Rp aléatoire
Idunn & Rayel

Ses doigts ferment d’un geste brusque le dossier qu’elle tient entre les mains. Le nom de son prochain patient lui a sauté aux yeux avec un profond sentiment de mépris. Idunn soupire profondément tout en se levant de son bureau afin de préparer son cabinet de consultation, petite pièce attenante au bureau aux murs gris perle. Ses gestes sont méticuleux et précis alors qu’elle sort les aiguilles et les flacons, époussette un siège qui n’a pas la moindre trace de poussière sur lui. Malgré son manque de sympathie pour son collègue elle reste parfaitement professionnelle, aussi rigoureuse qu’elle le serait avec n’importe quel patient, peut-être plus encore au vu de leur profession commune. Ses mains s’activent, ses gestes rapides ne tardent pas à laisser la pièce aussi vierge et aseptisée que si elle n’avait jamais servi. Puis elle regagne son bureau d’un pas fier avant de s’installer derrière ce dernier tout en jetant un rapide coup d’œil à l’horloge qui orne le bois lisse de celui-ci. Quinze heures. Dans dix minutes l’infirmière frappera à sa porte, amenant avec elle l’homme attendu. A moins qu’il ne vienne de lui-même sans accepter l’aide de celle qui se charge d’ordinaire d’amener les patients jusqu’au bureau de la vampire. Installé dans les sous-sols de l’hôpital, au plus près des laboratoires de recherche, mais surtout à l’abris de l’éclat chaud de l’astre solaire, l’office lui permet de faire ses gardes journalières sans avoir à souffrir de la morsure du soleil. Si une salle d’attente se trouve également à son étage, il arrive bien souvent que les patients soient dans un premier temps reçu dans les étages supérieurs, ceux avec vu sur le canal, et donc inaccessible en journée à Idunn. Si bien qu’une infirmière doive souvent se retrouver à faire le guide jusqu’à elle. Ce qui déplaît fortement à la viking, mais forcée de reconnaître qu’elle n’a pas le choix d’accepter cette aide extérieure en journée, elle s’est laissée convaincre. En échange, elle ne manque jamais de se montrer d’une reconnaissance infinie pour les missionnaires obligés de faire ainsi ses commissions.
D’une main de marbre Idunn s’empare d’un sachet pourpre précieusement gardé dans un petit frigo dissimulé derrière une des portes en bois de son bureau. Dix minutes, cela lui laisse largement le temps de combler la faim qui commence à faire frémir ses narines. Au vu de la raison pour laquelle Rayel doit venir la consulter il est préférable qu’elle calme les désirs de son corps afin d’être le plus détendue possible en présence du sorcier. Déjà qu’elle devra faire de gros efforts sur elle-même pour ne pas laisser transpirer tout le mépris qu’elle éprouve pour l’homme, alors elle juge inutile de se mettre des efforts de plus à contenir. Un nouveau soupire soulève la poitrine de la jeune femme alors qu’elle vide distraitement le contenu du sachet dans un thermos opaque avant de porter ce dernier à ces lèvres. En tant que médecin spécialisée dans les maladies infectieuses elle s’est très vite retrouvée à gérer les patients atteints de la mystérieuse épidémie, et si elle a pris à cœur de s’occuper de ceux-ci, elle ne peut se cacher qu’elle l’a fait avec plus ou moins de plaisir selon ceux qui poussaient sa porte. Quelques fées, des loups-garous, rien qu’elle n’ais pris l’habitude de côtoyer au cours de ses derniers siècles. Mais les sorciers…Elle s’est toujours tenue éloignée de ceux-là depuis la cuisante trahison dont elle a été victime en Louisiane par l’un d’entre eux. Pourtant Odin sait qu’elle n’est pas du genre à mettre tout le monde dans le même panier Idunn. Mais trop de ses expériences avec des gens de cette espèce n’ont fait que conforter son idée qu’entre tous, ils sont les plus fourbes et les moins fréquentables. Même les fées sont plus dignes de confiance qu’eux selon elle. Car avec le petit peuple on ne peut être surpris. On sait qu’au final, ils ne servent que leurs propres intérêts. Ils ne se le cachent pas. C’est de notoriété publique comme on dit. Alors que les sorciers…Qui sait à qui ils ont juré allégeances et quelles relations ils entretiennent avec leurs pères…
La dernière goutte vermeille coule le long de sa langue lorsqu’on frappe des coups rapides et courts contre la porte entrouverte de son bureau. « Bonjour Rayel, entre je t’en prie. » Elle le tutoie, autant parce qu’ils sont collègues et qu’ils travaillent dans les mêmes couloirs, que parce qu’ils ont l’habitude de se côtoyer régulièrement en raison du suivi médical de celui-ci. Malgré les séances qui s’accumulent de plus en plus, elle ne parvient pas à le trouver sympathique. Même si dernièrement, pratiquement depuis la maladie, il semble être moins arrogant que ce qu’il avait l’habitude de l’être dans les décennies précédentes. Car elle l’a déjà croisé Idunn. Dans leurs nombreuses vies d’immortels. Et le moins qu’on puisse dire c’est que ces rencontres avec le sorcier ne lui avaient pas laissé un souvenir très positif de la personne. Autant de raisons qui la poussent à le tutoyer. Elle se voit mal montrer trop de respect pour un sorcier de son caractère, et si le ton de sa voix semble être courtois, on peut y déceler sans trop se forcer, une pointe amère de mépris. Ses iris polaires suivent les mouvements de l’homme alors qu’il entre dans son bureau, refermant la porte derrière lui. Elle ne le lâche pas du regard, ouvrant mécaniquement de ses doigts fins glacés le dossier qui retrace les antécédents infectieux du sorcier. Une fois que celui-ci a prit place sur le siège en face de son bureau, elle glisse rapidement ses iris sur les quelques lignes écrites de sa main datant de leur dernier rendez-vous. « Comment te sens-tu en ce moment ? Des choses en particuliers à me dire ? Des symptômes qui seraient apparus depuis notre dernière séance ou au contraire une amélioration quelconque ? » Elle pose les mêmes questions que d’ordinaire, avec un ton toujours faussement courtois, tout en serrant imperceptiblement les dents. Malgré son devoir de médecin, elle passerait bien le relais à n’importe qui d’autre si elle en avait l’occasion. A chaque fois contempler ce visage dans son bureau la rend irrémédiablement mauvaise. Elle ne supporte pas l’idée de devoir aider un sorcier comme lui. Et aucune de ses bonnes paroles de ces derniers temps ne pourra gommer la méfiance avec laquelle elle compose en ce qui le concerne.

© Artchie