huit ans. Assise en boule sur une chaise d'hôpital loin d'être confort, la jeune enfant pleurait toutes les larmes de son corps. Secouée en permanence par des sanglots qui semblaient inconsolables, la gamine multipliait les hoquets en tentant maladroitement de respirer malgré l'eau salée qui coulait le long de ses joues comme les chutes du Niagara. Inconsolable. Confuse. Terrorisée. Elle ne comprenait pas les mots qu'on lui avait prononcés et la gentillesse dont on avait fait preuve à son égard. Seuls les aspects négatifs de cette situation étaient restés imprégnés dans son esprit. Sa mère blessée dans un lit d'hôpital et qui bientôt rejoindrait les cieux. On le lui avait expliqué avec tendresse, avec des mots qui n'auraient pas dû la terrifier et pourtant, il n'en était rien. Elle avait juste retenue que bientôt sa mère ne lui fredonnerait plus de douce mélodie. Bientôt, elle n'apprendrait plus à jouer de sa musique avec sa mère. Bientôt, elle ne connaîtrait plus l'étreinte tendre et protectrice de celle qui lui avait donné la vie. Une perspective qui la brisait. Comment continuer ? Du haut de ses huit ans, elle ne parvenait pas à se projeter dans un monde sans sa mère, elle la gamine qui demandait encore sans cesse où était son grand-frère alors qu'il avait quitté la demeure quelque temps auparavant déjà. Non. Elle ne pouvait se projeter dans un tel futur. Et pourtant, ce fut dans lequel la jeune enfant fut projetée malgré elle.

douze ans ~ Des bruits de froissement résonnaient. Puis, un cri. Un hurlement de terreur. Celui d'une jeune enfant se réveillant violemment d'un cauchemar et qui réclamait instinctivement une mère qui n'était plus. Haletante et en larmes au centre de son lit, elle attendit complètement paniquée qu'une étreinte réconfortante la rassure. Une étreinte maternelle ? Non. Une étreinte paternelle ? Non. Après un instant, ce fut l'étreinte bourrue et un peu brute d'un frère. Lentement, elle se souvint qu'elle avait fait le choix de suivre son aîné et non pas leur père lorsque le choix fut présenté. Seulement, elle ne représentait rien d'autre qu'une gamine, un poids supplémentaire dans la vie de son aîné. C'était peut-être pour cela qu'elle s'efforçait de suivre le mouvement de la meute, de s'épanouir sans problème en compagnie des loups. Hélas, elle ne pouvait faire grand-chose contre ses cauchemars et autres craintes nocturnes. Pour cela, il n'y avait rien de mieux qu'un peu de patience et l'enfant sombrait à nouveau, accrochée à la présence protectrice et rassurante de son frère.

Ce même jour, après les classes, Aglaé avait rejoint les enfants de la meute. Son frère ne rentrant pas avant plusieurs heures et ne supportant guère la solitude de leur petite habitation, Aglaé passait du temps avec les enfants de son âge. Elle jouait, discutait et posait un nombre incalculable de questions. De temps en temps, elle jouait un peu de musique avec les petits artistes de la meute, mais c'était bien plus rare. Non, la plupart du temps, les activités étaient celle qui leur permettait de se dépenser le plus. Comme était le cas ce jour-là. Hélas, un mauvais perdant se glissa dans le lot. Le louveteau s'énerva et si tous avaient eu le bon sens de s'éloigner, ce ne fut pas le cas de la jeune Aglaé. Dans toute sa bonté, la cadette d'Angelo s'inquiéta pour son camarade de jeux et s'était approchée de lui. Inconsciente ! Un faux mouvement de la part de l'enfant. Un coup violent. Une chute et la tête de la blondinette heurtèrent le sol. Les ténèbres l'engouffrèrent. Des ténèbres qui lentement devinrent son quotidien. Progressivement, sa vue déclina. Cette simple chute qui avait arraché l'avenir lumineux auquel on aspirait pour elle. Une chute qui transforma sa curiosité des créatures en crainte dissimulée. Un sentiment qui s'accentua alors qu'elle se sentait lentement mise de côté. Elle était devenue la petite chose fragile dont il ne fallait plus s'approcher. Son frère s'y refusait, devenue hyper protecteur dans l'espoir que sa vue soit tout ce qui lui soit prit.


dix-neuf ans. Une mélodie raisonnait dans la chambre, annonçant qu'il était l'heure pour la petite boule sous les draps de penser à se lever. 7h30. Tôt, terriblement tôt, mais Aglaé devait voir un nouveau chien guide à la première heure. Elle en avait rencontré plusieurs, avait tester la vie à leur côté, mais rien y faisait. La présence du canidé semblait plus terrifier qu'aider la jeune aveugle. Elle n'avait pas encore trouvé le bon guide, le compagnon qui serait à ses côtés jusqu'à la fin de ses jours. Faiblement, soupirant, Aglaé émergea de la couverture et stoppa son réveil. Elle n'avait pas envie. Elle voulait juste rester au fin fond de son lit, peut-être écouté un peu de musique, et ce, en attendant que le temps passe. Hélas, ce serait pour une autre fois. Un nouveau soupire lui échappa alors qu'elle se préparait, suivant la petite routine qu'elle avait mise en place avec les années. Pourtant, avec la tête ailleurs comme à cet instant précis, les erreurs arrivaient. Un mauvais mélange pour son petit-déjeuner et elle abandonna finalement l'idée d'en prendre un. Elle opta pour une douche rapide, une tenue simple à identifier et elle attendit patiemment. Attendre. C'était ce qu'elle faisait de mieux depuis peu. Une fois encore, ce fut un échec. Le chien s'échappa, la laissant seule et perdue au parc. Peut-être était-il temps qu'elle abandonne l'idée d'un fidèle compagnon canin... Cela ne serait pas la première chose qu'elle déciderait d'abandonner. Espoir, étude, ect...