« Tu te prépares mon ange, on va au parc ce matin et je t’ai prévu une surprise pour cet après midi. » Avait annoncé Rosalina lorsque le petit s’était levé ce jour-là. Il n’en n’avait pas fallu plus pour que Lucca, mué par cette douce innocence de l’enfance s’empresse de filer à la douche sous le regard bienveillant de sa mère. Cette dernière avait pris un jour loin des affaires, ayant à la fois réellement besoin de se reposer mais aussi besoin de se ressourcer un peu en famille et au calme. Si elle adorait son restaurant et y investissait énormément d’énergie il fallait avouer que cela n’était pas compatible avec une vie de famille conventionnelle. Elle avait peur de rater les moments le plus importants de la vie de son fils en se plongeant ainsi dans le travail : elle remarquait déjà avec inquiétude chaque centimètre qu’il prenait et son regard qui devenait de plus en plus attentif au monde qui l’entourait. Il n’avait plus rien du nourrisson qu’elle avait veillé des mois durant il y a cinq ans. Pourtant Lucca ne lui en avait jamais tenu rigueur, profitant seulement de tous les moments qu’ils pouvaient avoir rien que tous les deux. Le gamin n’avait d’ailleurs toujours pas perdu son sourire lorsque quelques heures après ils rentraient du parc après maintes parties de jeux, pour déjeuner : sur le chemin la blonde eut néanmoins l’impression qu’il était ailleurs, comme s’il tentait de suivre du regard une ombre invisible aux yeux de sa mère. Elle avait beau le questionner, le réponse était toujours la même : « Y’avait mon ami ! » Il n’en fallait pas plus pour attendrir Rose qui était impressionnée par l’imagination que pouvait avoir un enfant. Durant le repas, le petit ne fit plus allusion à quelconque ami imaginaire et l’évènement sortit totalement de l’esprit de la jeune femme.

Plongée dans sa lecture elle ne faisait pas attention à l’heure qui passait et fut plutôt surprise d’entendre la sonnette retentir. Surprise elle jette un oeil par la fenêtre avant de redescendre sur terre : il était quinze heures, c’était ce qui était prévu. Posant son bouquin sur la table basse elle   se dirigea vers l’entrée d’un pas rapide : « Bonjour Diaz, ravie que tu aies accepté de venir, le petit te réclame depuis des jours. » S’exclame-t’elle avec un large sourire en ouvrant la porte d’entrée. Le jeune homme était le meilleur ami en date de son fils et bien sûr Rosa ne pouvait s’empêcher de chercher à rendre le petit le plus heureux possible. Ainsi, lorsque ce dernier s’était plaint de ne pas avoir vu Diaz depuis plusieurs jours la jeune mère avait proposé au jeune homme de faire un passage chez elle pour faire plaisir à son fils. « Entre je t’en prie ! » Toujours un sourire aimable aux lèvres elle accompagne son invité jusqu’au salon tout en veillant bien à refermer la porte derrière lui. Ce n’était pas qu’elle souhaitait enfermer le jeune homme mais Lucca avait une vilaine tendance à vouloir découvrir le monde ces derniers temps et il lui était déjà arrivé de sortir sans permission, mettant par la même occasion Rosa dans un état d’inquiétude folle. Depuis, elle était d’autant plus prudente que le jeune garçon était ingénieux. « Lucca mon chéri, il y a quelqu’un pour toi dans le salon ! » S’exclame-t’elle d’une voix forte à l’attention du garçonnet qui jouait dans sa chambre depuis la fin du repas de midi. « J’arrive mama ! » A peine eut-il terminé sa phrase que la blonde entend les pas précipités du gamin à l’étage : « Ne cours pas dans les escaliers tu vas te faire mal ! »  Elle le connaissait par coeur, depuis qu’il savait marcher il courrait sans cesse, se blessant régulièrement par la même occasion. Il avait une tendance à être un peu trop empressé  au grand dam de sa mère. ll ne fallut néanmoins pas une seconde pour que son allure soit plus modérée tandis qu’il traversait le couloir pour rejoindre le rez de chausée. Reportant son attention sur son invité Rose demanda : « Tu veux boire quelque chose ? J’allais me faire un thé, tu veux un chocolat chaud peut-être ? » La biche connaissait bien l’amour de Diaz pour les chocolats chauds, ce dernier en prenait régulièrement au restaurant et même si Rose n’était pas aussi douée que son chef pour les préparer elle avait appris à les imiter plutôt correctement avec les moyens du bord.

C’était toujours un plaisir de recevoir Diaz pour Rosa, ce dernier était d’une douceur rare et il fallait l’avouer de très agréable conversation, évidemment il était là pour Lucca mais Rosa se félicitait de le côtoyer aussi. « Si je peux te faire plaisir en même temps qu’à mon fils, je ne vois pas pourquoi je m’en passerai ! » Indiqua la jeune mère avec un large sourire en faisant la bise avec chaleur au jeune homme. Lorsque ce dernier lui tendit le coffret son visage s’éclaira un peu plus : « Oh c’est adorable il fallait pas ! Je suis sûre qu’il y en a un qui va se régaler ! » Et quelques secondes plus tard les deux jeunes gens étaient installés dans le salon. D’un geste rapide Rosa avait rangé les derniers objets qui trainaient et avais eu tout le loisir d’observer son fils se jeter dans les bras de Diaz. « Sois gentil avec Diaz n’est-ce pas mon ange, sinon il ne reviendra plus… » Elle savait à quel l’excitation de l’enfant pouvait lui faire oublier les bonnes manières que sa mère cherchait à lui inculquer. C’était un gentil garçon, évidemment, mais il était parfois trop impulsif ou empressé : il tenait ça de son père, Rose se souvenait avoir fait les mêmes observations avec Clyde à l’époque où les amants se côtoyaient encore. Ainsi elle préférait le prévenir de réfréner ses ardeurs car Diaz était bien trop doux pour oser lui refuser quoi que ce soit. Elle ne souhaitait pas que le jeune homme pense que rencontrer son fils puisse être une corvée.

Acquiesçant doucement à la réponse de Diaz elle se redressa rapidement et vint ébouriffer la petite tête de Lucca d’un geste de la main avant de sortir de la pièce : « Avec plaisir, je t’apporte ça de suite. » Elle se dirigea vers la cuisine non sans observer les deux amis du coin de l’oeil avec un sourire attendri. Diaz savait vraiment y faire avec son fils, elle voyait bien que Lucca l’aimait beaucoup, ça se voyait dans ses grands yeux noisette et Rosa ne pouvait que s’en réjouir. Appuyée contre le cadre de la porte elle demanda finalement : « Lucca, tu veux boire un chocolat ? » Il redressa à peine la tête pour répondre, trop occupé visiblement mais sa voix était pleine de sourire : « Oui mama ! » Elle haussa un sourcil en croisant les bras sous sa poitrine comme si sa posture pouvait inquiéter le gamin : « Oui comment ? » Demanda-t’elle d’une voix douce mais autoritaire. « J'aimerai un chocolat s’il te plait mama. » Se reprit le petit en soupirant légèrement toujours blottis dans les bras de Diaz. « Je préfère ça. » Lâche-t’elle faussement vexée avant de disparaître quelques secondes dans la cuisine.

Quelques tours de main plus tard elle revenait au salon en portant un plateau plein de victuailles parmi lesquelles deux grands mugs de chocolat chaud fumant. Elle en avait aussi profité pour sortir quelques sucreries du coffret amené par Diaz qu’elle avait versées dans une bol et déposa le tout sur la table basse. Les deux garçons étaient en plein jeu, Lucca, l’air infiniment concentré expliquait à Diaz les spécificités du jouet qu’il avait sorti du coffre de jeux. Il ne réalisa pas immédiatement ce que contenait le plateau. « Des bonbons ! » S’exclama-t’il avec de grands yeux brillants en remarquant le bol. « Tu peux remercier Diaz c'est lui qui les a amenés. » Le calme de la mère contrastait allègrement avec l’incroyable énergie déployée par le fils.  « Merci Diaz ! » Le petit se blottit un peu plus dans les bras du jeune homme tout en déposant un baiser sonore sur sa joue. Un léger rire s’échappe des lèvres de la jeune mère qui s’installe confortablement sur un fauteuil en se servant une grande tasse d’eau chaude pour faire infuser son thé. Profitant que le petit avait le nez enfoui dans son mug de chocolat chaud Rosa demanda à Diaz avec un sourire : « Comment vas-tu alors ? J’espère que je n’ai pas contrarié tes plans pour la journée avec mon invitation… » L’après midi passée avec Lucca lui permettait aussi d’en apprendre un peu plus sur ce mystérieux jeune homme qu’elle avait à l’époque manqué de prendre pour une proie : cela aurait été une belle erreur car aujourd’hui elle balayait cette idée avec vigueur, hors de question de blesser un ami de son fils.

La scène était tellement attendrissante que Rosa regretta de ne pas avoir un appareil photo à portée de main pour l’immortaliser. Elle savait que le temps passait vite et que bientôt de telles scènes n’arriveraient plus. Lucca grandissait et prenait en caractère, il ressemblait à son père et Clyde n’avait jamais été connu pour ses élans de douceur, elle espérait que le garçon n’aurait pas tout pris de l’homme. « Oh ça pour être énergique il l’est en effet ! » La jeune maman couvait son petit d’un regard tendre tandis qu’il avait le nez plongé dans son mug non sans jeter des coups d’oeil furtifs et intéressés en direction des autres tasses. Il croquait la vie à pleines dents Lucca, toujours en demande de nouveauté, toujours à la recherche de quelque chose de nouveau, toujours inquiet de rater une opportunité. De ce fait lorsque certains voyaient un simple gouter, lui voyait l’opportunité de gouter à tout, de tenter tous les mélanges et de profiter de toutes les sucreries à disposition. C’était une innocence réconfortante pour la blonde qui avait tendance à être un peu blasée par la nature humaine malgré l’image qu’elle se donnait. Avec le recul elle se disait que si Lucca ne serait pas là, elle ne serait certainement plus là elle non plus. La maternité l’avait rendue plus prudente, plus observatrice, plus déterminée : elle avait un but pour rentrer chez elle chaque soir, un objectif à atteindre pour le voir grandir dans de bonnes conditions. Et c’était pour ça qu’elle se tuait à la tâche, pour qu’il puisse avoir ce qu’elle n’avait pas étant enfant.  « Je te remercie pour ton attention mais je t’en prie ne t’inquiète pas pour moi, Lucca voulait te voir et je me suis dit que c’était une bonne occasion pour qu’il profite de ta présence tout en profitant de la mienne. » Elle marque une légère pause en buvant une gorgée du thé avant de hausser doucement les épaules au final peu affectée par son propre sort : « C’est sur que mon emploi du temps n’est pas des plus libre mais je n’ai pas à me plaindre, j’ai un fils très compréhensif. » Elle espérait seulement qu’il n’en souffre pas effectivement et qu’il fasse comme s’il était heureux juste pour ne pas inquiéter sa pauvre mère. « Je dois avouer que je ne dirais pas non à quelques jours de vacances, mais ce n’est pas encore au programme alors je fais au mieux. » Quelques jours loin de Rome et des inquiétudes de la guerre froide qui grognait dans l’ombre. Quelques instants d’évasion où Lucca pourrait jouer sans qu’elle s’inquiète de le voir victime collatérale dans une rixe entre créatures. Parfois Rosa se disait que la vie devait être plus paisible loin de la capitale, mais c’était chez eux et elle n’arrivait jamais à se résoudre à quitter sa ville.

Le compliment du jeune homme arrache un sourire à la blonde, les bonnes manières de Diaz la laisseraient toujours rêveuse. Le gamin était bien trop gentil pour ce monde, du moins c’était l’impression qu’elle avait tandis qu’il s’occupait avec infiniment de patience de son fils. « Merci beaucoup je suis très contente que tu l’apprécies ! J’essaye de prendre exemple sur mon chef mais il a toujours ce petit plus que je n’arrive pas à égaler. » Et c’était bien pour cela qu’elle était gérante et lui chef n’est-ce pas ? Si Rosalina avait repris le restaurant familial par attachement pour l’endroit rien ne la prédisposait à l’origine à une carrière dans la restauration. Enfin, si elle pensait à son ascendance, l’avenir lui était tout tracé, mais, enfant, elle rêvait de servir son pays, la grande Italie, patrie de sa naissance. Si l’enfant qu’elle était à l’époque la voyait aujourd’hui certainement serait elle bien déçue. Mais elle ne pouvait renier son héritage. Ses parents avaient tout perdu pour ce trafic, pour ce restaurant, elle ne pouvait ignorer cela. Au final elle était plutôt douée, c’était dans ses gênes et elle était parvenue à créer son petit empire. Néanmoins elle savait bien que ce n’était pas quelque chose qu’elle voulait léguer à son fils, trop dangereux, trop risqué, elle rêvait pour lui d’un avenir plus doux où il n’aurait pas à s’inquiéter de la véritable allégeance de tous ceux qu’il croisait dans la rue. Du coin de l’oeil elle couvait son fils et elle s’étira pour attraper elle aussi une sucrerie sous son regard étonné : « J’ai le droit aussi Lucca, tu ne crois quand même pas pouvoir tout manger tout seul ! » Son air renfrogné la fit sourire et sa moue tout autant lorsqu’il répondit, empressé : « Bien sûr que je peux ! Regarde mama ! » Un rire cristallin s’échappa des lèvres de la biche qui tapota doucement la main de son fils pour qu’il lâche la poignée de bonbons qu’il venait d’attraper : « Ça te ferait surtout avoir une belle crise de foie mon ange, fais doucement je ne veux pas que tu sois malade. » Malgré son air déçu le petit lâcha les sucreries pour se venger sur son chocolat chaud avant de rattraper son jouet aussi vite ayant l’air d’avoir totalement oublié sa désillusion.

« Cela fait un moment que je ne t’ai pas vu au restaurant, tu es très occupé en ce moment ? » Demanda-t’elle à Diaz en redressant légèrement la tête de sa tasse une lueur interrogative au fond des pupilles. Quand elle y pensait, elle ne savait même pas ce que le jeune homme faisait de ses journées lorsqu’il n’étais pas entrain de déguster des chocolats chauds dans sa salle ou de s’occuper de Lucca. Pour une jeune femme aussi curieuse et surtout intéressée qu’elle c’était plutôt étonnant et sans y paraître elle cherchait à en savoir plus sur le jeune homme en qui elle avait eu une confiance immédiate malgré sa réticence habituelle.

L’idée de quelques jours de repos était plus qu’agréable, néanmoins c’était quelque chose que la blonde ne s’octroyait que très rarement. Même enceinte de Lucca elle n’avait quitté le restaurant que lorsque son état ne lui permettait plus de se cacher des regards inquisiteurs. Néanmoins, la situation il y a six ans était bien différente de celle d’aujourd’hui et les récents évènements pourraient la pousser à s’éloigner plus rapidement que prévu de Rome. « Je ne m’inquiète pas trop pour cela, j’ai de la chance d’avoir une affaire qui fonctionne plutôt bien il s’agit juste de parvenir à couper le cordon. » Et personne n’ignorait que la blonde était aussi accro au contrôle qu’au sourire de son gamin. Sourire exacerbé à la fois par la boisson chaude et les gourmandises étalées sur le plateau. « Tu as bien raison Diaz, je pense que je vais me pencher sur la question, il faut avouer que j’ai parfois du mal à m’extirper des traditions. Mais je compte sur toi pour tester mes innovations le temps venu. » Et c’était plutôt étrange venant de la femme dont la situation quotidienne était tout sauf traditionnelle mais il n’était inconnu de personne et surtout pas d’elle que quelques détails de son existence, comme la recette du chocolat chaud de sa grand mère lui permettait de garder pied dans son héritage. Mais la nouveauté avait parfois du bon et il n’était guère positif de s’enfermer dans les souvenirs surtout lorsque ceux ci avaient un arrière gout amer. Rosalina ne se perdait jamais dans ces derniers, consciente que si elle avait eu l’occasion bien des choses auraient pu être différentes. Elle préférait se concentrer sur le moment présent et tenter de faire au mieux pour ceux, pour celui, à qui elle tenait.

Rosa hausse légèrement un sourcil devant le palabre de son invité avant de reprendre une mine attentive, masquant ses interrogations. Elle ne doutait pas que le jeune homme avait ses secrets, elle était bien placée pour savoir que tout le monde cachait quelque chose derrière ses sourires et son apparente décontraction mais la curiosité était un défaut qu’elle pouvait avouer posséder sans grande crainte et ce jour là elle était piqué au vif. Néanmoins, par politesse et amitié pour le jeune homme elle ne releva pas et se contenta de réagir à sa tirade : « C’est une situation que je vis sans cesse depuis des années… » Un léger rire s’échappe des lèvres de la jeune femme tandis que son regard glisse du jeune homme au garçonnet qui était appuyé sur ses genoux. Le moins que l’on pouvait dire était que Lucca avait boulversé son quotidien il y a quelques années de ça. Elle avait du réapprendre à vivre en dépendant de quelqu’un elle qui avait vécu tout au tant de temps sans aucune attache. Néanmoins elle n’échangerait sa place pour rien au monde parfaitement comblée par la situation. « Alors je ne peux que comprendre ce que tu me décris. » S’étirant pour attraper une autre friandise sous le regard inquisiteur de son fils elle reprit calmement : « Mais si je peux me permettre un conseil, malgré tout ce qui peut arriver il faut toujours finir par trouver le temps de se retrouver. Je sais que ça ne donne pas une idée très altruiste de l’Homme, mais être égoïste permet souvent de passer des épreuves qui nous paraissent insurmontables. » Elle avait appris qu’être altruiste n’apportait pas toujours que les lauriers et elle savait bien qu’elle ne serait plus là aujourd’hui si elle n’avait pas, quelques fois, fait passer son bien être - ainsi que celui de Lucca - avant celui des autres. Ce n’était que d’autant plus vrai que les tensions se réveillaient en ville et qu’il ne faudrait pas beaucoup pour que la guerre explose à nouveau au grand jour.

Un sourire attendri effleure les lippes rosées de la mère lorsque Lucca tend un crayon à Diaz pour lui permettre d’égayer le dessin de ces douces esquisses. Profitant de la scène silencieusement ne voulant pas déranger de moment de grâce la blonde se resservit quelques gouttes de thé avant de reprendre doucement : « Il t’apprécie énormément tu sais? Mon fils a tendance à embrasser littéralement le monde autour de lui mais il faut avouer que tu trônes tout au sommet de ses compagnies préférées. » Et si Rosalina ne le partageait pas avec Diaz, c’était certainement une des majeures raisons pour laquelle elle l’avait appelé ce jour là. Malgré la joie de vivre de Lucca et son ouverture au monde elle avait l’impression qu’il se renfermait parfois sur lui-même notamment lorsqu’il évoquait ces fameux « amis » qui ne semblaient être rien d’autres que des créations de son imagination. L’humeur joyeuse de l’enfant face à la présence de Diaz la rassurait quelque peu sur la situation et ce même si les questions étaient toujours présentes dans son esprit. Elle était heureuse de voir que Lucca restait le même malgré le temps qui passait et l’attention parfois dilettante que sa mère pouvait lui accorder.

En moins d’une minute le ciel s’était assombri et avec les nuages menaçants qui s’agglutinaient de plus en plus avait commencé à rugir le tonnerre. Les éléments se déchainaient en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire et il n’en faut pas plus à Lucca pour s’inquiéter et se réfugier sur les genoux de Diaz qui le rassura avec grands calme et maturité. Ce jeune homme était décidément plein de surprises. « C’est toujours comme ça, on ne peut jamais s’attendre à rien, le temps de Rome est plus imprévisible qu’au bord de l’océan. » Soupira la jeune femme en haussant les épaules avant de terminer sa tasse de thé d’une longue gorgée. Dieu savait quel point elle aimait sa ville mais parfois elle rêvait de changer d’air, surtout pour Lucca à vrai dire. Les rues de Rome n’étaient plus ce qu’elles étaient et l’inconnu luisait comme un eldorado inaccessible, un paradis de sérénité qu’elle n’atteindrait certainement jamais. Après tout, comment s’arracher à son foyer ? Comment arracher son fils à sa vie ? A ses amis, à ses proches ? Elle ne pouvait s’y résoudre tant que la situation ne devenait pas totalement incontrôlable. Malheureusement, comme les affres de la guerre étaient à leur porte, ce jour pouvait venir plus vite que prévu. Néanmoins si les évènements la poussaient à quitter sa ville natale, elle ne savait même pas où elle pourrait trouver refuge. Elle avait construit toute sa vie ici lorsque plus rien ne l’y maintenait attacher. Elle se savait capable de faire de même autre part, mais elle ne savait pas si elle en avait réellement le désir.

Un soupir attendri s’échappe de ses lèvres lorsque Diaz se rapprocha d’elle à la demande explicite de son fils qui pleurait à chaudes larmes. « Mon ange… » Susurra-t’elle en l’enrobant d’un regard aimant. Se redressant du fauteuil sur lequel elle était installée, elle tendit les bras pour prendre le petit contre elle le berçant doucement contre sa poitrine comme lorsqu’il n’était encore qu’un nourrisson. Les années étaient passées à une vitesse folle et la maturité dont faisait preuve son fils face à la majorité des évènements avait tendance à mettre un voile sur sa véritable jeunesse mais la réalité revenait toquer à sa porte. Ce n’était qu’un enfant et il avait ces peurs irrationnelles que seul un enfant pouvait avoir. « Chut… Ça va aller mamma te le promet. » Celle promesse, au moins, elle était capable de la tenir. Son étreinte pouvait protéger son fils du déchainement extérieur des éléments à défaut de pouvoir le maintenir éloigné de tout danger. Elle avait beau se battre de toutes ses forces elle savait bien qu’il pourrait arriver malheur à son fils un jour. Cela n’arrivait pas qu’aux autres mais elle se forçait à oublier cette éventualité pour ne pas totalement sombrer dans la paranoïa et l’inquiétude. « Regarde, Diaz a raison il n’y a plus que de la pluie l'orage est parti. » Murmura-t’elle en s’approchant de la fenêtre, sa petite tête blonde toujours lovée contre elle. Dehors les éclairs s’étaient éloignés et seul le vrombissement lointain du tonnerre laissait imaginer que la foudre s’abattait encore sur la ville. Il n’y avait plus que les trombes d’eau pour doucher les trottoirs et rincer les pavés romains. Heureusement que la jeune femme n’avait pas pris l’initiative de prendre le thé à l’extérieur avec son invité ils seraient trempés jusqu’aux os à cette heure ci. Alors même s’ils étaient coincés à l’intérieur pour un bout de temps à cause du temps capricieux, ils pouvaient au moins se vanter d’être au chaud et au sec.

« Tu resteras bien avec nous le temps que la pluie se calme j’espère Diaz ? » Demanda la jeune mère en se tournant à nouveau vers le garçon alors que Lucca reniflait encore blotti dans ses bras. Inconsciemment la blonde le serra un peu plus contre elle profitant de ce moment de tendresse que la situation lui permettait de partager avec son fils. « Je serais une très mauvaise hôte si je te laissais partir avec ce temps ! » Et Rosalina était loin de pâtir d’une mauvaise image lorsqu’il s’agissait de recevoir. Après tout c’était aussi son commerce, son désir de reprendre l’établissement familial avait surement sa source dans son tempérament. Peu encline à voir le jeune homme lui dire non elle ajouta avec un sourire mutin : « Et j’en connais un qui sècherait ses grosses larme de crocodile s’il savait que tu restais, n’est-ce pas mon coeur ? » Elle déposa un baiser sur le front de l’enfant qui s’anima à nouveau un peu en entendant l’évocation de cette possibilité. Un léger sourire se dessina sur ses lippes et il acquiesça doucement en scrutant de ses yeux clairs le visage de son grand ami. S’étirant jusqu’à la table elle récupéra une sucrerie dans le bol, la coupa en deux avant d’en tendre la moitié au petit blondinet : « Tu sais bien que mamma préfère te voir sourire mon ange, allez sèche tes larmes tout va bien. » Un sourire réconfortant flottait sur les lèvres de la biche qui croqua dans le chocolat en même temps que Lucca prenait le sien.