A vrai dire, je n’ai pas regardé l’heure avant de me pointer chez mes bras droits. Mon travail représente une grosse partie de ma vie – c’est toujours mieux que d’être en train de saouler, ou mieux de se dessaouler pour mieux se ressaouler, diront certains. Même si ces derniers temps je fais des efforts en rentrant régulièrement pour nourrir Corty – Corticibus de son vrai nom, pas moi qui ait trouvé ce nom je le reconnais bien volontiers. Nan la plupart du temps je l’appelle « petit bâtard », parce que ce con de félin fout le bordel chez moi. Puis comme dit le proverbe, tel maitre, tel animal de compagnie – ou un truc du genre. Bref, tout ça pour dire que je n’ai pas l’habitude de garder un œil sur ma montre quand je n’ai pas de rendez-vous. Donc quand je décide d’aller voir Artista et Falco, je n’ai absolument pas fait gaffe à l’heure, et je ne me suis pas non plus renseigné pour savoir s’ils étaient dans le nid d’amour qu’ils se partagent à trois. Pour le coup, je leur lève mon chapeau imaginaire – j’ai déjà du mal à vivre avec moi-même et le chat que j’ai récupérer après une expérience génétique mené sur la bestiole, alors vivre avec deux autres personnes dans une relation qui fonctionne ? Je suis admiratif.

A défaut d’autre chose, je sais qu’on est l’après-midi de samedi quand je sonne à la porte de leur maison dans la Via della conciliazione. Manque de pot pour moi, ce n’est aucun de mes bras droits qui ouvre, mais le troisième membre de leur trouple, une fée des ténèbres dont je ne recherche pas particulièrement la compagnie. Et pour cause, nos chemins se sont croisés il y a très longtemps, alors que nous combattions dans des camps opposés à Alicante. Même si nous nous sommes pas combattus personnellement, nos mémoires nous empêchent d’oublier que nous n’avons pas toujours été du même côté – même si je reconnais que j’étais celui qui était du mauvais côté. Mais bon, puisque Landon O’Conchuir partage la vie de mes plus proches collaborateurs, il faut bien faire bonne figure, n’est-ce pas ? Un sourire plaqué sur les lèvres, je le salue donc : « Bonjour, ou bonne après-midi, comme tu préfères ! Alors comment ça va ? La famille et tout ? D’ailleurs à propos de famille, je pourrais voir tes deux âmes sœurs ? Ou même juste l’une des deux, je saurais m’en contenter. ». Je ne lui ai pas vraiment laissé le temps de me répondre entre chaque question, et pour cause, c’est quelque chose qui a tendance à agacer les gens – et j’adore agacer les gens, surtout quand ils ont contribué à tuer des compagnons d’armes que je pouvais pas saquer. Ma façon de dire merci en quelques sorte. Moi non je ne m’étonne pas de ne pas avoir beaucoup d’amis. Par contre de là, avoir autant d’ennemis, je ne suis quand même pas si énervant que ça, si ? Par souci de diplomatie – ce qui m’arrive rarement, notons-le – j’ajoute plus gentiment : « Désolé de te sauter un peu dessus au fait, j’ai peut-être bu un peu trop café. ». Je n’en ai pas bu plus que d’habitude, mais il paraitrait d’après des sources extérieures que ma consommation de café est anormalement haute. En même temps je ne dors pas beaucoup.