Nightmares all over me

Un mois. Un mois qu'elle s'était échappée, qu'elle avait été sauvée de la brigade nocturne par les siens, et tout autant de temps pour récupérer des dommages qui lui avaient été infligés alors qu'elle était encore en captivité. Physiquement elle sentait que son corps s'en remettait, et elle se dit que c'était peut-être fini, que tout ceci était derrière elle... alors, glissée entre des draps aux allures protectrices, elle essaya de s'abandonner au sommeil, laissant ses paupières lourdes de fatigue se fermer. Mais c'était toujours pareil. Dès l'instant où elle se sentait immergée dans le noir, un sentiment d'oppression l'arrachait à toute forme possible de repos, et la tenait froidement éveillée, lui rappelant que s'endormir serait désormais synonyme de souffrir. Le noir l'effrayait, la transportait à nouveau dans ce cachot sans lumière à l'intérieur duquel la vie n'existait pas, à l'intérieur duquel elle s'était sentie mourir, avait perdu le compte des jours, avait perdu la force de se battre et même celle de croire en l'avenir. Ce noir qui lui avait tout pris continuait de la hanter chaque nuit, et se faisant, laissait la Brigade Nocturne gagner toujours un peu plus. Ariane se retourna dans son lit, chercha la forme familière de Circé dans le lit voisin, mais ses yeux ne virent aucun découpement se faire sur le noir du mur. Pieds nus la jeune fille se leva, marcha à la porte d'un pas pressé, se hâtant de rejoindre le couloir et sa lumière, et rejoignit la chambre d'Athéna qui lui avait permis de dormir avec elle lorsque sa jumelle était en mission. A nouveau elle entra dans un lit pour essayer de dormir.

La solitude, voilà ce qu'elle ne supportait plus. Elle avait besoin de sentir la présence réconfortante de quelqu'un d'ami à ses côtés, d'être sure qu'elle ne se réveillerait pas allongée sur un sol froid et humide, avec plus de douleur dans son corps qu'elle ne l'aurait imaginé possible. Ariane ferma encore les yeux, et cogita pendant plus d'une heure, seule chose qui l'aidait à ne pas vivre et revivre les horreurs qu'on lui avait faites, puis elle finit par s'endormir. Mais ce ne fut pas mieux une fois que le sommeil l'avait atteinte. Bientôt ses sourcils se froncèrent, sa tête dodelina d'inconfort sur l'oreiller, de la sueur perla sur son front et parcouru même son dos, tout son corps enfin fut pris de spasmes, incapables de rester en place, elle était prise de soubresauts, torturée par ses rêves. On croit toujours que c'est la torture le moment le plus douloureux : lorsque la souffrance vous atteint pour la première fois que ce scalpel ouvre votre ventre, la première fois que vous sentez, à moitié consciente, des doigts farfouiller en vous, la première fois que vous ne vous évanouissez pas car le supplice est tel que vous avez dépasssé votre seuil de douleur et que cette dernière vous tient éveillé. Mais ce n'est pas ce moment là qui est le pire. Ce n'est ni l'odeur du sang qui se répand sur la table en s'écoulant lentement de votre corps, ni la brûlure de votre chair qui rencontre l'air, ni même vos gémissements et vos cris qui vous étonnent vous même tant ils sont sincères, plaintifs, faibles... C'est de revivre ces événements qui est le pire. Car vous savez exactement à quel moment le fer brulant touchera votre peau et quand vous la sentirez brûler, vous connaissez avec précision la douleur que vous procurera l'homme qui s'avance avec cet instrument que vous ne voyez plus tant tout est flou, mais qui servira à arracher un de vos ongles, peut-être même deux si c'est plus utile pour eux. Alors quand Ariane revit tous ces souvenirs en rêve, elle a l'impression de que cela lui arrive à nouveau, sans pouvoir y échapper, indéniablement elle sait que le calvaire va reprendre, et qu'elle ne pourra rien faire pour s'en sortir, car ses pieds endoloris n'ont plus la force de la porter, et qu'au moment où elle a cette pensée, on lui incise sans délicatesse la jambe.

Torturée par ses rêves, Ariane ouvrit les yeux d'un coup d'un seul, haletante, sa main se posa sur sa jambe encore crispée et chercha du regard un point d'ancrage qui lui permettrait de se rassurer, elle pivota dans son lit, grelottante et transpirante, n'osant pas dans un premier temps appeler sa soeur dont elle distinguait difficilement les contours dans le noir. Ses yeux, aux aguets, regardaient partout dans la pièce, scrutant à la recherche d'ennemis qui n'étaient pas là. Incapable de se calmer, n'osant pas poser un pied en dehors de son lit, emprisonnée par le noir de la nuit, elle osa finalement, brisant le silence, implorer d'une voix faible :


Et comme elle ne lui répondit d'abord pas, Ariane tenta de réprimer les larmes qui montaient à ses yeux alors qu'elle l'appelait à nouveau, consciente qu'elle avait besoin d'une personne éveillée pour lui tenir compagnie et la réconforter, car son corps continuait de trembler de peur.