(FAMILLE.) Née Grimaldi, tu étais cette aînée tant espérée qui déçoit ; tu es une fille, les filles sont moins voulues, surtout pas à la tête d'une famille. Ta mère n'est pas connue pour garder les cuisses fermées, alors peut-être n'es-tu même pas totalement une Grimaldi, mais ce n'est pas grave, le foyer italien célèbre ta royale arrivée, ils sont tout de même heureux, tu restes une descendance potable, ils se chargeront de ton éducation bien assez tôt.
Tu n'es pas non plus l'enfant espérée, bien trop calme, tu observes sans un bruit, arrives presque à surprendre tes parents, parfois, qui ne te voient pas arriver dans la pièce. Ils voulaient un fils fort et imposant ; ils ont eu une fille taciturne et menue. Mais ce n'est pas grave, tu es une Grimaldi, ton entraînement débute si tôt que tu n'as pas le temps de rester chétive. Ta mère prend en charge tes exercices, après tout tu es la descendante, la dernière de ta branche.

(ENTRAINEMENT.) L'ADN t'a beaucoup aidé ; tu étais profondément douée, bénie par Raziel, même pour une Grimaldi. Corrina, ta grand-mère, avait eut un arc toute sa vie, alors on te donna un carquois et quelques flèches, pour t’entraîner, te perfectionner. Ce fut ta première et dernière arme, celle que tu as choisie pour veille sur toi et ta famille.
A l'institut, tu n'es pas la plus entourée. Ton nom ne t'aide pas mais honnêtement, c'est surtout toi qui observes les gens avec un dédain qui ne leur plaît pas du tout : tu te sais forte, tu les connais faibles. Tu te prend peut-être un peu trop pour la cheffe mais ton patronyme t'a toujours appris que c'était le cas, que tu étais la reine. Orgueilleuse adolescente, impudente jeunesse, tu te prends pour un ange que tu n'es pas.
Mais elle finit par t'approcher. Tu apprends que tu n'es finalement pas un ange uniquement parce qu'elle est en un ; si belle, l'innocence et la lumière incarnées, blonde comme le blé et forte comme la morte. C'est elle qui t'apprend les quelques qualités que tu possèdes encore, c'est elle qui t'apprend à vivre.
L'Ambrée devient aussi ta parabataï et tu en es terriblement fière. Secrètement, quand personne ne regarde ou n'entend, tu l'appelles Dolce metà, douce moitié, parce que ce n'est que la vérité.

(MARI.) Il est beau, sa famille est forte. Les normes sont différentes, mais pas chez les Grimaldi ; on renifle son sang avant de te le présenter. Tes parents font ça tôt, c'est toujours plus facile avec quelques semaines d'adaptation, et on ne te dit rien, mais tu as senti le mariage à des kilomètres. Tu n'es pas réellement contre, après tout il est charmant, c'est un bon shadowhunter, et tes parents ne sont pas patients.
C'est un mariage grandiose, et tu es tout de même heureuse de toutes ses fanfaronnades rien que pour toi.

(ENFANTS.) Oh, tu n'es pas dupes, tu sais que le mariage n'a qu'un but, la descendance. Mais tu t'en fiches, qu'importe, les enfants sont une chose merveilleuse. Tu n'as jamais été réellement voulu, et tu le sais, alors tu te promets de vouloir ton fils ou ta fille. La vie de shadowhunters n'est pas simple, mais ton enfant sera un Grimaldi, fort et plein de ressources pour survivre.
Ton ventre est rond une première fois, petite femme comblée, petite poule pondeuse, tu arrêtes tes activités de combattantes très tôt, apeurée qu'il t'arrive quelque chose, qu'il arrive quelque chose à la minuscule cellule dans ton ventre.
Mais tu déchantes vite ; aussitôt le premier Grimaldi extrait de ton ventre distendue, ton mari te tourne le dos. Oh, tu n'es pas dupes, tu le savais, le but est atteint. L'enfant survit, et c'est le principal.
La vie continue, et la vie s'arrête encore quatre fois, mais plus tard. A vrai dire, tu as même cinq enfants, les jumeaux ont été une surprise, plus ou moins agréable. Tu n'aurais peut-être pas dû en faire autant, tu t'en rendras compte bien des années plus tard, famille disloquée par les hostilités.
Tu les élèves comme ta mère t'as élevé : un peu trop froidement. Mais le monde est dur, il n'y a pas le temps pour de quelconques sentiments. Tu n'es pas odieuse non plus, parfois tu te permets un geste d'affection, une main dans leurs cheveux foncés, un hochement de tête fier, un entraînement un poil moins rigoureux.

(GUERRES.) Maman lion, tu regrettes tes enfants. Tu regrettes qu'ils doivent subir tout cela, la guerre, le sang, les pertes. Les chasseurs n'ont jamais été des anges avec les créatures, c'est vrai, au final peut-être que les démons vous on juste imité, ignobles humanoïdes aux mains sanglantes. Tes mômes sont minuscules, même les plus grands, rien n'aurait pu les préparer à cette violence, cette haine. Tu regrettes tes enfants, regrettes de ne pas avoir pu sauver ton fils avant un long mois, regrettes de ne pas leur avoir donné les quelques gouttes d'espoir qu'il te reste, de ne pas avoir fait pleuvoir l'affection que tu leur portes.
Toi qui a vécu dans l'opulence stricte d'une famille aisée, depuis toujours dans cet institut, la guerre est dure. Fuir est honteux, mais tu préfères survivre, tu préfères voir ta famille survivre. Ton mari, ignoble créature, survis aussi, malheureusement pour cette famille que tu tentes de chérir. Soldat de plomb, tu avances dans cette guerre, batailles pour ne pas ralentir, ne pas être lestée et abandonnée. C'est quelque chose qui te fais vraiment peur, quelque part, voir la tua famiglia fuir en te laissant derrière.
La saleté ne te fais pas grimacer, après tout tu sais ce que c'est vivre dans la transpiration, avec le sang de démon qui te recouvre ; mais à ton âge, le refuge te fait un peu plus de mal que de bien. Au début surtout, mal aménagé, la peur crispant tes muscles, l'adrénaline tapant violemment dans tes veines. Le deuil forcé, à la fois de tes amis et de ton lit, ne t'a pas aidé, mais bon sang, tu es une shadowhunter, pire ! tu es une Grimaldi. Les morts ne te feront pas reculé, tes yeux ne regarderont pas derrière.