enfance
L’été était radieux à Saint-Petersbourg et il n’y avait pas une seule excuse valable pour maintenir  les plus jeunes enfermés dans la demeure. Ils passaient leur journées dehors au grand dam des gouvernantes qui passaient leur journée à les chercher entre les embranchements des arbres et les statuts des jardins. Les adultes eux, profitaient d’un peu de calme pour se retrouver. « Elle a vos yeux Tolia. » Fit remarquer le général en détournant finalement son attention des enfants qui jouaient à l’extérieur. « J’ai l’impression que c’est la seule chose que j’ai en commun avec cette enfant mon cher ami. » Soupira le père en portant son cigare à ses lèvres. Assis à son bureau, l’homme n’avait pas besoin de s’approcher de la fenêtre pour s’imaginer la scène. Riante au milieu de ses cousins, une petite blonde bien trop douce pour ce monde tentait de récupérer la balle qui lui avait été dérobée. Si son visage était rayonnant il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’elle finisse en larmes après une chute ou une parole un peu trop rude. « Ne vous torturez pas l’esprit, elle ne rêve que d’obtenir vôtre approbation, elle travaille si dur. » Et il fallait avouer qu’il avait raison, en dehors de ses cours de piano, de maintien, de chant, de littérature russe et étrangère et de langues, Natalia apprenait l’escrime et l’équitation, comme un homme disait-elle l’air résolu. Elle enchaînait les leçons pour gagner la fierté de son géniteur sans jamais parvenir à son objectif. Ce n’était pas qu’il la dédaignait mais elle semblait si différente de lui qu’il en restait presque amer. « Elle semble si fragile. » Se contenta-t’il d’énoncer comme si cela justifiait  tous ses actes. « Certainement l’est-elle, mais comme toutes les femmes non ? » Le rire tonitruant de l’homme résonna dans toute la pièce tandis qu’il se laissait basculer lourdement sur son siège. Se laissant entraîner par la bonne humeur de son vieil ami, Anatoly répondit avec entrain à son rire faisant taire les questions qu’il se posait sur sa jeune enfant.

rencontre
Le beau monde de Saint-Petersbourg était réuni ce soir là dans la demeure des Volonski, richissime famille qui fêtait l’anniversaire de la mère et de sa plus jeune fille. Le bal était splendide et de toute part les conversations fusaient de manière toute convenue tandis que d’autres avaient investi le parquet pour s’adonner à la danse. « Me feriez vous l’honneur de danser avec moi ce soir ma chère Natalia Anatolieva ? » Tournant ses grands yeux clairs vers le visage du jeune homme la princesse fit une légère révérence avant de questionner ses parents d’un regard. Obtenant leur approbation sans grande peine elle répondit d’une voix chantante : « Ce serait un très grand honneur très cher Ilia Vladimirovich. » Ce dernier, visiblement enchanté par la réponse de la fée lui offrit sa main avant de l’entraîner vers les autres danseurs. « J’espère ne pas bouleverser votre carnet de bal avec mon invitation impromptue. » Indiqua-t’il avec un léger regard complice faisant allusion aux fameuses listes de cavaliers potentiels que tenaient Natalia et Larissa, la jeune soeur du prince, lorsqu’elles préparaient le bal annuel de leur pensionnat. « Je saurais me plier à ces convenances établies. » Se contenta de répondre la jeune fille avec un léger sourire au coin des lèvres. Depuis toujours le Prince Ilia lui avait semblé inaccessible, à quinze ans à peine, quelques années d’écart paraissent être un fossé insurmontable et dans l’esprit de la blonde il restait et resterait à jamais le grand frère de son amie. Néanmoins ce soir il semblait que les choses prenaient une toute autre tournure « Vous m’en voyez soulagé. » Elle se sentait rougir et se concentra sur leurs pas de danse pour faire passer sa gêne. Le silence se posa entre les deux jeunes gens mais il n’était pas gênant, c’était comme si le temps c’était arrêté le temps d’une danse. Ce ne fut que lorsque la musique changea de rythme qu’Ilia reprit la parole :« Où avez donc appris à danser avec autant de grâce ? » Penchant légèrement la tête sur le côté la russe haussa les épaules innocente : « C’est un secret que je vais me voir forcée de conserver jalousement. » A vrai dire, il n’y avait guère de mystère derrière ses talents, tous relatifs, de danseuse. Elle avait toujours eu une grâce naturelle et les cours de maintien et de danse que son rang lui avaient imposé depuis son plus jeune âge avaient continué à polir ce diamant brut. « Dans ce cas je vais devoir danser avec vous jusqu’à venir à bout de ce secret. » Un léger rire s’échappe des lèvres de la petite blonde qui cache son visage avec sa main gantée pour se soustraire au regard du jeune homme alors qu’elle rougissait à nouveau à ses paroles. « Vous m’en verriez ravie. » S’efforça-t’elle de répondre avec l’air le plus détaché possible. Mais personne n’était trompé par son jeu d’actrice, elle rayonnait tout entière d’amour pour ce jeune homme aux airs de roi. Si les sentiments n’avaient pas été réciproques surement l’assemblée se serait prise de pitié pour cette enfant qui rêvait du parfait avenir mais il y avait dans la posture du cavalier une impression qui ne trompait pas. Les astres étaient alignés pour ces deux âmes et leur course était désormais liée à jamais.

séparation
« Natasha… » D’un geste doux l’homme vint entourer de ses bras de frêle corps de sa compagne, recroquevillée sur un des canapés du petit salon. Sa présence permis à la jeune femme de calmer ses pleurs même si elle restait prostrée dans une tristesse infinie : « Etes-vous forcés de partir en guerre Ilia? Allez vous réellement me laisser ici ? » Demanda-t’elle d’une petite voix en scrutant le regard de son grand amour avec ses grands yeux brillants : « Je n’ai pas d’autre choix et vous le savez bien, l’empereur est à nos portes je ne peux tourner le dos à ma patrie. » La voix de l’homme restait calme comme il l’avait toujours été, les échos de la guerre résonnaient depuis bien longtemps au royaume des tsars et si les jeunes hommes de bonne famille avaient pour la plupart  réussis à en éviter les affres certains se sentaient investis d’une mission de défense de leur nation. Ça Natalia n’avait aucun mal à le comprendre même si elle le regrettait quelque peu égoïstement. « Avez vous consentis à me prendre pour femme tout en sachant que vous me réduiriez à la solitude à peine quelques mois plus tard ? »  S’offusqua-t’elle en tentant de le piquer dans son égo sans grand succès. « Je ne vous réduis à rien, vous irez vivre chez mon père en ville, vous ne manquerez de rien et pourrez continuer à côtoyer tous vos amis, Larissa sera là pour vous tenir compagnie. » La blonde haussa les yeux au ciel soudain lasse de ce débat : « Je n’ai que faire des mondanités, je ne veux être séparée de vous. » Elle était catégorique sur ce point mais elle savait bien que ses caprices ne parviendraient pas à le faire changer d’avis. « Et l’enfant que je porte ne pourra grandir sans père. » Ajouta-t’elle d’une voix plus douce en baissant légèrement les yeux sur son ventre pas encore arrondi. L’homme reste abasourdi quelques secondes, fronçant les sourcils et relâchant la pression qu’il exerçait dans son étreinte : « Comment ? » Murmure-t’il interdit devant cette nouvelle. Il ne savait pas s’il devait être heureux ou terrifié mais le bonheur finit par l’emporter sur toutes les inquiétudes. « Je vais être père ? » Murmura-t’il en prenant les mains de son épouse entre les siennes un sourire radieux sur le visage. Acquiesçant timidement la jeune femme laissa apparaitre un léger sourire au coin de ses lèvres avant de reprendre doucement : « Je vous en prie, ayez pitié de la pauvre femme que je suis, ne nous laissez pas… » Il l’avait embrassée de nombreuses fois, lui avait promis que tout irait bien et naïvement elle avait fait taire ses inquiétudes. Mais il était parti quand même, Natalia avait toujours su que ses doléances ne seraient pas entendues. Depuis des mois son mari ne parlait que de guerre et de patrie, elle, elle aurait préféré qu’il soit lâche mais elle avait épousé un courageux patriote. Choix qui lui avait imposé une solitude pesante pendant sa grossesse. Même ses amies ne parvenaient pas à détourner son attention des nouvelles du front où, chaque jour elle s’inquiéter de voir le nom de son mari dans la liste des soldats tombés au combat. Pourtant les mois étaient passés et Vassili, leur fils était né six mois plus tard en très bonne santé laissant sa mère fatiguée mais heureuse de pouvoir retrouver dans ses yeux de nourrisson les reflets de ceux de son père.

retrouvailles
Dans l’obscurité de la pièce le temps semble s’être arrêté, de temps à autre une servante vient changer les draps du blessé ou rallumer les bougies qui le veillent. En dehors de ce va et vient régulier seules les respirations apaisées de deux êtres brisent le silence. Allongé dans le lit, Ilia n’avait pas repris connaissance depuis plusieurs jours. A son chevet, Natalia ne quittait pas la pièce sauf pour s’occuper de son fils qui réclamait à toute heure l’attention de sa génitrice.  Dès qu’il avait trouvé le sommeil elle se précipitait à nouveau au chevet de son homme, bien trop inquiète de rater son réveil. Malgré ses prières, elle commençait à perdre espoir, mais elle ne le laissait pas paraître, en temps que maitresse de maison c’était à elle de montrer l’exemple, si elle sombrait, tout le domaine sombrerait avec elle. « Vous semblez totalement inchangée ma douce Natacha, vous êtes aussi belle que dans mes souvenirs alors que je suis vieux et abimé par la guerre. » La voix de l’homme sort la jeune femme de ses rêveries et lorsque ses yeux croisent le regard fatigué mais bien vivant de son amour elle ne peux s’empêcher de laisser échapper toutes les larmes qu’elle tentait de refouler jusque là. Elle se redressa brutalement de sa chaise passant une main sous ses joues inondées par les pleurs et s’approcha de quelques pas : « Je devrais vous tuer pour m’avoir fait subir tant d’inquiétudes. »  S’offusqua la blonde en croisant les bras sous sa poitrine un air revêche sur le visage. « Je vous en prie, soyez compatissante avec le pauvre blessé que je suis, approchez vous… » Il fit mine de tendre la main vers la silhouette gracile de son épouse mais la douleur l’en empêcha tandis que son visage se muait en une grimace fugace. Il n’en fallu pas plus pour la fée oublie sa rancoeur, s’approchant d’un pas aérien du lit elle s’agenouilla à ses côtés pour prendre avec douceur la main d’Ilia dans la sienne. « Je vous aime Natacha. » « Je vous aime aussi, comme au premier jour. Ne partez plus jamais je vous en prie. » Il sourit mais semble ailleurs tandis qu’il serre légèrement sa poigne sur les doigts diaphanes de la jeune femme. Natalia sait qu’il est encore làbas, sur le champ de bataille, elle sait qu’une partie de lui ne reviendra jamais vraiment, tombée en même temps que trop de ces compatriotes. « C’est votre chant qui m’a permis de revenir, je l’ai entendu sur le champ de bataille lorsque les pas des soldats me vrillaient le corps. » Sa main vient caresser avec douceur le crâne du blessé dans un geste réconfortant elle murmure : « Je chanterai tous les jours pour vous si cela peut vous maintenir à mes côtés. » Et elle avait tenu sa promesse. Tous les jours qui ont suivi, elle s’était rendue au chevet de son mari, avait pansé ses blessures, avait chanté pour le maintenir en vie et peu à peu, il avait guéri. Ses plaies s’étaient refermées, les os s’étaient ressoudés et son teint avait repris ses douces couleurs du printemps. Peu à peu il retrouvait ses sensations, il reprenait vie et oubliait les cauchemars du front dans les bras de sa femme et de son fils. Cela aurait pu durer pour toujours,  pourtant, inconsciemment, Natalia savait que leurs jours ensemble étaient comptés.

adieux
Les plaies avaient été pansées et la famille avait retrouvé son équilibre. Mais tout était voué à disparaitre finalement. « Il faut que tu rentres Natalia. » Le fée s’était présenté à elle comme si il la connaissait depuis toujours. Elle ne comprenait pas ce qu’il pouvait lui vouloir. Pire, elle s’offusquait qu’il puisse tenter de lui arracher son bonheur si récemment retrouvé. « Rentrer ? Mais je suis chez moi ici. » Avait-elle protesté une première fois sans chercher à entendre les arguments de son interlocuteur. « Non, tu es chez toi à la Cour des Lumières. » Les images de cet endroit défilaient dans son esprit sans qu’elle ne parvienne à y trouver quelconque charme. C’était certainement qu’elle n’était pas objective mais il n’y avait pas plus beau que son pays à ses yeux. « Mais comment me sentir chez moi dans un endroit où je ne suis jamais allée ? » Elle avait ces yeux naïfs, elle ne comprenait pas et il n’avait pas la patience de lui expliquer. Cela faisait déjà bien longtemps qu'elle aurait dû rentrer. « Parce que c’est la où ton peuple vis, là où tu appartiens. » Elle savait déjà qu’elle avait perdu le combat mais dans un dernier espoir elle tenta de se sauver : « Ne me forcez pas à partir. » Un sourire se glissa sur les lèvres carmin de la créature. Il ne pouvait pas lui mentir mais depuis des siècles où il usait des mots, il savait comment tourner la situation à son avantage. « Je ne le ferai pas, mais que vas-tu dire à ton mari lorsqu’il vieillira et que tu sembleras la même ? Comment vivras-tu lorsqu’il mourra ? Et ton fils à sa suite alors que tu auras encore la douceur de la jeunesse immortelle ? » Elle avait pleuré, mais elle avait cédé et le soir mamelle était prête à tourner la page de toute une vie. « Adieu mon amour, sachez que je vous ai toujours aimé et que vous occuperez pour toujours mes pensées. » Le murmure était brisé par les pleurs tandis que, discrètement, Natalia quittait la chambre conjugale . Son fils dormait profondément lorsqu’elle l’embrassa une dernière fois sur le front et Ilia avait tenté de la retenir plongé dans un sommeil sans rêves mais elle n’avait pas craqué. Elle savait au fond d’elle que c’était mieux, elle ne pouvait pas continuer éternellement à se voiler la face. « Ils ne se souviendront pas, comme si tu n’existais plus depuis des années. » Énonça le fée comme une évidence. Natalia tenta de ne pas faire attention à sa remarque, assez secouée par le départ pour pouvoir se permettre de se battre contre lui mais il cherchait à enfoncer le clou : « Tu oses dire qu’il a pu t’aimer alors qu’il est si facile de te rayer de son esprit. » Le coeur brisé et l’âme déchirée elle avait rejoint la Cour des Lumières sans que son mentor ne se rende compte qu’elle avait laissé derrière elle son seul foyer.

symphonie
Les accords de l’instrument résonnent jusque sur le porche de la belle demeure fleurie tandis que la fée, installée à son piano se laissait emporter par les symphonies et se trouvait bien loin de la Cour des Lumières à ce moment-là. Depuis toujours elle avait appris à jouer et dans les bals russes elle avait enchanté les invités par sa voix et ses notes. Elle se souvenait encore de ces soirées passées à refaire encore et encore ses enchainements, elle se souvient des cours au pensionnat, de ses premières danses et de ses premières prestations. Elle avait tout d’une artiste à l’époque et aujourd’hui elle avait tout le temps de laisser son art s’exprimer. Pourtant le coeur n’y était pas. Ce n’était pas que la Cour n’était pas agréable, la blonde ne souffrait ni du froid, ni de la pauvreté ni de la maladie mais elle ne parvenait pas à se faire sa place au sein du petit peuple. Mais elle chantait pour s’évader, elle retrouvait les accents de sa Russie natale et cela lui permettait de tenir le coup.

souvenirs
C’est comme si elle le voyait encore face à elle, dans cette salle de bal la première fois qu’ils ont dansé ensemble : en fermant les yeux elle pouvait presque imaginer son odeur qui emplissait ses narines et entendre sa voix si douce et envoutante. Pourtant cela faisait des années qu’il reposait six pieds sous terre. Agenouillée à même le sol dans le froid de la Russie, elle entonne encore et encore les excuses pour l’avoir abandonné. Pour les avoir abandonnés. Cela faisait quasiment deux siècles qu’elle avait dû se résoudre à partir mais la blessure était toujours aussi sanguinolente. Elle savait bien qu’ils n’auraient pas pu vivre ensemble éternellement mais sa naïveté la forçait à s’imaginer de belles années qu’on leur avait arraché. « Lâche. » La blonde tressaillit en entendant la voix, comme touchée par une arme invisible ses épaules s’affaissent un peu plus. « Que fais-tu ici ? » La voix froide de la fée ne tarde pas à répondre sans même qu’elle ne prenne la peine de sortir de sa contemplation malsaine des lettres gravées sur la tombe. « C’est à toi que je devrais poser la question. » Elle soupire et se tourne légèrement vers la créature dardant un regard faussement innocent sur son visage : « Je peux néanmoins me permettre de te dire que je suis venue admirer les rives gelées de la Neva par pure admiration pour le reflet des lumières de la ville sur sa surface,  peux-tu en dire autant ? » Un léger rire mauvais s’échappe des lèvres de la fée qui reprend sa contemplation de l’horizon comme pour éviter le regard de son compatriote. Mais depuis les années ce dernier avait pris l’habitude de ses fuites et de ses piques il ne se laissait attendrir ni par son air revêche ni par ses paroles amères : il savait bien qu’elle n’avait rien de bien dangereux si ce n’était la tristesse et qu’au fond elle s’en remettrait. Parce qu’elle était une fée et que son peuple savait se défaire des peines aussi  dérisoires que celles du coeur. « Je suis venu te chercher, il ne semble pas que Saint-Petersbourg s’épelle comme Rome. » Il n’y avait aucune agressivité dans sa voix néanmoins la réaction de son interlocutrice ne se fit pas attendre bien longtemps : « Que tu peux être perspicace. » Siffle-t’elle, amère et agacée de voir le fée toujours sur son chemin. Elle se sentait aussi captive à Rome qu’elle avait pu l’être à la Cour des Lumières, c’était comme si le moindre de ses mouvements était épié et contrôlé. Elle avait encore préféré se plier aux convenances de la vieille Russie alors que le protocole était des plus contraignants. « Tu ne l’as jamais oublié n’est-ce pas ? »  Le regard de la blonde se fixe soudainement sur le visage de son interlocuteur tandis que des perles larmoyantes apparaissent au coin de ses yeux clairs : « Comment aurais-je pu ? » Peut-être était-elle trop faible mais la douleur semblait insurmontable malgré les années. Trop humaine peut-être et surtout trop douce elle aurait certainement préféré vieillir à ses côtés plutôt que de le voir dépérir alors qu’elle ne prenait pas une ride.

renégate
Elle n’avait plus eu le choix, des décennies qu’elle essayait tant bien que mal de se faire une place dans ce lieu qui avait accueilli ces ancêtres. Elle avait tenté de s’acclimater à leurs coutumes, à leur vie, à leurs mensonges détournés dans d’aimables paroles, mais il n’en n’était rien. Elle souffrait et sentait les battements de son coeur s’amoindrir chaque jour qui passait.
Cela n’aurait pas été si grave si elle avait été la seule à le remarquer, mais, à la cour des lumières, on n’appréciait pas les traitres. Ou du moins ceux qui n’étaient pas prêts à tout pour leur peuple. Elle se sentait bien trop humaine Natalia, bien plus proches de ces êtres mortels que du petit peuple qui rayonnait par sa grâce et son immortalité. Elle avait tenté de se justifier mais elle n’était pas parvenue à être convaincante, le poids de ses chaînes étaient trop lourd à porter et elle savait que la seule manière de se retrouver était de choisir entre les deux mondes auxquels elle appartenait tant bien que mal.
Elle aurait voulu avoir la force de choisir la lumière, l’intemporel et le pouvoir mais son coeur restait bien trop attaché à ses premières années. Ainsi elle avait traversé le Tibre une dernière fois car elle savait son départ sans retour et avait posé définitivement ses valises dans le monde des humains. Comme l’éternité pouvait paraître longue à ceux qui ne rêvaient que de la perfection d'un instant.

trahison
Une matinée qui aurait pu être agréable dans la belle Rome mais la Mallatia Della Morte  faisait des ravages en ville et chaque famille vivait le deuil de l’épidémie dont on ne voyait arrivera la fin. Natalia, installée à Rome depuis quelques années en faisait aussi les frais. Sur le chemin pour rejoindre Andrei, elle avait eu un mauvais pressentiment et s’était imposé un rythme effréné pour rejoindre le domicile de son protégé : « Non, non non… » La blonde se précipita vers le corps inanimé du jeune homme qui venait de s’écrouler au sol en se rapprochant de la porte pour l’accueillir. Laissant tomber son sac elle s’agenouilla à ses côtés : « Reste avec moi s’il te plait. » Murmura-t’elle en prenant le visage du blond entre ses mains, tapotant ses joues elle tentait de le faire revenir à lui.  Au bout de quelques minutes elle était parvenu à l’amener jusqu’à un fauteuil où il se retrouvait plus ou moins bien installé. Il avait encore maigris et il avait une mine affreuse, néanmoins la fée tentait de garder l’espoir et le sourire tandis qu’elle épongeait son front brulant avec un linge frais. « Pourquoi prends-tu soin de moi ? » Demanda-t’il d’une voix faible en dardant son regard clair sur elle : « Chut… Tu as besoin de repos, garde ton énergie. » Elle éludait la question autant qu’elle cherchait à le préserver mais il avait ce caractère fougueux qui ne laissait rien passer. « Explique-moi. » Soupirant doucement elle se redressa et commence d’une voix calme : « Il y a quelques siècles, j’étais en Russie, là bas, j’ai rencontré un homme, Ilia Vladimirovich Volonski… » Elle marque une légère pause en évitant le regard du jeune homme, persuadée qu’il avait déjà compris. « Feu mon mari avec qui j’ai eu un fils, Vassili, ton ancêtre. » Elle avait rencontré Andrei à son arrivée à Rome, elle avait vite appris qui il était, il lui ressemblait tellement que cela n’était pas possible autrement. Mais elle n’avait jamais osé lui avouer la vérité sur qui elle était vraiment.   « C’est pour ça ?! » Grogna-t’il  en lui lançant un regard désemparé. « Ne m’en veux pas je t’en prie… »  Répondit-elle en osant finalement croiser son regard. « Comment as-tu pu me mentir pendant tout ce temps ? » Mentir… Elle n’aimait pas le terme, cela la ramenait bien trop à la différence qui l’avait éloignée de son peuple, ou de son ancien peuple. Mais il fallait avouer que c’était ce qu’elle avait fait en se présentant comme une étrangère. « Je… je savais pas comment te le dire. » Elle baissa la tête, consciente de son erreur et que ses mensonges avaient plus de conséquences qu’elle ne voulait bien l’avouer. Elle avait bien vu le regard qu’il laissait glisser sur elle parfois, il n’avait rien d’innocent et elle avait fait semblant de ne rien voir. Parce qu’elle n’aurait pas supporté de le perdre. « Va-t’en ! » S’écria-t’il avant d’être pris d’une violente quinte de toux. Plié en deux il mit quelques secondes à reprendre sa respiration. Natalia se tenait à ses côtés mais n’osait pas l’aider de peur de sa réaction. « Vassia s’il te plait… » L’implora-t’elle en tentant de reprendre sa main. Mais ce dernier se dégagea avec toute la force qu’il avait encore. « Non ! Je ne veux plus jamais te revoir. » Et finalement son souhait s'était réalisé car une semaine plus tard c'est face à son cercueil que la fée avait présenté ses adieux. Elle avait encore le gout amer de leur altercation au fond de la gorge et se rendait compte qu’il y avait plus que le souvenir de son Ilia qui lui manquait maintenant qu’il était mort. Ce n’était pas bien, ce n’était pas sain et de toute façon ce n’était plus possible mais elle avait perdu son amour, une deuxième fois et elle sombrait de plus en plus.