Tu es dans ce genre de situation désagréable où tu as envie d’effacer les dernières minutes de ta vie. Tu veux classer les mots d’Adis dans un boitier que tu enterreras dans les abysses de l’oubli. Tu veux te baffer dans le vrai sens du terme afin d’oublier tes propres paroles, tes propres maux. Mais rien n’y faire Ezekiel, malgré toute la volonté du monde, tu n’y arrives pas. Tu ressens toujours ce goût amer dans ta gorge, cette boule ambulante dans ton ventre. Tu as envie de quitter cet endroit, là tout de suite et laisser tomber cette course ainsi que ton devoir. Oui, à cet instant précis, tu n’as plus aucune envie de satisfaire ta position céleste, peu importe les conséquences. Disparaître, tu veux disparaître sans compter sur la rapidité hyperbolique du vampire à attraper ta main pour t’emmener loin. Tu as envie, ah oui tu as envie de te dégager. De crier une nouvelle fois ton ras bol démesuré et pourtant … pourtant, ton corps refuse les ordres muets de ton cerveau. Cette froideur est si jouissive que tes doigts en demandent davantage, que tes phalanges s’entourent autour des siennes. Tu es con. C’est ce que tu te répètes. Tu es con de te bercer de nouvelles illusions, d’un nouvel espoir mort-né. Tu le suis aveuglément et tu te rends compte à cet instant de ta capacité à le suivre partout, même aux enfers. C’est pathétique et si vous ne vous êtes pas enfermés dans une salle trouvée dans les canalisation, t’auras sûrement envie de te jeter du haut d’une falaise. Le brouhaha démonique s’estompe derrière les portes grinçantes et laisse place au silence. Ca te gifle car ça te rappelle la situation actuelle. Adis et Luna. Luna et Adis. Ca te rend malade au point de tourner la tête sur le côté quand il reprend la parole. T’aurais dû le regarder. T’aurais pu voir son expression de dégoût suite à tes mots insensés. Tu ne comprends rien. Il a suffit qu’il dise cette phrase pour que tu fronces les sourcils. Au contraire, tu comprends tout Ezekiel. Tu comprends ce que tu as vu de tes propres yeux et ça il ne peut pas le démentir. Comme si tu as besoin de faire quelque chose au lieu de lui cracher une nouvelle fois ton venin dans la gueule, tu fais sortir ta stèle et la positionnes sur la rune de la guérison imprimée sur ton avant bras. Tu fais comme si tu ne l’écoutes pas. Comme si tu es aspiré par la lumière jaunâtre se dégageant du symbole et pourtant, tu l’écoutes. Attentivement, au point d’arrêter tout mouvement à ses explications. C’est seulement à ce moment là que tu lèves la tête vers lui. Que ton visage se défigure d’expression interrogative. Que tes sourcils se froncent, se dé-froncent, se haussent témoignant le commencement d’une tristesse incommensurable. Tu es nephilim et c’est ça le problème. Tu vis un ascenseur émotionnel. Heureux de savoir qu’il ne se passe rien entre lui et ta parabataï et totalement accablé de comprendre que malgré ça, tu n’as pas de chance avec lui. Ce n’est pas parce que tu es un homme, ou parce que tu as un humour douteux, ou parce que tu as des défauts plus grands que des montagnes russes non, pas du tout. C’est à cause de ce sang céleste coulant dans tes veines. Une condition que tu ne pourras jamais changer. Peu importe tes efforts pour être l’allié exemplaire sur lequel les créatures peuvent compter, peu importe si tu t’écroches dans la guerre, que tu perdes un bras ou une jambe. Peu importe tout ça, jamais tu ne trouveras grâce à ses yeux et cette réalité te rend ankylosé. Il hait les gens de ton espèce. Il hait les nephilms. Il te hait. C’est la fin n’est-ce pas ? Alors, comment se fait-il que ses mains se trouvent autour de ton visage. Que ses lèvres s’écrasent sur les tiennes. Que ton corps se presse contre le sien comme si toute ta vie en dépend ? Si tu rêves alors, il s’agit du meilleur rêve que tu puisses faire et tu n’as aucune envie de mettre un terme à cette utopie. Tes propres charnues s’entrouvrent. Ta serpentine s’invite à son tour, pinçant, cajolant la sienne au moment où tes mains s’accrochent avec puissance à ses épaules. L’euphorie porte son nom. L’euphorie prend tout son sens dans cette proximité qu’il a lui-même occasionné. Tu n’as pas envie de parler. Tu veux juste crever à force de ressentir les boum boum incessants de ton organe vital. Et puis, malgré la respiration saccadée, malgré ton corps qui veut se fondre dans le sien, tu te pinces. Oui, tu te pinces pour vérifier si c’est la réalité ou si tu nages en plein délire. Si tes pulpeuses mordillent réellement les siennes et si ce sont vraiment tes mains sur sur la chute de ses reins. Et il est là, il est vraiment là. Tu romps le contact parce que tu n’as plus de souffle. Tu n’arrives plus à respirer mais tu ne t’éloignes pas pour autant. Tu as encore besoin de ressentir sa présence contre toi, de profiter de sa froideur tant convoitée. « Je » Tu es certes un nephilim mais il apprendra à t’apprécier. C’est ce que tu voulais dire mais finalement, tu n’en as plus envie. Tu veux juste le contempler, à fantasmer sur une suite plus glorieuse une fois sortis de cet endroit maudit. Et puis, l’impensable se produit. La fatigue ait raison de toi. Fesses contre le sol, tête renversée en arrière, tu fermes les yeux. Ton corps ne te répond plus. Maudite faiblesse dont tu n’es pas le décisionnaire et pourtant, à aucun moment tu n’as lâché sa main, aucun.

AVENGEDINCHAINS