ton cas. Bien sûr, tu te sentais gêné face aux actes que tu avais pu commettre, mais tu n'en avais aucun souvenir, tout comme les sentiments que tu avais pu lui porter s'était évaporé dans les affres de ces deux semaines de coma. Ainsi, ne restait que la gêne. "-Je ne vois pas bien quoi te dire...". Tes entrailles se tordent légèrement, tu as l'impression d'être cruel mais que peux-tu faire de plus ? Tu n'as aucun souvenir de lui. Aucun sentiment à son égard. Avec précaution tu lui rendis sa photo. Tu avais l'impression de voir une certaine complicité sur cette représentation de papier glacé, mais peut-être n'était-ce qu'un effet de l'histoire précédemment contée. "-Est-ce que je peux t'offrir un café ?". Tu ne voulais que quitter cette table l'espace de quelques minutes, lui laisser le temps de se reprendre et de dissiper ta propre gêne au passage.

@F. Hibiscus Colombo