«Nous avons une petite fille de 3  ans qui pourrait correspondre à votre recherche. Mais elle a certaines particularités qui font reculer plusieurs parents. Nous avons essayé de les camoufler, mais rien n’a fonctionné. Je dois vous préparer, elle a les cheveux verts. Nous avons tenté de les teindre en brun, mais après un lavage, le tout s’effaçait… Puis-je vous la présenter?»

«Ce qui fait sa différence, fais ce qu’elle est, alors oui, nous aimerions la rencontrer. Même si elle a des choses qui font d’elle une personne difficile à placer…»

«Ma femme a raison. Allons-y!»

La dame des services sociaux approchait avec ce qui pouvait être mes nouveaux parents. Je m’étais habituée à me faire rejeter, parce que bon… ce n’était pas tout le monde qui aimait mes cheveux et même moi, je ne comprenais pas pourquoi ils étaient de cette couleur. À 3 ans, on ne se soucis de rien, mais on ressent les choses. On ressent le rejet lorsqu'il arrive.

Pendant que la dame approchait, elle parlait au gentil couple. «Elle s’appelle Lore-Ann et elle est américaine comme vous pouvez le constater sur son dossier. La pauvre petite a perdu ses deux parents lors d’un accident de voiture… Ils étaient en vacances ici à Rome quand le drame est arrivé. Cela ne fait pas très longtemps qu’elle est ici et nous avons convaincu les services sociaux américains de la garder ici à Rome. Elle sait que ses parents sont décédés, mais elle ne comprend pas encore ce que cela veut vraiment dire… à 3 ans, le concept de vie ou mort est encore très flou. Inexistant même. Même si à cet âge on commence à s'identifier à ses parents. Elle est une bonne enfant, elle aide les autres, elle ne fait pas de bêtise, elle reste calme la majorité du temps sauf lorsqu’elle fait des cauchemars la nuit. Mais en soi, Lore-Ann est une enfant tout à fait normale et en santé.»

Pendant ce temps, je continuais à jouer avec mes crayons. Les seuls objets qu’il me restait de mon ancienne vie. Ils avaient pris la peine de récupérer mes bagages à l’hôtel, le soir où mes parents sont décédés, ce qui faisait en sorte que je portais toujours mes vêtements et pas ceux achetés par l’agence. Le couple s’avançait vers moi. Ils étaient qu’à quelques pas. Je relevai la tête pour leur sourire avant de me reconcentrer sur mon dessin. La femme de l’agence prit la parole en premier :

«Lore-Ann, j’aimerais te présenter deux personnes, Vazsjr et Opale ils aimeraient beaucoup apprendre à te connaître. Tu veux bien?»

Je fis un signe de tête affirmatif. Je savais bien que j’avais besoin de personnes pour prendre soin de moi… Que je ne pourrais plus revenir chez moi dans mon Amérique adorée… et il fallait que j’arrive à m’ouvrir à ces nouvelles personnes. Ce jour-là avait changé ma vie, car les Vance m’avaient adoptée. Enfin il avait fallu attendre qu’un juge le valide, mais au moins je faisais partie d’une famille.

Les premiers mois n’avaient pas été faciles, je faisais des cauchemars tous les soirs. La même chose, l’histoire de l’accident. J’étais dans la voiture avec mes parents, tout allait bien, je riais et puis un bruit assourdissant était venu briser cette harmonie. De la vitre brisée, des cris… et des gens qui accourent vers notre véhicule. Une femme me sortit de la voiture et me s’éloigna de la voiture avec moi dans ses bras. Puis, je me réveillais toujours en criant : «MAMAN…» c’était difficile pour une jeune fille qui avait conscience de ses parents et avait la capacité de s’en rappeler de connecter avec ces nouveaux parents. Il me fallut 1 an pour les appeler finalement papa et maman. Car au travers de ces cauchemars, de mes doutes, ils avaient toujours été là pour me soutenir et je savais qu’ils seraient là pour rester.


1 an après mon adoption, juste après que j'ai finalement décidé de les appeler «maman et papa», une nouvelle personne faisait son entrée. Jules... à 4 ans c'est tout beau, tout chou... tu as envie de jouer à la maman, même si tu ne sais pas trop ce que c'est en fait... et plus ça vieilli, plus cette soeur devient chiante fatigante..Je l'aime, il ne faut pas se méprendre, mais elle est très difficile d'approche et après maintes et maintes reprises, j'avais décidé de lâcher prise. Elle viendrait vers moi en me disant je t'aime, quand elle serait prête. Aucune pression. Mais pour le moment, elle et moi, c'est «Salut, ça va... Oui toi...ça a été ta journée? ... BYE...» il ne se passe pas grand-chose, mais elle sait que je serai toujours là pour elle, peu importe les bêtises qu'elle peut faire.

Puis, il y a eu le petit frère. Au départ je pensais que lui et on ne s'entendrait pas...simplement parce que les garçons et moi, ça ne fait pas bon ménage. Mais au contraire, lui et moi nous sommes complémentaires. Il me comprend, je le comprend et on se soutient chaque fois qu'il le faut. Il sait qu'il peut venir tout me raconter et que je ne dirai rien. Je suis son aînée et j'en fais mon devoir, d'être toujours présente quand il en a besoin. Autant pour les confidences, pour pleurer, faire des bêtises, etc. Il est ce qui complète notre trio et il fallait bien que je sois proche de quelqu'un dans la fratrie non?

Avec maman c'était bizarre, je n'arrivais pas à me rapprocher d'elle. Je n'arrivais que très peu à créer des liens. Pas qu'elle n'avait pas essayé... mais moi je la repoussais. J'avais eu une maman... et ce lien qui unissait ma mère biologique et moi était très fort, même à trois ans... Alors en avoir une 2e avec qui je devais créer la même chose m'était impossible, et ce... même après avoir commencé à l'avoir appelé maman. Mais avec le temps, elle avait su lire en moi et savoir quand je faisais des pas vers elle et quand je voulais de la distance. Elle était ma mère... ma deuxième mère... et je l'aimais même si je ne le démontrais pas beaucoup.

Papa, lui, ça a été facile. Dès les premiers jours, je me jetais dans ses bras en souriant. Le lien s'est créé presque instantanément. Je me rappelle que quand j'étais jeune, je voulais être comme lui, j'imitais ses pas, parfois ses mots...mais disons que c'était la phase imitation de la jeunesse. Plus j'ai vieilli, plus les liens se sont renforcés. Il est mon modèle, même si j'ignore ce qu'il fait vraiment comme travail. Si je le découvrais, est-ce que cela changerait ma relation avec lui? Peut-être. Seul l'avenir nous le dira.

Alors peu importe si je me situe à mes 3 ou 4 ans ou encore à mes 21 ans. Ma famille évolue, ma façon de les voir également. Mais ils sont et resteront toujours les personnes que j'aime le plus. Il ne pourrait se passer une journée sur la terre sans que je ne pense à eux. JAMAIS. Ils sont ce qu'ils sont, mon père, ma soeur et ce qu'en était ma mère. Ils sont ma vie, mes amours, mes amis. Et même si on se disputera un jour ou l'autre, cela ne brisera pas le lien qui nous unit, car jamais je ne le laisserais arriver.





«Lore-Ann, tu vas rater ton cours!» criait mon père pour me faire lever de mon lit. Il m’arrivait parfois de rentrer tard et d’en payer les frais le lendemain. Bien que je fusse la seule à ne pas boire lors de ces soirées arrosées, j’étais celle qui récoltait les maux de tête. Je me levai donc péniblement et m’habillai rapidement sans réellement regarder ce que je portais. Mais on s’en foutait, les psychologues avaient la réputation d’être un excentrique parfois. Je faisais un double cursus. Un en psycho et l’autre en criminologie. Je voulais pouvoir conjuguer mon désir de comprendre l’humain dans sa psyché, mais aussi dans le crime. Mon objectif était de faire du profilage criminel. Je descendis à la cuisine, pris un verre d’orange rapidement et donnai un bisou à mon père. Homme qui m’avait vu grandir et qui m’avait vu jongler avec ma vraie nature. Vraie nature que l’on découvrit que vers l’âge de 11 ans. Mes yeux avaient scintillé en rouge rosé, avant que des objets ne bougent. Nous sortions d’une dispute assez forte et je n’avais pu contrôler cette partie de moi que j’ignorais. Aujourd’hui, je ne contrôle toujours pas tout, car mes émotions sont en quelque sorte liées à mes capacités, mais un jour viendra avec l’âge où tout deviendra facile. Bref, une fois sortie du studio, je pris ma voiture et me dirigeai à l’Université.

«L-A! tu es en retard comme d’habitude!» Dit une de mes amis. Une amie qui en m’avait jamais jugée et qui m’apportait beaucoup de rétrospection sur mon Moi (Moi= le moi de FREUD).

«Ouais ouais, tout est de ta faute, je suis restée tard pour veiller sur toi et avec quoi on me remercie une migraine!»

«Oh allez, ne fait pas ton bébé, tu t’es bien amusée tout de même et tu as rencontré un gars!»

«Qui? Alexander? Oui bon on a parlé, mais c’est tout. Il n’y a rien qui s’est passé entre nous… Et je doute qu’il me rappelle un jour.»

Ce que je ne savais pas c’était qu’Alexander savait qui j’étais, mais que moi je n’en avais aucune idée et je me disais simplement qu’il était un homme un peu bizarre, mais tout de même charmant.

Encore aujourd’hui, j’avais du mal à me lier aux gens et j’avais tendance à éloigner tous les hommes qui m’approchaient. C’était ma façon à moi de dire… poussez-vous, je n’ai pas le temps à perdre à essayer d’aimer. Mais pourtant j’étais fofolle et amusante lorsque j’étais avec des personnes en qui j’avais confiance. Cela doit faire partie de ma personnalité un peu bizarre. Je ne cachais pas mes cheveux verts, on m’avait toujours élevée dans le sens de : Aimer qui tu es sans condition. J’avais appris à les apprécier et à en être fière. Cela faisait partie de moi que je le veuille ou non… On m’avait souvent étiquetée de rebelle à cause de leur couleur et de mon amour pour les vestons de cuir, mais les gens ne faisaient pas vraiment attention à apprendre à me connaître avant d’apposer un jugement. C’était pourquoi aujourd’hui j’étais si forte et déterminée.

«Hey ho! J’appelle L-A sur la planète terre.»

« Pardon j’étais perdue dans les souvenirs de la soirée que toi tu n’as plus. » Dis-je en rigolant avant que l’on ne franchisse le pas de la classe. Une autre belle journée qui s’annonçait.