Reste près de moi
Idunn & Rhoan

La pâleur du ciel témoigne encore trop bien de la jeunesse de la nuit qui vient lentement recouvrir les toits de Rome. Pourtant Idunn est déjà prête, habillée à la mode du moment, elle s’empresse de quitter l’hôpital où elle vient de passer une bonne partie de la journée. Le Capitole n’est pas loin à pied si bien qu’elle décide de laisser sa voiture dans les sous-sols du bâtiment, elle veut éviter à tout prix les bouchons et elle connait trop bien la capitale italienne désormais pour ne pas savoir que trouver une place est un véritable parcourt du combattant. L’air frais de cette fin d’après-midi d’hiver lui arrache un doux sourire de bien-être. Elle aime cette saison la vampire, la morsure du froid, la bise fraîche du vent du nord, les odeurs dures des parfums de la nature. Un ensemble de sensations qui lui rappellent un peu ses montagnes et ses fjords norvégiens. Parfois elle y pense, à retourner vivre là-bas, au milieu de l’océan, de la neige, et des forêts de pins. Un jour peut-être, lorsqu’elle se sera lassée du climat trop tempéré de la bottine. Un jour, peut-être.

Elle ne tarde pas à arriver au centre commercial où Rhoan lui a donné rendez-vous ce soir. Elle a hâte la blonde de retrouver la présence de cet humain, patient devenu ami au fil des consultations. Ils sont rares et précieux ceux qui, comme eux, ont réussi à se faire une place au chaud dans l’esprit de la viking. Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Comment savoir. Une sensibilité sans doute, une odeur, son capital sympathie. Un peu de tout cela. Ses chaussures claquent doucement sur le sol alors qu’elle cherche un café convenable dans lequel se posé en attendant le jeune homme. Elle fini par trouver son bonheur, un lieu chaleureux, qu’elle fréquente souvent en raison de sa large amplitude d’horaires nocturnes. Dire qu’elle y a ses habitudes serait exagéré, mais elle vient tout de même assez régulièrement pour sourire amicalement à la serveuse qui lui adresse un léger signe de tête. Simili de reconnaissance, façade de bienséances, échanges des banalités de circonstances. Elle repart du comptoir avec une grande tasse de thé fumant, habitude qu’elle a gardé de ses longues décennies à Londres, même si le café commence doucement à se faire une place dans son plaisir gustatif. Installée aux abords des fenêtres elle espère ainsi faciliter à la tâche à Rhoan lorsque ce dernier arrivera en cherchant du regard sa silhouette et, en attendant cet instant-là, elle se plaît à regarder le ballet ondulant des passants. Malgré l’ombre de la nuit la vie est encore bouillonnante dans le centre commercial, fin d’après-midi d’hiver où la nuit surpasse le jour. Rien à voir avec les hivers arctiques qui ne laissent qu’un pâle soleil flirter avec l’horizon l’espace de quelques heures. Un soupire soulève la poitrine de la vampire alors qu’elle souffle distraitement sur la surface chaude du liquide translucide. Il est loin le temps des plaisirs que ces nuits procuraient. Descentes aux enfers pour certains. Lorsque, pour quelques semaines, le monde Obscure prenait plus de place que le monde solaire. Elle est plongée dans ses souvenirs lorsqu’elle perçoit l’odeur de Rhoan parmi celles des autres. Elle ne saurait dire pourquoi, si ce n’est les longues heures passées à ses côtés pendant la maladie, ou les effets mêmes de celle-ci, mais elle est devenue capable d’identifier son sang parmi la foule avec une facilité qu’elle trouve déconcertante. Son regard azur glisse vers lui alors qu’il s’approche, gestes simples et rapides. Il vient poser un baiser sur sa joue pour la saluer, elle répond avec un sourire ravi et une main qui glisse sur son épaule. « Très bien je te remercie. Et toi ? La journée a été bonne ? » Ses iris suivent le moindre de ses mouvements, alors qu’il interpelle le serveur pour commander sa propre boisson. « Rien de bien nouveau, j’ai passé mon après-midi la tête plongée dans mes microscopes, entre deux consultations. Autant te dire que je n’attendais que toi pour prendre le temps de me vider la tête et faire les magasins ! » Son sourire doux étire les lèvres maquillées de rouge alors qu’elle avale une gorgée chaude de thé parfumé à la fleur de cerisier. Le goût est fade comparé à ce que pourrait être une large tasse de sang froid, mais en société, cela passe toujours mieux. « Et toi alors ? Quoi de nouveau ? Comment tu te sens ? » La dernière question est plus profonde, prononcée dans une voix plus ancrée et un regard appuyé. Elle ne peut s’empêcher la médecin de prendre des nouvelles du patient. Elle ne peut s’empêcher de demander, d’être sûre, qu’au-delà des apparences, ses souffrances internes ne se développent pas.

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Idunn & Rhoan

L’éclat bleu de ses iris ne la quitte pas, il semble détailler ses traits avec attention, elle se demande bien pourquoi, aurait-elle le visage marqué pas la fatigue plus que d’ordinaire ? Il faut dire que ses journées et ses nuits sont longues. Quand ses gardes ne s’éternisent pas la nuit, elle enfile son deuxième rôle Idunn. Etre passée leader de son espèce au sein de la Brigade Nocturne représente une opportunité pour elle qu’elle ne songeait plus possible. Elle qui a délaissé l’autorité du chef de clan pour n’être plus qu’un vampire sous les ordres d’Adis. Elle avait peut-être un peu oublié la jeune femme, le goût du pouvoir et le plaisir de l’autorité que lui conférait ce statut. Pourtant, si elle devait avoir le choix elle n’est pas sûre qu’elle reprendrait la direction d’un clan. La douleur de la peine causée par la perte du sien une décennie plus tôt est trop forte encore. La blessure trop présente dans ses côtes pour effacer l’ardoise et renouer avec une telle responsabilité. C’est pour cela sans doute qu’elle avait accepté avec plaisir et soulagement e rôle de leader vampire au sein de la Brigade. Une manière de reprendre du pouvoir, renouer avec son aura naturelle autoritaire, sans s’attacher corps et âme à gouverner un clan en particulier. Mais malgré son attrait sincère pour le rôle, elle redécouvrait aussi ses contraintes, et notamment la fatigue liée aux deux postes qu’elle occupe désormais. Elle aurait pu délaisser la médecine, ne prendre qu’un poste à mi-temps, mais après des siècles à se cacher, recluse dans l’ombre, reléguée au mieux au rang de nurse par son statut de femme, elle ne pouvait tout simplement pas accepter de renoncer ce à quoi elle venait tout juste d’acquérir. Une place reconnue de médecin dans un grand hôpital de Rome, au « grand jour ».
Elle souffle à nouveau sur la boisson avant d’en avaler une gorgée aux parfums délicats avant de répondre aux questions d’usages et de s’enquérir à son tour de sa bonne santé. Elle fait attention à lui, guettant avec appréhension la moindre évolution possible de sa situation. Rien ne lui ferait plus peur et de mal que de l’entendre un jour se plaindre de nouveaux symptômes. Car si les résidus de la maladie évoluent chez lui, il sera fort probable qu’ils évoluent chez tous les autres. Chez Nathan notamment. Et rien que de penser à cela un pincement vient faire frémir son cœur. Si le vampire ne semble plus la porter dans son cœur avec autant de passion qu’avant, elle ne peut se mentir à elle-même concernant ses propres attaches profondément ancrées dans l’âme de son premier-né. Le voir disparaître à petit feu sous ses yeux sans pouvoir rien faire…Elle n’ose y penser Idunn, tellement la douleur lui parait insurmontable. Il est probable qu’elle deviendrait folle de tristesse. Une épreuve qu’elle n’est pas prête à affronter de nouveau. La perte d’Eloïse est encore trop récente. Oh comme les longs cheveux sombres de son amante lui manquent. Ses sourires et le réconfort de son franc parler. Un voile passe devant le regard de la viking tandis que Rhoan évoque son propre désastre sentimental. Elle semble soudain très loin, perdue dans les méandres de ses souvenirs, des siècles de souvenirs. Mais elle entend tout de même la résignation dans la voix de son ami et un doux sourire vient étirer ses lèvres tandis qu’elle se force à reprendre pied dans la réalité du présent. Ah ce fameux GG comme il l’appelle, elle en a entendu parler la vampire, et ça ne tenait qu’à elle, elle serait déjà aller lui toucher deux mots concernant ses relations personnelles et ses mauvais choix. « Je suis rassurée de savoir que tout va bien. Je m’excuse, je sais que je te rabâche cela à chaque fois que l’on se voit, mais promet moi de me tenir au courant si jamais un jour tu remarquais un changement. » De sa main droite elle lâche sa tasse pour la poser quelques instants sur celle de Rhoan avant de la retirer. Un simple geste empli de cette amitié sincère qu’elle ressent pour l’humain en face d’elle. Même si elle sait qu’elle le verra vieillir et dépérir sans ne pouvoir rien y faire, elle veut lui épargner les souffrances d’une maladie et le drame de partir trop vite. « Quant à ton GG je suis et reste convaincue que tu devrais lui parler plus directement et lui avouer tes sentiments. La vie est trop courte pour vivre avec des regrets. » Elle lui sourit sincèrement avec tout l’enthousiasme mêlé de douceur dont elle est capable. Elle sait mieux que personne le caractère éphémère de ces vies qui palpitent dans les cœurs des humains et elle déplore le manque de témérité chez certains d’entre eux. Elle avait espéré un temps que la maladie et l’épée de Damoclès qui avait pesée au-dessus de sa tête l’aurait motivé à se révéler auprès de l’homme, mais non. « Qui sait, peut-être que secrètement il éprouve des sentiments équivoques pour toi. » Ajoute-t-elle tout en haussant légèrement un sourcil avant de boire une nouvelle gorgée chaude tout en frictionnant ses mains gelées contre la porcelaine tiède de la tasse. Geste purement humain, habitude prise pour détourner l’attention des remarques déplacées concernant sa peau toujours froide.


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Idunn & Rhoan

La peur de l’abandon, comment ne pourrait-elle pas la comprendre. Elle qui a vécu plus de six siècles sur cette terre, nouant des relations intenses, profondes. Elle qui a connu l’errance solitaire du vampire sans attache. Elle qui souffre aujourd’hui encore de cette blessure béante qui hante ses sommeils sans repos ? Le clignement de ses paupières se fait plus long. Dans l’iris les images du visage de Nathan qui se détourne. Ce regard bleu nimbé de regrets et de sentiments contraires. Un frisson parcourt sa peau, système nerveux sans chaleur. Un battement de cil plus long que les autres, le temps symbolique du souvenir qui perle, infâme morsure, au cœur de la jeune femme. Un battement, signe trop faible de son trouble pour être identifié par un simple humain. Sur son visage, le même sourire, la même douceur. Et pourtant. Ce n’est rien d’autre qu’une fiction, une pâle image des sentiments qui animaient ses traits glacés. Elle sait feindre mieux que personne Idunn. Son expression n’a pas vibrée une seule seconde. Non, tout est intériorisé, dissimulé sous des années de protection et de murailles établies par ses propres soins. La souffrance de l’abandon est une pierre que les immortels ont appris à porter. Une ancre acérée profondément plantée dans la chair du cœur, sans cesse tirée vers le bas, déchirant les lambeaux de l’âme dans son attraction constante. Oh oui elle connait cette peur Idunn. Elle la suit depuis de si longues années. « Ne pas avoir d’attaches, pour ne pas ressentir de peurs. » Des paroles amères que l’on se passe, presque comme un serment, de créatures obscures à créatures obscures, depuis des siècles et des siècles. Pourtant…De toute sa vie elle n’a jamais croisé une seule personne qui n’a pas succombé une fois aux attraits de la passion et du sentiment. Un fardeau qu’ils portent tous. Leurs croix. Le poids de la vie à perpétuité. « Je comprends Rhoan. » Sa voix est douce, presque un murmure lorsqu’elle lui répond enfin, l’esprit toujours perdu dans les méandres de ses souvenirs. Au plus profond de ses entrailles mortes, elle sent la couleuvre de la mélancolie resserrer ses anneaux autour de son cœur. « C’est normal d’avoir peur que ceux auxquels vous tenez le plus vous tournent le dos. Mais c’est cette même peur qui témoigne de la valeur que ces personnes ont à nos yeux. » Le sourire de la viking s’est légèrement terni, entaché par une surprenante note de tristesse qui luit dans l’éclat océan de ses yeux. Elle a bien des défauts la créature de la nuit, sa nature en premier lieu, mais menteur serait celui qui la considèrerait insensible. Elle hoche la tête cependant quand Rhoan évoque la sexualité binaire de GG et de son attirance connue pour les femmes, et seulement les femmes. « Je ne te pousserai jamais à quoi que ce soit Rhoan, ce choix est le tient et je comprends tout à fait tes peurs. Mieux que quiconque. » Se faire abandonner par son propre premier-né, par la seule personne capable de faire battre un cœur mort depuis plus d’un siècle, ce n’est pas une mince affaire. Un soupire traverse ses lèvres alors qu’elle baisse les yeux vers ses mains. « Si ce n’est pas lui, je suis certaine que tu trouveras quelqu’un qui t’aimera corps et âme pour ce que tu es Rhoan. » Elle relève les yeux vers l’ami, un nouveau sourire doux et franc éclairant son visage de porcelaine. « Tu es une personne formidable, crois-moi, tu mérites bien mieux qu’une passion à sens unique. Tu as le droit de me trouver trop fleur bleue et ridicule de croire encore à ces choses-là à notre époque, mais je suis convaincue que nous avons tous une âme sœur quelque part. » Elle sourit, presque amusée de sa propre remarque. Oui, elle fait vieille école du romantisme en parlant ainsi, dans une société devenue consommation où les véritables passions ont du mal à trouver leurs places. Mais elle a connu d’autres périodes aussi désabusées par l’amour, elle sait que rien n’est irrémédiable et qu’au final, les sentiments trouvent toujours leurs chemins. « Mais en attendant je refuse de te voir te morfondre sur cette histoire. Nous sommes là pour nous changer les idées non ? Je ne peux sans doute pas faire grand-chose concernant tes peines de cœur, mais je peux au moins essayer de t’alléger de leur fardeau pour quelques heures. Sauf si tu veux mon aide pour lui trouver un cadeau de Noël digne de ce nom. » Son regard se fait plus tendancieux, entre franc amusement et douce camaraderie. « Après tout les fêtes de fin d’année approchent rapidement. Et je peux être de bons conseils pour ce genre de choses. A moins que tu ne préfères qu’on se lance à la recherche de la tenue parfaite pour un dîner de réveillon réussi ? » Elle essaye de détendre tant bien que mal l’atmosphère la viking. Tant pour lui que pour elle-même. Une façon comme une autre de chasser les sombres souvenirs venus soulever les prémices d’une tempête dans le calme des eaux marines de son âme.

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Idunn & Rhoan

L’éclat de ses joues se teinte de pourpre alors que le sang vient bouillir sous le derme de la peau. L’odeur sautille jusqu’aux narines de la jeune femme qui regarde avec une joie attendrie l’embarras marqué par Rhoan lorsqu’il évoque sa passion pour l’acte charnel. Sujet souvent tabou dans la bouche de nombreux humains, eux qui le cherchent souvent si frénétiquement, et qui éprouve pourtant tant de gêne à en parler librement. Eux qui se sont mis tant de barrières au fil des âges, cloisonnant tout, normant tout, lissant les appétits jusqu’à les anéantir complètement. De son vivant les choses étaient bien différentes. La monogamie n’était pas encore tout à fait de mise. Les relations d’exclusivités paraissaient n’être que de profondes démonstrations d’égoïsme démesuré. Mais la religion catholique est venue, raz de marée, effacer les mœurs et les remplacer par un monde entier de tabous et d’interdits. Les hommes ont décidé qu’une civilisation évoluée devait correspondre à une civilisation de privation. Voilà toute l’origine du problème. Voilà sans doute encore aujourd’hui les raisons principales qui poussent tant d’humains à détester les créatures obscures. Des êtres à qui on attribut toutes sortes de mœurs libérés et sauvages, décomplexées. La jalousie rend agressif. Si Idunn s’est désespérée de voir le monde se développer sous la coupe serrée des bienséances et des interdits, elle est heureuse de voir les choses se désengorger petit à petit. Elle est heureuse de voir des humains comme Rhoan capable d’évoquer leurs sexualités sans autre retenue que le sang qui pulse en haut de ses pommettes. Elle l’écoute sans rien dire pourtant, savourant l’odeur du sang avec délicatesse, elle qui a su contrôler ses pulsions au court des siècles passés, elle ne bondit plus à chaque pulsation trop rapide d’une jugulaire en émoi. Pas plus qu’elle ne frémit face aux gouttes de sang qui perlent au bout d’un doigt entaillé. Et heureusement, sinon cela fait longtemps qu’elle aurait ravagé les urgences de l’hôpital. « Qui a dit que sentiments amoureux et plaisirs charnels devaient nécessairement être liés ? Je sais qu’avec mon discours j’ai l’air de croire qu’on ne doit vivre qu’avec une seule personne toute notre vie, mais ce n’est pas ça du tout. Une âme sœur, oui, une seule, à laquelle notre âme entière s’attache à vie, mais cela ne nous exempt pas d’autres expériences avant ou même pendant. La vie serait d’un ennui sinon. » Elle sourit doucement Idunn. Si elle a du mal à se souvenir de toutes les personnes dont elle s’est autorisé les faveurs, elle garde en mémoire chaque visage, chaque nom de ceux qui ont fait paraître son immortalité moins longue. « Quoi qu’il en soit, ne soit pas trop dur avec toi-même, tu es encore bien jeune, qui sait ce que – ou qui – l’avenir pourrait mettre devant toi. » Elle s’amuse à prendre un ton mystérieux. Elle a appris à ne pas être définitive dans ses attentes la viking. Elle qui ne pensait jamais pouvoir se montrer au grand jour parmi les humains…Qui sait, peut-être un jour prochain aurait-elle le plaisir de voir à nouveau briller dans l’éclat cristallin de Nathan la flamme qui brûlait pour elle à une époque si lointaine. « Nous découvrirons bien un jour si cela existe ou non ! En attendant concentrons-nous sur notre mission du moment. » Sa voix reprend ses accents joyeux et elle fini les dernières gorgées de son thé devenu tiède d’une traite. Elle propose à son ami de se lancer à la conquête du cadeau parfait pour GG à lui offrir pour l’occasion des fêtes de fin d’année. L’idée semble le séduire ce qui réchauffe le cœur de la vampire, s’ils n’ont pas à se soucier du costume de Rhoan, ils pourront se concentrer sur la perle rare pour son ami aveugle. « Très bien, faisons comme cela. Tu as déjà des idées en tête ? Qu’est-ce qu’il aime bien faire dans la vie ton homme ? Tu as dû me dire dix fois déjà, mais il fait quoi comme travail ? Une passion inavouée ? Ou alors quelque chose en rapport avec votre passé commun ? L’édition collector d’un film qui vous a marqué tous les deux ? » Elle bouillonne d’idée la jeune femme. Il faut dire qu’en terme de cadeaux elle sait y faire. Elle aime couvrir de petites attentions ceux qui lui sont proches. N’a-t-elle pas offert une vache en signe de paix à Nathan ? L’idée la fait encore largement sourire. Quoi qu’il en soit, elle tombe rarement complètement à côté de la plaque lorsqu’il s’agit de faire plaisir à quelqu’un. Son expérience de plus de six cents ans de relations sociales peut-être ? Allez savoir. Quoi qu’il en soit c’est toujours un exercice qu’elle prend plaisir à réaliser si bien qu’elle est réellement enthousiaste à l’idée d’aider Rhoan à trouver le sien. « De mon côté je vais essayer de trouver des idées pour mes colocataires. C’est vraiment génial de partager une maison avec ses amis, mais en période de fête c’est toujours un sacré marathon pour trouver des cadeaux à tout le monde. » Elle rit doucement en songeant à ses trois amis, ses frères et sœur de clans, morceaux extérieurs de son cœur. Il y a des épreuves qui vous lient aux autres d’une façon si profonde qu’il n’existe pas de mot pour nommer la relation qui vous lie.

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Idunn & Rhoan

Le visage de la jeune femme affiche un léger sourire doux et réconfortant. Elle devine qu’ils sont loin de partager le même point de vue sur les sentiments amoureux et sur tout ce qui va avec. Mais comment pourrait-il en être autrement ? N’a-t-elle pas eu le temps d’égrener toutes les questions sur le sujet au cours de ces six derniers siècles ? Elle qui vient d’un passé trop lointain pour être encore connu des humains. Elle qui, de son vivant, ne s’est jamais mariée, n’a jamais eu d’enfant, fille guerrière, compagne d’un des derniers chefs de clan viking, amante d’autres hommes avant lui. Elle qui n’a connu l’éclat brûlant de l’amour que dans le regard de Nathan, âgée déjà de plus d’un siècle. Comment pourrait-elle reprocher à un humain promis à une vie si courte de ne pas trouver foi en ces sentiments si purs et dévastateurs dont ils parlent. C’est pourquoi l’idée de lui faire une quelconque morale est bien loin d’elle. Tout ce qu’elle voudrait c’est le voir heureux, apaisé, aux bras d’un autre, à partager ces pépites d’or que sont les moments de vie partagés. Elle essaye cependant de lui faire comprendre qu’il ne devrait pas se bloquer sur ce GG et essayer au contraire de prendre du recul, dépasser l’obsession, mais elle sait parfaitement que c’est bien plus facile à dire qu’à faire. N’est-elle pas elle-même prisonnière d’une passion qui dure depuis trop longtemps ? Elle soupire profondément après la réponse de Rhoan, oui, on verra bien ce que l’avenir leur réserve à tous les deux sur ce sujet. Mais à la différence de l’homme, la vampire a le temps et la patience des stratèges qui mettent en place leur piège petit à petit, tissant les trames de sa toile toute autour d’elle et des protagonistes qu’elle souhaite y emprisonner.

Les boissons finies et le café laissé derrière eux, Idunn laisse son regard glissé sur les enseignes et les devantures illuminées de la galerie commerciale. Toutes ces lumières attirent ses yeux comme des papillons de nuit si bien qu’elle oublie de refermer le manteau qui couvre ses épaules et de resserrer l’écharpe autour de son cou de porcelaine. Pourtant il fait froid dehors, décembre étend ses températures négatives à la tombée de la nuit et sa gorge largement dénudée devrait être dissimulée sous la chaleur des tissus. Mais Idunn n’a pas ressenti la morsure du froid sur son derme depuis trop longtemps. Elle a même oublié l’effet brûlant du sang gelé dans les membres frigorifiés lors de son hiver arctique. Et parfois, il lui arrive d’oublier que pour se fondre plus facilement dans la masse, elle se doit de faire comme les autres et prétendre. Ce n’est que lorsqu’elle contemple son reflet dans la vitrine d’un magasin de vêtement qu’elle réalise son erreur et d’un geste le plus naturel du monde elle réarrange ses longs cheveux dorés enroulant d’un même mouvement la laine douce de l’écharpe contre son cou. « Eh bien, la chaleur du thé n’est pas de taille à lutter contre les températures du moment » Lance-t-elle à Rhoan alors que ce dernier vient de terminer de lui parler des goûts et passions de son GG national. Tolkien et son seigneur des anneaux. Un large sourire vient glisser sur ses lèvres alors qu’elle se remémore l’histoire de ce conte d’héroïsme fantaisie. Cela l’amuse beaucoup Idunn de voir combien les humains peuvent être passionnés par des récits de grands magiciens noirs, de créatures fantastiques, et être parfaitement hostile à toute forme de vie autre qu’humaine dans leur monde réel. Hypocrisie de l’esprit humain. Aimons le différent quand il est contrôlé, fantasmé, inventé. Mais crions au loup quand on le rencontre dans notre petite vie quotidienne. Eux qui passent leur temps à se plaindre d’avoir une vie trop morne, ils rejettent tout ce qui sort de l’ordinaire avec une telle véhémence que cela n’a rien d’étonnant qu’il s’ennuie profondément pendant le court laps de temps qu’il passe sur terre. Des idées liées à cette passion de l’amie de Rhoan elle en a plein, mais trop nombreuses sont celles de mauvais goûts qui seraient mal vues par un humain lambda. Après tout Idunn n’est pas étrangère aux avis timorés de Rhoan concernant le monde obscure…C’est bien pour cela qu’elle n’a jamais trouvé utile de lui présenter sa réelle nature. A quoi bon ? Il faut dire que depuis les derniers siècles elle a appris à se fondre dans la masse, à paraître, à omettre certaines vérités. Elle a beaucoup appris des fées par ailleurs sur cette faculté. Peut-on lui reprocher d’avoir menti ? Non, car jamais il ne lui a posé frontalement la question. « Un fan d’informatique et de Tolkien ? Avec ce simple duo on pourrait supposer que ton GG est un vrai geek à lunettes. » Répond-elle non sans rire largement avec un petit air moqueur. « Mais plus sérieusement, tu pourrais lui trouver une édition collector de la trilogie, la première édition du livre par exemple. Ou alors lier ton idée de montre et cette passion pour l’univers du monsieur ? Quelque chose de discret, je ne parle pas d’une montre avec un Gandalf à la place de la grande aiguille, mais plutôt un petit détail sur le bracelet, une inscription en elfique ou en runes pour changer un peu ? Il me semble que les nains utilisent les runes dans l’univers du livre. » Pour la première fois elle se demande si Tolkien n’était pas un Nephilim au final et si les runes utilisées dans son œuvre ne seraient pas de vraies runes angéliques. L’idée la laisse songeuse quelques instants. Après tout elle sait que de nombreuses personnalités adulées des humains ne sont autres que des créatures obscures ou des Nephilims en mal de renommée. « Oh ils aiment beaucoup de choses, et des choses très différentes » Reprend Idunn au sujet de ses trois compères de maisonnée. « Nous avons un fan de jazz de la Nouvelle-Orléans, qui lui rappellent son enfance en Louisiane, un autre qui est plus amateur de mode et la dernière est plutôt versée dans l’histoire des peuples nordiques. Comme je ne suis pas sûre de pouvoir faire un saut en Amériques ou en Norvège d’ici la fin de l’année, je pensais me tourner vers quelque chose de plus simple mais j’avoue que je n’arrive pas à avoir d’idée cette année. » Entre ses gardes à l’hôpital, ses veilles à la Brigade Nocturne et les trop nombreuses années passées à leurs côtés, son imagination semble être tout bonnement asséchée.


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