Il n’y a rien de plus ennuyeux que de se rendre dans une galerie seul. Ce qui explique pourquoi j’ai pris Falco et Artista avec moi. Puis il y a aussi un de ces syndicats qui n’arrête pas de faire chier sur le fait d’améliorer les résultats de la BN en poussant les employés à créer des liens entre eux à travers des activités extraprofessionnelles. Ces types ont dû loupé le mémo qui dit que la Brigade Nocturne chasse des néphilims et les exécute. Bref, comme c’est plus simple de leur donner ce qu’ils veulent, et qu’en prime ça me donne une bonne excuse pour embêter mes deux bras droits – qui auraient sans doute préféré passer ce temps avec la fée qui complète leur trouple – j’ai opté pour la Galleria Alberto Sordi, ayant reçu une invitation pur exposition d’un artiste vampire. Nous voilà donc vêtus avec des costumes de soirées – que j’ai pour ma part complété avec une bonne douzaine de poignards séraphiques et de deux stèles cachés sous les vêtements ou dans les doublures. Vu les souvenirs que j’avais de la dernière fois où j’étais habillé en pingouin, j’ai pris les mesures qui s’imposent. Avançant parmi les tableaux, je fais des commentaires, à l’utilité douteuse, à mes deux compagnons. « Trouvez pas que ce tableau est très profond ? Je pense que l’artiste a voulu nous donner – à nous autres créatures à la longévité bien courte – un aperçu de ce qu’est l’immortalité. ». A vrai dire c’est à peine si j’ai regardé l’œuvre en question, je ne fais que meubler le silence, comme je sais si bien le faire. J’ai toujours été un homme d’action, un militaire et stratégiste, peut-être idéaliste dans ma jeunesse mais toujours pragmatique. Donc l’Art et moi, ce n’est pas vraiment le grand amour. Je préfère laisser ça aux autres.

Heureusement – ou malheureusement – tout ne se passe pas comme prévu puisqu’une drôle de fumée se voir dans l’air. Aussitôt je suis sur mes gardes : je préfère ne pas être celui-ci va se faire exploser les tympans cette fois. Encore que je préfère perdre mon ouïe que me prendre le plafond sur la tronche. Mon regard dévie vers Rose et Weyland et je leur dis, d’un ton calme, comme si je continuais de parler peintures : « Il y a un truc qui cloche dans l’air, soyez sur vos gardes, et on ne se sépare pas. ». Si pour l’instant ce gaz semble inoffensif, je ne doute pas une seule seconde que ça va vite changer. J’ai presque envie de me casser avant que les problèmes commencent d’ailleurs – je peux toujours dire que j’ai un chat bleu à nourrir, c’est vrai en plus – mais bon, ce ne serait pas professionnel. Je sens progressivement ma concentration me faire défaut alors que mon regard est attiré par illusions disparaissant la seconde d’après. J’ai tout juste assez de concentration pour réaliser que quelque soit ce gaz, il chamboule complètement mon cerveau, aussi je demande aux deux autres : « Dites, vous aussi vos yeux vous jouent des tours ? ». Ce disant, je vois quelque chose filer entre mes pieds mais je n’ai pas le temps de savoir ce que c’est. C’est uniquement quand je vois trois autres insectes rampants arriver vers moi que je réalise ce que c’est : des saletés de cafards. Je hais les insectes rampants. Je les abomine. Sans même réfléchir, je me sauter dessus pour les écraser sans même réaliser que des « A mort les cafards ! » sortent de ma bouche. En temps normal, ça ne serait pas une tâche bien difficile, mais ça ne doit être mon jour – ou alors c’est parce que je suis drogué me chuchote une voix dans un recoin de mon esprit. En tout cas, je ne sais pas trop comment je m’y prends, mais je glisse, me cogne le front contre le mur, tombe à terre à moitié et me retrouve nez à nez avec une ces saloperies de cafards, ce qui me fait hérisser les poils. Maudites soient ces choses !