Il grogne quand elle passe le peigne un peu trop fort sur ses cheveux. « Arrête de bouger Gabi… » Dit-elle murmurant comme pour ne pas le choquer. En vérité, il avait un mal de chien Gabriele, parce que Saphhira était douce au possible, mais il était encore trop sensible des douleurs qu’il eût subi lors de son enfermement. Il avait été un rat de laboratoire durant huit mois, on l’avait torturé pour tenter de le faire parler sur les agissements de ses pairs et pourtant, il était là désormais, entre les mains de sa parabatai pour le coiffer et l’habituer à redevenir le centre de l’attention. « Ça fait mal Hira… » Dit-il en passant une main sur son visage. Il n’était pas prêt à subir cette petite fête pour son retour à la maison. Même les autres personnes détenues avec lui… Elles devaient être dans le même état. Perdues… Réservées. Et pourtant, Gabriele allait devoir se montrer en spectacle ce soir. « Tu verras tout ira bien… » Il ne le pensait pas. En fait, il n’arrivait pas à penser à autre chose que la fatalité de la situation. Un clown qu’on allait féliciter de ne pas les avoir trahis ou bien de ne pas être mort. « Je ne crois pas Hira… Je ne suis pas un petit chien de cirque. » Même Pinocchio, Valentina, Achille et Marina étaient de son avis, ça se lissait dans leurs yeux alors que ce n’était pas du goût de David et Angela, le fils était revenu en vie, c’était ce qui comptait.

Pourtant, il vient prendre sa tête entre ses mains. Sa vie à quoi elle pouvait bien se résumer ? Hormis une moitié de vie de fuite, l’autre moitié à apprendre à être un Chasseur d’ombre parfait. Lui, il n’était déjà pas comme les autres. Fils de David et Angela De Santi, il est un cousin de Lightwood quoiqu’on puisse en dire de par sa mère. Fils pas véritablement prodigue, il y a son frère avant lui, il y a Pinocchio. Puis après lui, y a Valentina. C’était juste de quelques minutes, mais il est l’enfant du milieu, le second fils. Après eux, après les triplés, il y eut deux autres enfants, Achille, puis Marina. Et la famille était complète. En vérité Gabriele était sans doute le moins ouvert des trois, le plus terre-à-terre quand Valentina est la créative et Pinocchio le sauvage. Sa vie, il l’a passé dans les rues animées de Rome, toujours entre l’institut et Alicante quand il suivait ses parents… parfois. En fait, Gabriele n’était pas vraiment le fils à papa ou à maman, tout comme les autres hommes de cette famille. En fait, c’est sa rencontre avec Saphhira Grimaldi l’a sans doute aidé à faire la part des choses. Elle avait cette ferveur envers sa famille, et ça l’a contaminé… Énormément même.

« Gabi, arrête d’y penser. » Lui dit Saphhira en caressant sa nuque pour le ramener à la réalité. Il observe enfin son visage dans un miroir. Huit mois de captivité, ses cheveux étaient plus longs. Elle l’avait aidé à raser sa barbe, mais également panser des plaies visibles sur son visage. Des coupures, des hématomes… Il en avait un énorme sur la clavicule, pourtant, il reporte l’azur de ses yeux sur le regard de la Grimaldi qu’il voit dans le miroir. « Hira, tu te souviens des tests ? » « Tout le monde pensait que tu allais les faire avec Tina, forcement que je m’en souviens, ta sœur doit encore m’en vouloir… » Dit-elle en riant alors qu’elle tresse une mèche de cheveux châtain sur sa tempe en souriant dans le vide. Gabriele, il la connait bien et il sent finalement cette petite émotion traverser sa chaire et son esprit. Elle est nostalgique, mais heureuse.

Saphhira, c’est la seconde enfant de la famille Grimaldi, une fille. Une autre seconde enfant, comme lui. Du même âge, ils se sont souvent entrainés à trois avec Valentina, quand Pinochhio préférait s’entrainer avec le Herondale. Alors Gabriele, il a été le partenaire des deux jeunes femmes. Longtemps on aurait pu croire que c’était les deux filles qui pourraient se lier ou alors que ce soit Gabriele et Valentina, en bon triplé, qui pourraient obtenir la rune de parabatai. Cependant, il a défrayé la chronique en choisissant de passer sa première épreuve avec Saphhira. Évidemment, Valentina en a voulu à son frère, mais il fallut un an, dans la plus grande illégalité aux vues des tensions politiques en 2006. C’était étrange de devoir tendre l’avant-bras pour recevoir une rune qui changerait leurs liens à jamais. En vérité, peut-être qu’il aurait dû choisir Valentina, car c’était parfois difficile de choisir entre elle et sa sœur, ou même elle et sa famille quand le choix s’est imposé en mission. Gabriele, il savait que sa vie dépendait d’elle, que son existence tournerait autour de Saphhira pour éviter de sentir une émotion pire que la mort chaque jour du reste de sa vie, si elle venait à disparaître.

Le De Santi grimace une nouvelle fois quand elle joint les deux tresses à l’arrière de son crâne. Hira, elle se stoppe tout de suite en sentant la sensation de douleur la traverser. C’était comme ça qu’elle avait vécu durant huit mois. Parfois clouée au lit à case de la douleur sans nom qu’elle ressentait. Mais cette douleur la rassurait, la ressentir, ça voulait dire qu’il était en vie. « Je suis désolé Saphhira… » Dit-il en baissant les yeux sur ses mains abimer par la détention. Il ne se sentait pas assez fort, plus assez fort désormais, pourtant, lorsqu’il partait en chasse, il était plus que déchaîné, comme si le diable le possédait… C’est pour ça qu’on lui donnait des responsabilités, ça lui permettait d’oublier qu’il n’avait été qu’une poupée de chiffon. «  Arrête… Arrête avec ça Gabriele. » Ils ne s’appelaient que par leurs prénoms lors des moments les plus graves de leurs vies, comme lors qu’à quinze ans, ils ont dû fuir Alicante lors de sa prise. Sauver leurs vies, retourner à Rome en compagnie des Grimaldi, du Herondale de Pinocchio et du reste de la famille. L’épreuve était compliquée. « Ce n’est pas de ta faute… Gab— … » Alors qu’il se redresse et qu’il envoie valser ce qui trône sur la commode, dans un cri de rage. Psychose qui lui fait du mal, il voit les ombres, il entend les murmures de ces créatures ou de ces traitres qui mettaient un point d’honneur à le torturer chaque jour durant huit mois. « ARRÊTE DE MENTIR ! JE SAIS ! J’AI SENTI TOUTE LA PEUR QUE TU AS RESSENTIE ! ÇA FAIT MAL HIRA ! TROP MAL ! » Il est debout, bien plus énervé qu’il ne le voulait, cette souffrance qu’il avait ressentie, cette souffrance qui l’a fait tenir pour rentrer à la maison, car il savait qu’il ne pouvait pas la laisser là…

Cette nuit de chasse, il s’en souvenait encore. Il était avec Saphhira et un autre duo, il ne sait plus véritablement qui. Car il ne se souvient que tout se soit passé très vite. Sur les traces d’un démon, arc à la main, son carquois ne faisait pas de bruit et malgré les runes de dissimulation et toutes les autres précautions. Les démons étaient proches et ils leur étaient tombés dessus. Si rapidement, le duo qui les accompagnait a été tué, Gabriele il avait été mis en difficulté à cause de son arme à distance. Il avait hurlé à Hira des ordres pour la forcer à partir. Si elle n’avait pas voulu, il s’en fichait. Il l’avait attrapé par le poignet pour la tirer à sa suite. Elle avait trébuché, il ne sait plus comment, mais il s’est jeté sur le sol pour la protéger d’un dard empoisonné. Cours. Lui avait-il dit, ça n’attendait pas de réponses, pas d’objection. Et elle l’avait compris, comme elle le comprenait toujours. L’épidémie faisait rage depuis deux semaines et elle avait disparue dans la nuit, lui s’était effondré sur le sol à cause de ce combat avec le démon, puis de ce combat avec les soldats de la brigade nocturne. Torture et autres joyeusetés. C’est Hira qui l’a détaché en juillet dernier, et dans ses veines, il n’avait jamais senti un si fort sentiment de soulagement. Il n’avait jamais été heureux de la retrouver. Bien qu’il n’eut jamais douté de sa survie tout du long, sa simple pensée, ça l’avait fait tenir.

Saphhira, elle ne sait pas, elle ne sait plus et elle recule dans sa robe dorée, tout en le regardant de haut en bas. Il le sent qu’elle est peinée, en colère, des émotions qui le traversent, alors qu’elle ressent la rage, la peine et la douleur. Il sait bien le De Santi que cette soirée, elle ne serait pas comme les autres. Elle n’était pas fragile la Grimaldi, cependant, elle recule contre le mur, soufflant un bon coup, avant d’enfoncer le plat de sa paume sur la joue de Gabriele. « TAIS TOI PAR L’ANGE TU N’Y COMPRENDS DONC RIEN ! » Hurle-t-elle alors que les souterrains pouvaient sans doute trembler à cause de leurs cris. Puis ses épaules tremblent, ses yeux s’embrument. « Tu n’as jamais rien compris Gabi, tu n’as jamais rien compris et tu ne comprendras jamais rien… » Elle pleure, il ressent ce qu’elle veut dire. « Si j’avais su, j’aurais dit non, j’aurais dû dire non et laisser ma place à Valentina ! » Elle était amère et il le sentait cette amertume. « On a jamais été plus malheureux depuis qu’on s’est lié Gabriele, jamais plus malheureux que ce jour-là ! » Il comprenait la puissance de ses mots et le sang bats dans ses tempes. Le sang fait le tour de son être, alors qu’elle voulait claquer la porte, elle lâche en le prenant par le col. « Bordel Gabriele ! J’irais jusqu’à trahir ma famille pour toi, mourir pour toi, j’enfreindrais la totalité des règles de notre congrégation pour toi, je ferais n’importe quoi pour te sauver de tes tourments, quitte à trahir… » Elle le pousse faiblement, grattant son avant-bras, grattant cette rune, le faisant souffrir au passage, puisqu’elle s’atteint au sang, lui impuissant. « Cette rune… Cette saloperie de rune, je ferais des choses horribles et quitte à ne plus être personne, je le ferais enlever, juste pour être avec toi ! CRÉTIN ! »  Alors qu’elle tourne les talons dans un sanglot et qu’il se laisse tomber contre le mur le De Santi. Il comprend, il comprend avec difficulté qu’elle irait jusqu’à se faire destituée de ses runes pour être avec lui… Et il comprend, il comprend avec difficulté, qu’il irait jusqu’à se faire destitué de ses runes pour être avec elle.