Cesare, quand il a su, il s’est imaginé la scène d’une drôle de façon, des griffes se promenant sur les murs raclant la pierre pour y laisser quelques sillons, des ombres s’amusant à venir pour mieux disparaître, un froid étrange qui prend jusqu’au os dans une nuit que l’on croyait estivale, des figures se riant de ses pauvres mortels dont l’on voudrait se jouer, à qui on voudrait gentiment arracher le bébé. Il l’imaginait très bien ce dernier également, criant dans les bras inconnus qui le soulèvent puis l’enlèvent, laissant derrière eux quelqu’un d’autre qui lui ressemble fortement. Peut-être qu’il a trop écouté les contes que pouvait lui raconter sa mère adoptive, ceux qu’elle glissait à son oreille alors même qu’il devrait être au lit. Parce que remplacer les deux bambins avait été quelque chose de bien plus tranquille, pas un pleur, ni de pénombre, ça n’avait été l’affaire que de secondes les deux enfants ayant été échangés alors même que le patriarche serrait son véritable fils contre lui, tout ça rendue possible par cette sordide magie. Cette énergie qui s’agitait sans cesse sans qu’il ne puisse la comprendre. Cesare dans son enfance, il y avait toujours cette étrange impression qui le poursuivait, un grondement terrible qui lui disait quand l’orage éclaterait, quand la rivière viendrait à déborder pour tout venir inonder, Cesare, il a toujours eu l’habitude de sentir les fracas quand il ne partait pas à leur recherche. Faut dire que petit, il était trop tendre le garçon, un peu malade, un peu trop maigre et surtout incapable de tenir sa langue pour couver les secrets que personne ne devait connaître. Bouc-émissaire des enfants de son âge, on pensait pouvoir s’en moquer sans s’inquiéter, on croyait pouvoir lui crier qu’il servirait jamais à rien, qu’il ne serait jamais vraiment bon à marier et qu’il pourrait encore moins rejoindre les rangs de l’armée. On croyait pouvoir poser sur ses joues quelques baisers avec des poings sans risquer grand chose si ce n’est de le casser. Sauf que les années ont passé et on a fini par remarquer qu’on s’était peut-être trompé, qu'on a beau lui en avoir fait baver, le jeune garçon attirait quelques regards puis que que sa dextérité lui vaudrait sûrement d’être gradé bien assez vite. Il y a quelque chose qui a dû rouiller dans l’intervalle parce qu’il a jamais vraiment réussi à rester doux, maintenant, dans ses veines brûlait quelque chose,  agitant ses poings, l'amenant à se mettre dans les problèmes, se vengeant de quelques-uns, s’en prenant à quelques autres souvent dans le besoin, des enfants ou des plus grands, Cesare aimait abuser de leur confiance, s’amusant d’un langage qu’il savait maintenant maîtriser, tenant des promesses qui finissait toujours un jour ou l’autre par mal finir. C'était devenu un besoin ou loisir, lui-même n’a jamais réussi à se décider, même si le plaisir qu’il ressentait dans ses entrailles pourrait bien le trahir. C’est quand il a commencé à faire bouillir et flétrir la nature,  hurler et chanter des bêtes que les fées sont arrivées pour lui apprendre son identité qu’il n’était pas un sorcier ni un maudit, juste un fae.

Enfant de la terre, de la surface, il n’a jamais vraiment été apte à se cacher, à rester dans son côté, dans ce royaume trop bien protégé, presque inconnu, bien trop exclu, Cesare, il aime la nature humaine, cette flore faite de chair et de sang, délicieusement mortelle, ceux dont l’on décore facilement les souvenirs, attise sans problème les désirs. Mal qui n’avait fait que se répandre dans la cours des ténèbres. âme cruelle qui se délecte maintenant des larmes et des supplications. Démon féerique qui se sustente des malheureux et bien heureux. Tout le monde sait qu’il n'abandonne pas une proie avant de l’avoir décidé, qu’il traque sans relâche, ceux dont il veut s’amuser, jusqu’à ce qu’il est pris sur eux sa dernière becquetée. Spectre qui a rodé sur le globe, laissant parfois dans son sillage quelques légendes, il a déjà posé ses pieds sur chaque continent pour goûter un peu de tout un peu partout, se méfiant seulement des “autorités” qui même à cette époque protégeaient les humains, saints nephilims qui ont tenté de lui mener la vie dure, n'appréciant sûrement pas sa façon de s’occuper de ce qu’il a fini par, au fil des années et des siècles,  prendre pour des jouets. Obstacle qu’il a toujours voulu supprimer, s'entendant sans peine avec ceux qui pouvaient avoir des discours extrémistes sur les chasseurs auréolés. Il ne fallait pas être étonné de le voir passer à l'action avec l'attentat mené par la rébellion.


bêtes, crocs, griffes,
le sang se répand,
des roses s’étendent,
ça coules sur les mains
puis les vêtements.

une bouche s'entrouvre
ça souffle un membre,
un bras à ou bien une jambe,
ce Fairchild grince sur sa langue,
il y a une main qui lui sort du ventre.

attaque éclaire qu’on mène sous les lumières,
ça étale les corps sur les graviers,
laissant entendre à qui voudrait bien écouter,
que la guerre ne faisait que commencer,
l’âge d’or des néphilim allait cesser.





( three weeks ago ) Le soleil dessine des esquisses orangés de la ville, bientôt, la nuit tombera sur l’horizon et peut-être Cesare, entendra tout comme l’astre continuer sa course. Non pas encore, ça fuse en haut, l’envie n’est pas présente, il est trop tôt. Ça se contente de fouiller ses poches pour en sortir une cigarette qu’il entrepose sur ses lèvres, l’air vibre légèrement et elle se consume par elle-même sans qu’il n’ait besoin de sortir le moindre briquet, il reste ainsi quelques instants, adossé contre un mur, regardant à travers la baie vitrée pour réfléchir à ce qui s’était produit il y a trois jours. Ses poings se contractent à cette simple pensée, ça voudrait les balancer sur les murs, mais le fae sait assez se maîtriser pour donner l’impression que les événements ne peuvent le toucher, pour donner l’impression que la disparition de tous ces nephilims ne pouvait le déranger, qu’il s’en était déjà assez accommodé alors même qu’il en avait emmenés ici, avec ses propres mains. Il tire une latte, sachant pourtant qu’elle ne parviendra même pas à le calmer, ça tremble trop dedans, il sait qu’il y a cette épidémie qui traîne toujours dehors et que les nephilims détiennent la réponse d’une manière ou d’une autre. Il voudrait partir à la recherche de “ses” fugitifs sur-le-champs, mais il sait qu’il va devoir prendre son mal en patience, ses bestiaux doivent se terrer et ne pas être prêt à sortir avant de s’être remis de leurs blessures. Il profitera de ce délai pour épingler d’autres angelots sur les murs des bourreaux et peut-être en s'amuser avec l'un deux avant qui sait, s'amusant à lui laisser entre-voir une fausse porte de sortie, un faux échappatoire ou en lui cassant quelques trucs faudra voir. Il savoure déjà les suppliques sur ses lèvres, ça pourrait presque faire sortir sur son visage un beau sourire.