CHAPTER I
Tu es un Grimaldi...

Derniers rayonnements  doucereux venant à la rencontre des précieux vitraux, créateurs de prismes enchanteurs aux milles et un éclat chatoyant sur les murs, tu observes les jeux de lumières, semblant durant un instant t’égarer dans tes pensées. Pourtant ce ne sont que des apparences car dès lors qu’elle rentre, la corde de ton arc se tend pour venir chatouiller ta joue, flèche encochée et ne demandant qu’à être relâchée. Tu n’es pas un gamin lambda. Tu ne l’as jamais été et ne le sera jamais. Tu n’en as pas l’innocence, ni la candeur. Ton éducation est stricte, ne laissant pas la place à la médiocrité. Ainsi, tu as beau être haut comme trois pommes, avec tes airs juvéniles et ton visage délicieusement innocent, tu n’en restes pas moins un Grimaldi. Ta sixième bougie à peine soufflée, tu as déjà la prestance des plus grands chasseurs d’ombres. A peine savais-tu marché qu’une arme t’était déposée entre les mains. « Ton coude déjà faiblit… » Les doigts tapotent l’endroit indiqué, tu résistes et reprends aussitôt la position adéquate. Les minutes s’égrènent et tu ne daignes bouger malgré la douleur qui envahit ton bras. Tu ne veux pas lui montrer que t’as mal mais à force un grimacement se forme sur tes traits. Elle te teste. Elle veut voir si tu camperas sur tes positions malgré tout. Elle veut aussi te faire comprendre qu’à force le bras s’engourdit et que cela ne doit en aucun cas t’empêcher de continuer. Puis elle lance ce fruit qu’elle tenait entre les mains et que tu t’empresses t’embrocher avant qu’il ne retombe sur le sol. «Tu manques de rapidité et  de fluidité. » Jamais ça ne serait assez bien. Mais tu ne dis rien.Ta main se lève pour rejoindre le carquois et saisir une nouvelle flèche. L’entrainement ne fait que commencer.

CHAPTER II
La Rébellion...

Tu te souviens encore parfaitement ce jour là où les Créatures Obscures ont pénétrées l’Institut, ont envahi les lieux avant de vous en chasser.  Tu as grandi dans le chaos. Tu as vu cette Rébellion s’amorcer, ta famille en est même l’un des piliers. L’éducation qu’elle t’a procuré en porte d’ailleurs la marque. Tu as été formaté pour les détester et les combattre. Ils vous ont forcés à vous retrancher, ils ne cessent encore aujourd’hui de vous traquer comme du bétail. Le sang des chasseurs d’ombre a coulé à flot et aujourd’hui encore il tombe. Tu ne pouvais qu’être dans la Rébellion.  

Ainsi tu ne parviens à aucune douceur, ni même l’esquisse d’une quelconque compassion pour cet être qui te fais face. Il est ton ennemi. Tu observes ce sang qui s’accumule dans sa gorge, déborde sur ses lèvres. Il a essayé de se transformer. Tu as entendu certains de ses os se briser pour rejoindre la forme animale mais tu ne lui en as pas laissé le temps. Même à cet instant, tu sais que ses cellules de monstre tentent de trouver une échappatoire, de venir combler les brèches. Il est bien trop amoché. Tu t’en es assuré. De ton pied pourtant, tu viens appuyer sur la flèche, logée près de son cœur. Tu la déplaces d’un mouvement, tu la laisses venir pénétrer le palpitant. « NON ! » Son cri t’interpelle et dès lors tu te retournes. Elle n’a d’yeux que pour le corps inanimé que tu viens d’abattre. Quand elle daigne te regarder, la fureur a pris place dans son corps. « Une connaissance visiblement… » Une nouvelle flèche tourne entre tes doigts et déjà tu te tiens prêt. « Ne t’inquiètes pas tu vas vite le rejoindre. »

CHAPTER III
Rien n'a d'importance à part toi ...

Déchainement que tous guette et que tu ne laisses s’exprimer qu’une fois dans tes quartiers. Tu frappes la roche, encore et encore, la laissant grignoter tes chairs à chaque choc un peu plus. Fou furieux qui appelle la souffrance physique pour compenser celle bien plus vicieuse et interne qui s’épand en toi. Ce lien qui vous unit vibre à chacune de ses tortures, alors que toi tu es là, parce qu’il t’a supplié de sauver ta peau et que tu l’as écouté. Tu mérites les souffrances. Pas lui. Ta peau a beau se déchirer quand tu la malmène, ce n’est pas suffisant. Ton âme hurle. « Tib ! Merde mais arrêtes ça ! Tib ! » Tu sens ses mains oui qui essayent d’arrêter ton automutilation. La tienne rencontre subitement son cou, mouvement brusque auquel elle ne s’attendait pas. Ton pouce appuie sur sa trachée, ta respiration forte se mêlant à la sienne suffocante. Puis tu cognes son crâne contre le mur. Elle tape sur ton avant-bras mais elle n’a pas ta force, incapable de te faire plier. Le sang siffle à tes oreilles, ton cœur à l’abandon y résonne et finalement tu la lâches avant qu’elle ne s’effondre sur le sol. « Dégage. » Ta voix n’est que murmure. Tu veux rester seul enlisé dans les horreurs que tu vis à travers lui, à travers cet être qui est tout pour toi. «  Tib’ on va le retrouver… » Ta salive semble avoir déserté ta bouche. Elle ne sait rien. Elle n’a conscience de rien… « DEGAGE !! » Tonnerre qui s’élève de tes poumons menaçant.   Elle est triste mais tu t’en moques. Rien n’a d’importance à part lui. Rien n’aura jamais d’importance à part lui.

CHAPTER IV
Et j'écorcherai tous ceux se dressant entre toi et moi...

D’un geste sur ton visage, tu évites à cette substance poissarde de venir obscurcir ton champ de vision, l’étalant en revanche le long de l’arête de ta mâchoire.  La flèche entre tes mains ne cesse de gouter sur ce carrelage qui autrefois fut immaculé. Mâchoires serrées, muscles bandés, si l’incarnation de la fureur  devait avoir une image, ce serait la tienne en cet instant. Tu as conscience de t’enfoncer dans de profondes noirceurs mais la détresse de ton jumeau réveille naturellement tes instincts, te vivifie pour te rendre que plus redoutable. Apollon de rage dans toute sa splendeur, tu ne prends même plus la peine d’utiliser cet arc avec qui tu n’as toujours fait qu’un.  Tes besoins sont viscéraux, tu appelles le contact. Tu veux sentir la chair s’ouvrir sous ta frénésie, les os se briser sous tes doigts. Ceux qui t’accompagnent dans cette mission en ont conscience, aucun ne se risquant à te ralentir. La progression  à travers ce labyrinthe te parait bien lente tandis que tu le sais là tout proche.

Lorsque enfin tu l’aperçois, l’effroi te saisit tout entier. Tu as ce reflexe stupide de regarder son torse, de guetter le soulèvement de sa cage thoracique et tu es soulagé de la voir qui va-et-vient à douce allure. S’il était mort tu l’aurais su… parce que vous ne formiez qu’un. Même alors que vous n’aviez pas encore prononcé votre serment de parabataï tu étais déjà en capacité de le sentir, de percevoir ses colères, sa tristesse, ses blessures… Un lien unique partagé même dans le ventre maternel. Il est une partie de toi, la meilleure il va s’en dire. Il est cette deuxième face d’une même pièce, ce double que tu ne te lasserais jamais de regarder.

Ton bras se glisse sous ses épaules. Tu as presque peur de le réveiller et en même temps tu es inquiet qu’il ne se réveille pas. Quand enfin ses billes s’ouvrent, tu ne retiens pas ce sourire de soulagement sur tes lèvres. « Que dirais-tu de se casser d’ici petit frère… » Tu l’aides à se redresser avant de glisser son bras autour de ton cou pour venir le soutenir au maximum. Il est faible, il est mal en point mais qu’importe. Tu as toute la force nécessaire pour deux. Resserrant ton arme de ta main disponible, la férocité dans ton regard n’est jamais bien loin alors que le sourire lui n’est déjà plus qu’un souvenir. « Je vais te sortir d’ici, je te le promets… »