Reste près de moi
Idunn & Rhoan

Elle ne l’a jamais rencontré cet homme, celui dont Rhoan lui parle tout le temps. Et souvent elle s’amuse à l’imaginer selon les descriptions que le jeune épris lui fait. Du moins, elle pense ne jamais l’avoir rencontré, mais au vu de la nature de celui-ci il se pourrait malgré tout que leurs routes ce soient croisés une fois ou deux au cours des dernières années. Car elle n’est pas sans savoir le sang angélique qui coule dans les veines de son GG, et si cela l’avait surprise la première fois, aujourd’hui elle n’y prête plus trop d’attention. Elle pourrait pourtant se pencher un peu plus sur le cas de ce Nephilim, son appartenance à la rébellion ne fait aucun doute mais elle évite toujours de porter la conversation vers ce sujet avec son ami. Parce qu’elle ne veut pas le voir devenir suspicieux envers elle. Elle serait bien triste Idunn de voir l’humain lui tourner le dos si elle venait à se montrer trop curieuse et intrusive à son sujet. Et si un jour elle venait à affronter le Nephilim en question, sachant ce qu’il représente pour Rhoan, serait-elle capable de faire les bons choix et de se montrer impartiale ? Rien n’est moins sûr. Alors elle préfère ne pas savoir Idunn. Ne pas prendre plus de renseignements que nécessaire. Ne pas connaître l’homme pour ne pas mettre tout le monde en danger. L’ignorance est parfois plus simple à gérer.
Son ami rit avec plaisir à sa remarque sur le caractère de geek qu’elle lui trouve avant de reprendre la conversation sur les idées de cadeaux qu’elle vient de lui suggérer. Si ces dernières sont bien accueillies, les remarques de Rhoan la laissent songeuse. Il est vrai qu’elle n’a pas songé à la dimension pécuniaire des choses, elle qui n’a jamais vraiment eu à s’occuper de l’argent au cours de sa longue existence. Entre trésors oubliés des temps anciens qui débordent de ses coffres et plus récemment son travail de médecin qui lui assure un revenu légal tout à fait confortable elle ne songe jamais à ces questions-là. Mais comment lui en vouloir ? Quand on vit en marge d’une société on apprend à développer d’autres économies pour survivre n’est-ce pas. Alors elle hoche doucement la tête, réfléchissant rapidement à ce qu’elle peut bien trouver comme solution. « C’est vrai que je n’ai même pas réfléchi au budget que tu avais, excuse moi Rhoan. Passons pour les livres alors, en revanche pour la montre on peut arriver à trouver un bon compromis. Tu achètes une jolie montre avec un bracelet en cuir normal et tu vas le faire graver par un petit artisan ? Il me semble que dans le quartier de Trastavere on trouve quelques travailleurs du cuir qui seront ravis de le faire pour toi. Et l’avantage des petits commerçants c’est qu’ils travaillent pour des prix très abordables. » Elle sourit doucement à son ami, elle aurait bien ajouté un : au pire je viendrai avec toi et on s’arrangera. Mais au-delà de paraître tout à fait suspecte, sa proposition risquerait d’être mal interprétée par Rhoan.

La vampire nordique lui parle alors à son tour de ses propres amis et de leurs aspirations respectives et des cadeaux auxquels elle pourrait songer pour eux. Son ami semble bien embêter de ne pouvoir l’aider dans sa recherche et Idunn enroule distraitement une de ses mèches de cheveux autour de son doigt. Geste laconique, automatisme qu’elle a toujours eu lorsqu’elle réfléchit. L’idée des savons et autres bulles de bain qu’il lui propose l’amuse délicatement, elle n’est pas sûre que c’est exactement le type de cadeau capable de ravir un vampire, bien qu’elle saisisse parfaitement le côté agréable que cela peut avoir pour un humain. Elle-même adorait se prélasser dans les bains chauds que son clan de vikings mettaient en place à même la glace hivernale. Mais les vampires, esprit vivant dans un corps mort, prennent moins de plaisirs dans ces moments privilégiés. Chaud et froid, ils ne font plus tellement la différence sur leur épiderme de marbre. « Malheureusement nous n’avons pas de baignoire dans notre grande maison. Aussi surprenant que cela puisse être, il y a beaucoup de pièce, mais les salles de bain sont finalement plutôt petites. » Dit-elle en riant, ce qui n’est pas du tout un mensonge. A croire que ceux qui ont construit la maison dans laquelle ils vivent tous les quatre n’étaient pas friand du confort d’une grande salle d’eau. « Mais ça me donne d’autres idées en revanche. Avec tout le travail qu’on a eu les uns et les autres ces dernières années, et les émotions plus ou moins stressantes, nous n’avons pas pris le temps de prendre du temps ensemble depuis longtemps. Tu penses qu’un voyage tous ensemble pourrait leur faire plaisir ? Je pourrais leur offrir un week-end ou même une petite semaine de vacances, tous ensemble ? » Elle réfléchit presque en même temps qu’elle parle, songeant avec nostalgie aux temps qui lui paraissent lointains, où ils prenaient la liberté de partir presque sur des coups de tête dans un pays voisin. Un temps révolu, avant la rébellion, avant la disparition du clan, avant la mort de tous les leurs.



© Artchie

Reste près de moi
Idunn & Rhoan

Elle est heureuse Idunn, de sentir que l’idée de son cadeau plaît sincèrement à l’homme. Elle est heureuse à cet instant précis, de parler de Noël et de choses aussi simples que les cadeaux qu’ils vont pouvoir offrir aux personnes auxquelles ils tiennent le plus. Si Rhoan savait comme cela lui fait du bien à la vampire de parler de choses aussi simples que cela, loin des longues conversations tendues qu’elle peut avoir à la Brigade Nocturne, ou encore des conversations à double sens tenues en présence du Consul. Sans parler des discussions normées et souvent complexes qu’elle peut tenir à l’hôpital. Ce sont pour toutes ces raisons qu’elle affiche un doux sourire apaisé la jeune femme, et qu’elle apprécie toujours autant la compagnie du jeune homme. Malgré leurs opinions divergentes. Malgré le fait qu’elle prenne mille précautions pour lui éviter de découvrir la réalité de sa nature de glace. Car elle a peur au fond, de la réaction qu’il pourrait avoir. Elle a peur de le voir lui tourner le dos, la laissant seule avec ses siècles poussiéreux et ses relations rendues trop compliquées par des années de fréquentations. Elle aime ce souffle fringuant d’une jeunesse mortelle. Son insouciance si rayonnante qui irradie de son être vibrant de vie. Elle aime sa compagnie, tout simplement. Et ce soir, plus que jamais, elle se laisse aller au plaisir simple de partager une marche nocturne dans la galerie commerciale de Rome aux cotés d’un humain. Sans songer à l’heure qui passe. Refusant même, de songer aux minutes qui s’écoulent, la rapprochant toujours un peu plus de l’instant où elle devra quitter cette compagnie bénéfique pour prendre le chemin de la Brigade et replonger son esprit fatigué dans les méandres de la vie politique des créatures obscures. « Je suis ravie que ça te plaise vraiment comme idée. Ce me fait un plaisir fou de te rendre service. Regarde, il y a un bijoutier juste-là si tu veux, on peut entrer regarder ce qu’ils ont comme model à te proposer ? » Elle rayonne Idunn, avec ses cheveux dorés et son regard pétillant. D’un geste de la main elle montre l’enseigne néon d’un artisan de la galerie commerciale. Elle n’est pas experte en montre, mais d’après ses connaissances de la société actuelle, une marque en vaut bien une autre, à peu de choses près. La différence se situant moins dans leurs qualités que dans les designs des objets. « Je passe régulièrement devant un artisan qui travaille le cuir, entre autre chose, quand je rentre chez moi à pied. Je ne sais absolument pas ce qu’il vaut, mais ce sera déjà une première piste pour toi. » C’est mieux que rien du tout, et au pire elle pourra toujours se renseigner auprès de sa douce suédoise qui connait mieux le milieu des antiquaires et des échoppes qui sentent bon le cuir neuf et le travail manuel.

Elle hoche la tête en signe d’acquiescement lorsqu’il évoque le côté dommageable du manque de baignoire dans sa maison. Peut-être qu’après tout elle pourrait essayer de faire quelques travaux Idunn. Il est vrai qu’elle n’avait jamais réellement songé à la question avant ce soir, mais si on y prête une attention plus concrète, on réalise que la chose est possible. Ils pourraient très bien casser une cloison au premier étage, ronger un peu sur la salle qui sert de bibliothèque commune pour agrandir un peu la salle de bain qui s’y trouve et faire la place pour une baignoire. L’idée paraît même soudainement séduisante à la viking qui s’étonne de n’être pas plus nostalgique que cela des bains chauds qu’elle avait l’habitude de prendre dans l’ancien temps. Ou plus récemment encore, en France, lorsque leur clan était à son apogée, dans la large baignoire qu’ils avaient dans la maison bretonne de l’époque. « Tu sais quoi, le pire je crois qu’avant que tu ne fasses la remarque de baignoire, je ne réalisais pas à quel point on passait à côté de quelque chose d’essentiel. » Elle rit doucement Idunn tout en songeant qu’elle proposerait sérieusement l’idée aux autres vampires aussitôt rentrée demain matin. Lentement elle se laisse convaincre par l’idée de voyage qu’elle pourrait organiser pour eux quatre, et les premières images de ce que cela pourrait donner s’imposent à son esprit. Plus elle y songe, plus l’idée la séduit et elle s’imagine de plus en plus à leurs côtés, profitant d’une nuit glacée arctique sous les lueurs d’une aurore boréale. « Pour des raisons d’attachement personnelle je les amènerais bien en Norvège, retourner sur les traces de mes ancêtres, profiter des paysages glacés de la nuit polaire. Mais en même temps je ne veux pas faire ce voyage pour moi, mais pour eux. Je ne suis pas décidée encore. Quant à l’argent… » Elle hoche une nouvelle fois la tête, légèrement gênée par la réponse qu’elle ne peut lui cacher. « Il est vrai que je n’ai pas de quoi rougir de mon compte en banque. L’avantage de travailler jour et nuit à l’hôpital. Certes je n’ai pas beaucoup de temps pour moi, la preuve en est que je n’ai pas pris de réelles vacances depuis plusieurs années, mais au moins j’ai pu économiser suffisamment pour me permettre de prendre des billets pour tout le monde. Un mal pour un bien. » Termine-t-elle en riant légèrement.  

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Idunn & Rhoan

Les aiguilles tiquent toutes ensemble dans une douce symphonie dont les sens aiguisés d’Idunn perçoivent pratiquement chaque entité. Un tictac incessant qui marque le temps, égrène les secondes, rendant matériel ce qui ne l’est pas. Elle a toujours été passionnée par les rouages de ces machines capable de découper la vie en petites tranches de secondes. Elle se souvient un temps si lointain où les montres et autres aiguilles n’existaient pas. Où les journées n’étaient pas dictées par le martellement angoissant de ces petits diables accrochés aux poignets. Un temps libre, sans doute moins bien découpé, plus désordonné aussi, mais libre. Les journées s’écoulaient au rythme de chacun, suivant la seule course du soleil dans la voûte céleste. Un sourire nostalgique vient flirter avec les lèvres de la viking qui détache son attention des cadrans pour reporter son regard sur Rhoan. « Je t’emmènerai avec plaisir faire un tour chez cet artisan. C’est un chouette quartier Trastevere, j’aime beaucoup me balader le long de ses petits magasins. » Sa voix se fait presque vaporeuse alors qu’elle se parle à elle-même, tout en continuant de glisser lentement d’une vitrine à une autre. Soudain son regard est attiré par l’éclat singulier d’un cadran, une jolie montre aux finitions délicates, un ouvrage sensible et un son clair. Elle tend un doigt blanc nacré sur la vitrine tout en appelant doucement son ami. « Regarde celle-là, elle est vraiment chouette. Un peu simple peut-être mais personnellement je préfère quelque chose de ce style plutôt que les grosses montres surchargées de matière comme celles de la vitrine d’à côté. » Annonce-t-elle en hochant vaguement la tête vers celle qu’elle vient de passer sans réellement y poser son regard.

Le sujet de conversation glisse sur la baignoire qu’ils devraient faire construire dans la petite maison qu’elle partage avec ses amis vampires et elle rit doucement à la remarque de Rhoan. C’est aussi simple que cela, il a parfaitement raison. Faire construire ce qui manque. « Je devrais peut-être en effet. Ca ajouterai du cachet à la maison, et je suis sûre qu’on se rendrait tous compte à quel point un tel luxe nous avait manqué. Merci pour cette révélation soudaine. Je ne sais pas ce que je ferai sans toi ! » Ajoute-t-elle elle posa une main sur l’épaule de son ami pour souligner ses paroles. Puis, toujours aussi distraitement qu’auparavant elle reprend sa contemplation des montres, remarquant au passage que l’heure de la séparation approche inévitablement. Car elle doit se rendre à la Brigade Nocturne ce soir. Son travaille à l’hôpital est certes terminé, mais son rôle nocturne n’a pas encore commencé et elle soupire déjà en songeant à la tonne de dossiers qui l’attend sur son bureau. Une délicate affaire de vampires sans clans débarqués récemment aux abords de la ville constitue sa principale source de problème cette semaine, et tout ce qu’elle espère c’est que les membres de l’élite ont réussi à capturer au moins l’un d’entre eux afin qu’ils puissent avancer un peu plus sur le sujet. Et que le Consul cesse de lui envoyer des notes de plus en plus tendues. « Tous ces pays sont très prometteurs tu as tout à fait raison. Je vais essayer de faire un petit comparatif pour décider lequel sera le grand gagnant pour ce voyage. Merci beaucoup pour tes conseils. » Reprend Idunn en lui attribuant un clin d’œil complice. Elle ne lui avouera jamais, mais elle a toujours eu du mal à considérer d’un bon œil certains des autres pays nordiques voisins de la Norvège. Elle s’est trop battue enfant contre eux, elle a perdu trop de membres de sa famille et de son clan pour ne pas les considérer malgré les nombreux siècles passés, avec un certain ressentiment. Elle sait bien Idunn, que cela est complètement stupide de sa part, mais les sentiments des vikings ont la dent dure, et elle devra sans doute se faire violence pour mettre un pied dans ces contrées cousines de la sienne. Les doigts à nouveau tendus vers une nouvelle vitrine, Idunn s’apprête à appeler Rhoan une nouvelle fois lorsque la sonnerie de son téléphone retentie, mélodie douce dans le calme étouffé de la boutique. D’un geste d’une rapidité non réfléchie, elle tire l’objet de sa poche de manteau et constate que c’est la Brigade qui cherche à la joindre. Elle grimace légèrement lançant un « Excuse-moi » à Rhoan avant de décrocher et de se diriger vers la sortie afin de ne pas déranger les autres clients du magasin, mais également de pouvoir échanger loin des oreilles indiscrètes.
La conversation est courte. Les nouvelles pressées. Elle doit avancer son heure d’embauche pour la soirée. Une pointe triste traverse son âme alors qu’elle soupire en raccrochant. Il faut toujours que les meilleurs moments d’une vie banale soient brisés par l’appel des instances plus grandes. Son devoir politique l’appel et elle n’est pas de ceux qui se délitent face à lui. Le corps svelte de la blonde rejoint celui de son ami et avec une expression visiblement déçue elle entreprend de prendre congés de lui. « Je suis vraiment navrée Rhoan, c’était le travail, il y a une urgence et je dois y aller. » Elle ne veut pas lui mentir, elle choisi posément ses mots. Travail plutôt qu’hôpital. « On se tient rapidement au courant pour l’artisan de cuir. Je suis désolée de devoir te planter là, je pensais avoir ma soirée…Mais les urgences sont les urgences. » Elle soupire une nouvelle fois Idunn, regrettant sincèrement de devoir abandonner sur place son jeune ami.


© Artchie