« Des moutons? » Elle la regarde comme si elle parlait une autre langue. Ce serait de l'espagnol, sans doute. Parce que la petite Skye parle déjà trois langues alors qu'elle n'a que sept ans. On dit que plus on est jeune, plus on apprend et on absorbe comme une éponge. Dans le cas de l'enfant, on ne pouvait pas dire mieux. Elle retenait tout ce qu'on lui apprenait, faisant travailler sa mémoire phénoménale au possible. L'histoire de la famille, c'était quelque chose qu'elle n'arrivait pas à comprendre malgré tout. Elle savait qu'il y avait démons, vampires, loups et fées, mais quand on lui disait qu'avant, les siens s'étaient mêlés à des mundanes elle ne saisit pas. Comment peut-on vivre autrement que de vouloir protéger les humains? Qu'elle feuillette déjà des livres de runes, ou qu'elle parle l'anglais, l'italien et le français comme une adulte? Elle ne voudrait pas vivre autrement, parce qu'elle aime qui elle est. Qui ils sont tous. Sa famille, les Verlac qu'elle considère comme des cousins et cousines. Elle ne s'ennuie pas de Paris, ni de l'institut dans lequel elle a passé les six premières années de sa vie. Ce qui compte, ce sont les gens qui l'entourent. Ses parents lui ont toujours appris la loyauté. Elle se demande encore comment ses ancêtres ont fait pour rester cachés dans le monde des humains, parce qu'à son jeune âge elle sait que le monde est incertain. Le coup d'État des Créatures obscures a touché le monde des Chasseurs d'ombre et elle ne pouvait qu'en être désolée. Elle a forcé les Lovelace et d'autres Nephilims à quitté leur demeure. Voilà comment ils arrivèrent à Rome en compagnie des Verlac. C'est là qu'ils durent se joindre à la rébellion pour ne pas sombrer totalement dans l'oubli, en se mêlant à d'autres chasseurs d'ombre. C'est là qu'elle fit la connaissance des Grimaldi, moment où tout son monde chavira.


« Dégage, puceron. » C'est la première phrase qu'il lui dit depuis ce qui lui semble des semaines. Il l'appelle ainsi, alors qu'il n'a que quelques mois de plus qu'elle. C'est absurde cette façon qu'il l'observe, qu'il la détaille comme si elle était de moindre importance. Skye n'aime pas ça, pas du tout. Elle a huit ans, cela fait presque un an qu'elle est arrivée à Rome et il agit encore comme si elle n'était qu'une faible étrangère. Elle devrait apprendre à être patiente à son égard, ou tout simplement, elle allait devoir se faire à l'idée qu'il ne serait pas son ami. Tout le contraire de Jeremiah, elle se demandait encore souvent comment ils avaient fait pour sortir en même temps du corps de leur mère. Les insultes pleuvent, sans arrêt, et cela ne s'arrêtera pas même après dix-neuf ans de vie commune. Elle en veut à sa famille, d'être aussi gnangnan, au niveau des sentiments. Elle rêverait de ne pas être comme eux, en tout cas elle ne l'a jamais fait paraître. Car aux yeux de tous, elle n'a pas réellement de coeur la belle. Elle est sorite avec quelques Nephilims dans son adolescence, mais ça n'avait jamais été des histoires sérieuses. Et encore, c'était parce que le reste de son existence ne connaissait pas tous ces secrets. En cela, il y en avait trois. Cette façon qu'elle avait de s'intéresser ne serait-ce vaguement à deux créatures obscures, comme si ça lui donnait tout le droit. Pour oublier ce petit con. Celui qui n'avait aucun intérêt pour elle. Alors oui, si on connaissait tous ses secrets, alors on saurait que l'amour vivait dans son sang, comme dans le reste de sa famille. Elle devait se taire, la chasseuse d'ombre. Plutôt mourir que de dévoiler ses sentiments, car elle sait qu'ils ne seront jamais réciproques. Voilà pourquoi elle tente d'oublier avec d'autres hommes.


Ses dagues qui claquent dans un bruit sourd contre les billots d'entrainement, la sueur qui coule sur son front. Skye n'a d'yeux que pour les missions qu'on lui donne. À elle et aux autres jeunes qui ont le même envie qu'elle de faire renverser ce gouvernement. Alice est comme elle, à vouloir combattre les créatures pour protéger ces mundanes qui vous pointaient pourtant du doigt. Il n'y avait aucun meilleur moment des soirées où vous sortiez, les jumeaux et Skye avec sa "cousine" et où vous étiez parfaitement synchronisés. Son corps est maintenant marqué de plusieurs runes, parcelle d'elle-même qu'elle adulait. Elle se rappelle encore de ce putain de mal de tête après la première rune qu'on avait apposée sur son corps. Combien elle serait fortement la main de Jeremiah quand la cérémonie s'est produite. Elle n'aimait pas qu'on la voie ainsi, empreints d'une certaine faiblesse. Skye était de celles qui vivaient pour sa fierté, pour le combat et pour son intelligence. Celle-là même qui l'amenait souvent à manipuler ceux qui se trouvaient sur son passage, comme il était coutume dans la famille. Elle se joignait toujours aux combats, la brunette, car elle ne voulait pas répéter la même histoire. C'était déjà assez de se terrer dans les sous-sols du QG, voilà sans doute pourquoi elle aimait tant sortir au grand jour. La liberté, c'était ce qu'elle voulait retrouver et pour cela elle savait que le monde actuel devrait changer.


Cette satané torture qui la faisait hurler, sans cesse. Celle de son parabataï qui se répercutait contre le mur de la cellule voisine, faisant écho aux cris de Jeremiah un peu plus loin. Il lui arriva, à un bref instant de penser qu'ils ne s'en sortiraient pas vivant. Quand elle croisa le regard de son amie dans le couloir, quand elle vu le sang couler de sa bouche. Elle pouvait ressentir que la vie de son parabataï était sur le point de s'achever, plus d'une fois et cela était bien pire que lorsqu'on s'attaquait à elle. Ce lien, il n'y avait rien de plus précieux. Elle le voyait souvent entre les jumeaux, et même si le sang ne les unissait pas vraiment, elle avait l'impression d'être la soeur d'Alice. Elle ne pouvait même pas imaginer la vie sans elle, elle qui était devenue comme l’extension de son coeur. Ce dernier qui était déjà assez pétri par l'autre con, fallait l'avouer. Quand l'épidémie s'est déclarée à Rome, même les chasseurs d'ombre en étaient dépassés. Elle ne comprenait pas pourquoi ils étaient les seuls immunisés. Et pourtant, jamais il ne lui était passé par la tête que ce put être des siens qui avaient créé la Malattia della Morte.  Peut-être était-elle naïve, mais encore aujourd'hui rien n'était prouvé à ce sujet. Ce n'était pas ce que la Brigade nocturne leur avait dévoilé. Ce n'était pas ce qui paraissait, quand ils s'attardaient autant sur les chasseurs d'ombre. Tous ces tests comme pour chercher une solution à cette maladie qui pourtant, n'existait pas. Quand une équipe constituée de Tibérius, de Grimaldi et d'autres chasseurs d'ombre viennet les sortir de là, elle se jura d'apprendre la vérité au sujet de la maladie.