Maman riait, un bras allongé sur le piano. Elle chantait, délibérément trop fort pour que je puisse me concentrer. Ses doigts courant sur ma peau bleutée, elle me répétait encore les mesures de sécurité de ma vie. J'écoutais d'une oreille distraite, le regard évadé par la fenêtre. Ses boucles brunes tombaient en cascades dans son dos. J'éprouvais une envie viscérale d'y plonger mes mains. Les siennes effleurant mes oreilles. Un sourire infini derrière un visage flou. Je dois mentionner sa cuisine, terrible. Et l'odeur de la maison qui sentait bon la vanille sucrée, comme sa peau diaphane. Elle m'aimait, je l'adorais.

« Belle-Âme, figlio mio. » Il passait sa main gigantesque au dessus de ma tête alors que je m'écartai. Ses sourcils broussailleux se plissèrent, sa voix s'aggrava d'un ton. Puis cinq gars armés jusqu'aux dents, les cheveux noyés dans le gel firent irruption dans la salle à manger. Ils aboyèrent quelques saloperies en italien et il se leva d'un bond. Dégaina son glock. Ensemble ils sortirent, roulant des épaules et claquant bruyamment leurs jouets. C'était comme ça tous les jours. Tous les jours, putain. Je finis mon repas, ne m'arrêtant qu'en sentant un filet liquide couler le long de mon bras. Mes yeux glissèrent sur le trou creusé dans ma peau. Une autre balle perdue. Je traîne les pieds sur les marches en pierre de l'escalier. Je j'avance avec lassitude jusqu'à la salle de bain. Déloger la balle. Désinfecter. Fixer la fuite. Finir les lasagnes. Finir la bouteille.

Vaszjr et Opale Vance. Le mariage d'une louve sauvage et d'un bâtard de la pègre napolitaine. Destinée, hasard, âmes soeurs. C'est un coeur qui se retourne en même temps que la réalité du français. Une nouvelle réalité dans laquelle il doit désormais inclure des loups-garous. Ils déménagent à Rome, il s'acclimate aux effluves fauve de son environnement. L'humain s'intègre au milieu des loups, après tout, on avait toujours soupçonné les goûts sauvages que son âme masquait dans son fond.    

Malaretta della Morte. Salope.
Elle mourrait. Et il n'y avait rien à faire. Il ne pouvait rien faire pour sa femme. Si ce n'était l'observer mourir, folle. Sur tous les bords, ce fut un échec. Le médecin s'était acharné longuement et durement sur son corps. Trouver l'origine du mal et le détruire. Le détuire. Le détruire. La sauver. Il avait beau les soigner, les traiter, les remplacer. A chaque fois qu'il l'ouvrait, il retrouvait ses organes toujours un peu plus noir. Un fruit pourris. Ça lui faisait perdre la tête, et à elle aussi. Au final, tout ce qu'il fit n'eut pour effet que d'accélérer le jour de son trépas. Si ce ne fut pas par les mains chirurgiennes de son mari, on dirait qu'Opale Vance mourrut d'une folie meutrière. Une folie contagieuse.